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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 31

Le jeudi 31 mars 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 31 mars 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La diversité culturelle

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, la représentation, ou le fait d’être représentatif, constitue l’objectif central de la programmation artistique dans le monde d’aujourd’hui, particulièrement dans le contexte actuel de la COVID-19.

Les organismes voués aux arts relancent leurs activités. Les spectacles et les expositions ont repris et le public revient, en dépit de l’incertitude. En cette période de réouverture, nombreux sont les organismes qui cherchent de nouvelles façons de représenter et d’illustrer la diversité de leur communauté.

Deux récentes visites en Colombie-Britannique m’ont particulièrement inspirée. Je suis allée au musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique voir l’exposition « Sankofa : routes africaines, racines canadiennes », et à la galerie d’art du Grand Victoria voir l’exposition solo de Denyse Thomasos. Ces deux expositions absolument remarquables mettaient en vedette des artistes dont nous avons présenté les œuvres dans le cadre du projet Hommage aux artistes noirs du Canada.

À l’exposition Sankofa, j’ai pu voir des œuvres de Chantal Gibson, et à l’exposition sur Denyse Thomasos, j’ai vu des œuvres qui appartiennent à la série qui se trouve maintenant dans notre foyer.

L’exposition Thomasos était organisée par la galerie McMichael de Kleinberg, sous la direction de la conservatrice Gaëtane Verna, directrice de la galerie Power Plant de Toronto. Mme Verna nous a également conseillés pour ce qui est de notre installation actuelle. Dans la présentation de l’exposition, on souligne la capacité de Denyse Thomasos « d’aider à voir l’histoire humaine sous un nouveau jour ». C’est bien ce que cette artiste réussit à faire avec des œuvres percutantes, tout comme l’exposition qui la met en vedette.

L’exposition Sankofa présentait des œuvres empruntées à des artistes africains et afro-canadiens ainsi que des pièces de la collection du musée. Trois sections de l’exposition ont été organisées par des étudiants noirs sous la direction de conservateurs chevronnés du musée d’anthropologie. Cette exposition a permis au visiteur de réfléchir sur le passé, le présent et, bien sûr, l’avenir. Les énoncés d’introduction étaient percutants et les faits présentés avaient une puissance évocatrice qui forçait à la réflexion.

Le visiteur a pu lire des citations d’une pertinence bouleversante comme « Un phare qui ouvre la voie — La permission d’exister comme ancêtre vivant » et « Un regard sur le passé avec notre avenir en tête ».

Chers collègues, les arts reflètent la société, et c’est bien leur rôle. En tant que spectateurs nous sommes invités à participer au dialogue et à la réflexion des artistes et, immanquablement, l’expérience nous enrichit.

Les troupes de danse et de théâtre et les orchestres — grands et petits — partout au Canada explorent de nouvelles avenues avec les compositeurs, les musiciens, les écrivains, les acteurs, les chorégraphes et les danseurs pour présenter des histoires inédites.

Au fur et à mesure que les artistes de couleur continueront à être mieux représentés, les œuvres illustrant notre diversité culturelle continueront à s’améliorer.

J’applaudis et félicite encore une fois tous ces artistes.

Merci.

La crise en Afghanistan

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom des 24 millions d’Afghans qui sont actuellement menacés par la famine.

Selon le Programme des Nations unies pour le développement, environ 97 % de la population afghane plongera dans la pauvreté d’ici la fin de l’été.

Depuis la prise de contrôle par les talibans l’été dernier, la situation désespérée des Afghans a empiré. Bien que cette situation était malheureusement prévisible, je suis vraiment troublée par la rapidité avec laquelle l’Afghanistan a été oublié parmi les autres crises.

À l’heure actuelle, plus de 3,5 millions d’Afghans sont déplacés à l’intérieur de leur pays et dorment dans les rues ou les parcs publics. Des parents désespérés se voient dans l’obligation de vendre leurs filles à un âge de plus en plus jeune et souvent à des familles qu’ils ne connaissent pas, car ils n’ont pas les moyens de les nourrir.

Le désespoir est palpable. Aziza, une jeune mère de trois enfants, essaie de vendre un de ses reins pour éviter de devoir vendre sa fille d’un an. Une autre femme afghane n’a eu d’autre choix, après avoir vendu ses deux jeunes filles, que de vendre un de ses reins pour nourrir sa famille. La situation est si grave qu’elle a consenti à se faire opérer, même si elle était très malade. Elle a déclaré : « Je leur ai dit que je n’avais pas peur de mourir, mais que je ne pouvais pas tolérer de voir mes enfants affamés et malades. »

Dans un village situé à proximité de la ville de Herat, de nombreux résidants ont vendu leur rein, à un point tel qu’on appelle maintenant cet endroit le « village des personnes à un seul rein ». Les Afghans sont la proie de trafiquants d’organes qui répondent à leur désespoir en achetant leurs reins à bas prix sans égard aux risques pour la santé, puisque ces interventions chirurgicales ne sont pas réglementées.

Le Canada a pris des engagements précis à l’égard des Afghans. En septembre 2021, le gouvernement libéral s’est engagé à aider et à réinstaller 40 000 Afghans. À ce jour, seuls 9 560 Afghans ont été réinstallés. La majorité d’entre eux ont dû quitter le pays par leurs propres moyens et avec l’aide d’organisations non gouvernementales privées. Bon nombre des personnes abandonnées sont celles qui ont risqué leur sécurité pour aider nos forces en Afghanistan.

Le 4 mars, le Comité international de secours a déclaré :

Pendant que l’attention du monde se tourne vers le conflit et la crise de personnes déplacées en Ukraine, le Comité international de secours rappelle au monde de ne pas négliger l’Afghanistan. La communauté internationale doit saisir l’occasion qui se présente en Afghanistan pour prévenir la famine, sauver des vies et mettre fin aux conditions horribles dans lesquelles vivent les femmes et les filles.

Honorables sénateurs, je ne peux demeurer les bras croisés pendant que le gouvernement Trudeau ignore les Afghans affamés et malades abandonnés à leur sort. Le gouvernement libéral peut et doit faire mieux.

Merci.

Le décès de l’honorable Claudette Bradshaw, c.p., O.N.-B.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, pour ceux qui l’ont connue, Claudette était une force de la nature. Elle aimait et respectait tout le monde, peu importe son rang social ou sa situation financière.

(1410)

Claudette Bradshaw a porté bien des chapeaux : ancienne députée et ministre; défenseure des itinérants et de la littératie; directrice du Club garçons et filles de Moncton; cofondatrice, avec son cher Doug, du programme Bon départ de Moncton; membre du Groupe d’étude du premier ministre sur le secteur communautaire sans but lucratif; coordonnatrice de la Commission de la santé mentale du Canada; instigatrice de la stratégie Logement d’abord; maman pour de nombreux enfants — en plus de ceux à qui elle a donné naissance, ses très chers Chris et Nick; défenseure des familles marginalisées; et championne communautaire désintéressée, bienveillante et infatigable.

Elle a reçu l’Ordre du Nouveau Brunswick en 2009, puis l’Ordre de Moncton en 2010 pour son travail communautaire. Elle a reçu des doctorats honorifiques de l’Université d’Ottawa et de l’Université de Moncton. De plus, Claudette a amplement mérité de nombreux autres prix.

Nous avons fait connaissance en 1994 après avoir toutes les deux été nommées au Conseil national de prévention du crime. Nous sommes rapidement devenues de bonnes amies et avons immédiatement trouvé une cause commune. Par la suite, Claudette s’est présentée aux élections et a occupé les postes de ministre du Travail et ministre responsable des sans-abri; ministre responsable de la Francophonie; secrétaire parlementaire du ministre de la Coopération internationale; et secrétaire d’État au multiculturalisme et à la situation de la femme.

Elle est peut-être mieux connue pour sa générosité sans borne, son amour inconditionnel et ses gros câlins, qui étaient sa marque de commerce. En effet, Claudette a gagné une certaine renommée au sein du Commonwealth lorsqu’en 2002, à la fin de la visite de la Reine au Nouveau-Brunswick, elle lui a donné un de ses gros câlins. Son fils se souvient de s’être exclamé : « Elle va donner un câlin à cette femme et on utilisera sur elle un pistolet Taser devant tous les citoyens de Moncton. » Complètement imperturbable, Claudette s’est exécutée, déclarant que la souveraine n’était pas différente de vous et moi.

Comme notre collègue le sénateur Mockler nous l’a rappelé hier, Claudette a fait du Canada un meilleur endroit où vivre, travailler et élever des enfants. C’était sans aucun doute une femme tout à fait spéciale et elle nous manquera énormément. Nous pouvons tous trouver un certain réconfort, sachant que son travail et son esprit vivent toujours à travers la collectivité et les innombrables personnes dont elle a enrichi et amélioré la vie. Meegwetch. Merci.

Le décès de Paul Birckel

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je suis reconnaissante envers le Créateur pour cette journée. C’est avec humilité que je prends la parole à partir des terres ancestrales des Algonquins anishinabes. Je suis honorée de pouvoir servir la population du Canada.

Kluane Adamek, la cheffe régionale du Yukon, m’a raconté que lors des discussions stratégiques avec son équipe et les chefs du Yukon, ils ont inventé le slogan « A Yukon that Leads » — un Yukon qui montre la voie — pour décrire notre région ainsi que le leadership et les progrès des Premières Nations.

Un de nos leaders nous a quittés. Paul Birckel est né sur les rives du lac Kluane, sur les terres ancestrales des Premières Nations de Kluane, de Champagne et d’Aishihik. Son père, Paul Eugene Birckel, était originaire de Rombach-le-Franc, dans la région de l’Alsace, en France. Son grand-père maternel, Hutshi Allen, faisait partie de la nation de la région de la haute Tanana, près de Tetlin et de Tanacross, en Alaska.

Honorables sénateurs, Elijah Smith et une délégation de chefs du Yukon, qui ont rédigé le document intitulé Together Today for our Children Tomorrow — ensemble aujourd’hui pour l’avenir de nos enfants —, avaient recueilli les propos de Paul Birckel à titre de premier directeur général du Conseil des Premières Nations du Yukon après la fusion de trois organisations : le Conseil des Indiens du Yukon, l’Association des Indiens non inscrits du Yukon et de la Fraternité des Autochtones du Yukon. Le document en question a été accepté par le gouvernement du Canada en 1973 et il a jeté les assises de l’Accord-cadre définitif du Yukon, signé en 1993.

Paul a quitté le Conseil des Premières Nations du Yukon pour devenir chef des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik. Il a été élu à cinq reprises et, grâce à son travail, sa nation a été l’une des premières à conclure un accord sur les revendications territoriales en vertu de l’accord-cadre définitif. En 1996, il a négocié une entente pour la cogestion du parc Tatshenshini-Alsek, qui s’étend sur plus de 6 000 milles carrés et chevauche la frontière entre le Yukon et la Colombie-Britannique.

En plus de contribuer à la création du Centre des langues autochtones du Yukon et à la négociation d’une entente sur la protection de l’enfance entre sa Première Nation et le gouvernement du Yukon, Paul était un homme d’affaires avisé, qui a aiguillé sa Première Nation vers des achats et des développements importants. La Chambre de commerce du Yukon lui a d’ailleurs décerné le titre d’homme d’affaires de l’année en 1995.

Les Yukonnais et les Canadiens peuvent remercier la famille et les amis de Paul, car ils nous ont permis de profiter, nous aussi, de son temps, de son énergie et du dévouement qu’il mettait à bâtir un avenir meilleur. L’amour, la tolérance, la patience et la collaboration étaient au cœur de son chemin personnel vers la réconciliation. D’après sa famille, l’héritage le plus durable de Paul prend la forme de quelques principes très simples : donnez davantage que vous ne prenez, traitez les gens et les animaux avec bonté, et sachez que votre capacité d’aimer est illimitée.

Le 8 juillet 2021, Paul Birckel nous a quittés pour le monde des esprits. Son épouse Kathy Birckel, avec qui il avait été marié pendant 61 ans, l’a suivi peu après.

Honorables sénateurs, Paul Birckel, ce Yukonnais précurseur qui a contribué à un « Yukon qui montre la voie », nous a conduits, nous, le Yukon et la société canadienne, vers un monde meilleur.

Pour citer le programme du service commémoratif : « gunalchéesh ». Merci. Mahsi’cho.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L’étude de la motion tendant à autoriser une modification à la Constitution (Loi sur la Saskatchewan) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale

Présentation du quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Mobina S. B. Jaffer, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 31 mars 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyée la motion no 14 des affaires du gouvernement, qui propose « qu’une modification à la Constitution du Canada soit autorisée par proclamation émise par Son Excellence le Gouverneur général sous le Grand Sceau du Canada conformément à l’annexe ci-jointe » pour abroger l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan, a, conformément à l’ordre de renvoi du mardi 1er mars 2022, examiné ladite motion et présente son rapport.

Votre comité recommande que le Sénat adopte ladite motion.

Votre comité note que l’adoption de ce rapport par le Sénat constituerait l’accord du Sénat avec la résolution proposée pour modifier la Constitution.

Le comité note que ce rapport a été adopté avec dissidence. Le comité a tenu deux réunions de quatre heures chacune et a entendu les témoins suivants :

L’honorable Gordon S. Wyant, député, ministre de la Justice et procureur général, Gouvernement de la Saskatchewan

Michelle Lang, cheffe de cabinet de l’honorable Gordon S. Wyant, ministre de la Justice et procureur général, Gouvernement de la Saskatchewan

Louise Baird, sous-ministre adjointe, Affaires intergouvernementales, Bureau du Conseil privé

Me Daniel Bourgeois, avocat général principal, Droit fiscal, Ministère de la Justice Canada

Me Warren J. Newman, avocat général principal, Droit public, Ministère de la Justice Canada

Nancy Othmer, sous-ministre adjointe, Secteur du droit public et des services législatifs, Ministère de la Justice Canada

Merrilee Rasmussen, avocate, Rasmussen & Co, Barristers and Solicitors

Michael Vandergrift, sous-ministre, Affaires intergouvernementales, Bureau du Conseil privé

James Clements, vice-président principal, Planification stratégique et transformation technologique, Canadien Pacifique

Dwight Newman, professeur de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits des Autochtones dans le droit constitutionnel et international, Université de la Saskatchewan

Benoît Pelletier, professeur, Université d’Ottawa

Patrick Taillon, professeur et codirecteur, Centre d’études en droit administratif et constitutionnel, Université Laval

Respectueusement soumis,

La présidente,

MOBINA S. B. JAFFER

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la séance d’aujourd’hui

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, pour la séance d’aujourd’hui, et nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.le Sénat ne tienne pas compte de l’heure à 18 heures;

2.la motion no 14 sous la rubrique Autres affaires soit appelée immédiatement après que le Sénat a complété les affaires du gouvernement;

3.lorsque le Sénat a complété les affaires du gouvernement et les délibérations sur la motion no 14 sous la rubrique Autres affaires, il s’ajourne;

4.si le Sénat n’a pas complété les affaires du gouvernement et les délibérations sur la motion no 14 sous la rubrique Autres affaires avant 21 heures, la séance soit prolongée jusqu’à ce que l’étude de ces articles soit complétée.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1420)

[Français]

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 5 avril 2022, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation

Première lecture

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

La Loi sur les douanes
La Loi sur le précontrôle (2016)

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

Le mandat de la ministre

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. C’est au sujet de la ministre Joly qui, devant un comité de l’autre endroit, a répondu à des questions concernant le travail qu’effectue le gouvernement pour lutter contre la désinformation et la propagande. Voici ce qu’a dit la ministre au comité :

Du côté de la radiodiffusion, nous avons interdit Russia Today et Sputnik. Nous avons poussé les plateformes numériques à les abandonner également. Mais il faut faire plus [...]

Notre mandat, et le mien en tant que ministre des Affaires étrangères, consiste vraiment à contrer la propagande en ligne [...] [Les entreprises de médias sociaux] doivent reconnaître qu’elles sont assujetties à la compétence des États, qu’elles ne sont pas des plateformes technologiques, mais des productrices de contenu. C’est la façon de veiller collectivement au maintien de démocraties fortes [...]

Monsieur le leader du gouvernement, dans la lettre du premier ministre Trudeau à la ministre Joly, où lui donne-t-on le mandat de lutter contre la propagande en ligne au pays?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question. Comme les sénateurs et autres collègues devraient comprendre, Internet est un espace qui a très peu de frontières, mis à part notre droit souverain de le réglementer du mieux que nous le pouvons. Ainsi, s’assurer que le Canada demeure protégé des menaces de toutes sortes qui émanent du cyberespace, que ce soit des renseignements en ligne ou des renseignements provenant de sources étrangères, est un enjeu pour l’entièreté du gouvernement. À cet égard, nous avons des organismes comme le Centre de la sécurité des télécommunications, le SCRS, la GRC et d’autres qui travaillent avec le gouvernement et avec leurs partenaires pour s’assurer que nous soyons protégés des cyberattaques et des autres formes de désinformation pernicieuses qui nous parviennent via le cyberespace.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, il n’y a absolument aucune référence directe, dans la lettre de mandat remise par le premier ministre à la ministre Joly, indiquant qu’il est de son mandat de combattre la propagande en ligne. Comme je l’ai dit dans mon discours sur le projet de loi S-237 l’autre jour, le premier rôle du ministre des Affaires étrangères du Canada est de défendre les intérêts nationaux et les valeurs qui sont chères aux Canadiens, y compris la liberté d’expression. Quand on veut combattre l’ingérence étrangère, la solution n’est pas de censurer ses propres citoyens. Pas du tout.

Monsieur le leader, comme la ministre Joly semble penser que son mandat est de contrer la propagande en ligne, pourriez-vous nous dire ceci : comment la ministre de votre gouvernement définit-elle la propagande, exactement? Y a-t-il même quelqu’un au gouvernement néo-démocrate—libéral qui sait comment la ministre Joly la définit? Comment pouvons-nous être sûrs qu’aucune ligne ne sera franchie?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Le gouvernement fédéral — comme tous les gouvernements du pays, je suppose — défend les principes qui sous-tendent la liberté d’expression et qui s’inscrivent dans nos traditions constitutionnelles et dans la Charte. Les mesures visant à limiter les droits des Canadiens doivent être adoptées dans le cadre d’une loi, elles doivent respecter des normes rigoureuses qui ont été établies par les tribunaux, et elles doivent aussi faire l’objet d’un examen au Parlement lorsque ces mesures législatives nous sont soumises. Si nous sommes saisis de telles mesures législatives, je suis sûr que nous remplirons nos obligations constitutionnelles pour veiller à ce qu’elles respectent les droits constitutionnels.

Les pêches et les océans

La fermeture des pêches

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, hier, le gouvernement a annoncé la fermeture de la pêche au maquereau de l’Atlantique et de la pêche commerciale de poissons-appâts, sans consulter les pêcheurs.

Le gouvernement a pris les pêcheurs au dépourvu à quelques semaines de l’ouverture de la saison de pêche. Comme l’a dit l’Union des pêcheurs des Maritimes, cette annonce témoigne d’un manque de respect à l’égard de l’expertise des pêcheurs côtiers ainsi que d’un manque d’intérêt à l’égard de l’économie des collectivités rurales de l’Atlantique. Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas consulté les pêcheurs avant de prendre une décision majeure qui aura une incidence sur leur gagne-pain?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de souligner l’importance des pêches de l’Atlantique, ainsi que les conséquences de cette décision.

La conservation et la protection des stocks de poissons constituent une priorité pour le gouvernement actuel, comme pour les gouvernements antérieurs. On m’assure que toutes les décisions prises par le ministère des Pêches et des Océans sont soutenues par de solides données scientifiques et par les conclusions qui en découlent.

Cette décision n’a pas été facile à prendre. Le gouvernement reconnaît les répercussions qu’elle aura sur les pêcheurs. Comme les sénateurs le savent peut-être — et je suis convaincu que la sénatrice Poirier et ses collègues de la région le savent —, le maquereau et le hareng du printemps du Sud du golfe se trouvent en zone critique depuis plus d’une décennie. Cela entraîne des conséquences pour de nombreuses espèces, comme le thon, le saumon et la morue, qui dépendent du poisson fourrage pour s’alimenter.

La décision actuelle vise à protéger et à régénérer ces stocks pour assurer la vigueur du secteur des fruits de mer pour les générations à venir.

La sénatrice Poirier : Sénateur Gold, selon Martin Mallet, directeur de l’Union des pêcheurs des Maritimes, les pêcheurs pourraient devoir assumer des coûts supplémentaires allant jusqu’à 10 millions de dollars. De plus, la ministre Joyce Murray a indiqué qu’à l’heure actuelle, il n’y avait aucun plan de compensation financière. Ainsi, les pêcheurs n’ont été aucunement consultés et n’obtiendront aucune compensation financière quelques semaines seulement avant le début de la saison de la pêche. Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement n’envisage-t-il même pas de compensation financière pour la perte potentielle des pêcheurs attribuable à la décision du gouvernement?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je ne suis pas en mesure de confirmer que le gouvernement ne l’envisage pas. Il n’a pas pris de décision, et si une telle décision était prise, on en ferait l’annonce.

(1430)

Il est important de rappeler au Sénat qu’il s’agit d’un moratoire temporaire, qui a été décrété parce que la situation a été jugée urgente. En dépit des conséquences à court terme, cette décision s’avérait nécessaire pour protéger la viabilité à long terme des stocks de poissons, dont la pêche dépend.

[Français]

La santé

La Société canadienne du sang

L’honorable René Cormier : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, actuellement, au Canada, les donneurs de sang masculins qui déclarent avoir eu des relations sexuelles avec un ou plusieurs autres hommes dans les trois derniers mois ne peuvent donner du sang.

Cette pratique, qui participe à renforcer la stigmatisation liée au VIH, est dépassée, car il est clair que ce sont les comportements sexuels et non l’orientation sexuelle d’une personne qui déterminent le niveau de risque de transmission du VIH.

En ce sens, le 15 décembre 2021, la Société canadienne du sang a soumis une demande à Santé Canada proposant une approche d’exclusion de tous les donneurs ayant des comportements sexuels risqués qui remplacerait la pratique actuelle d’une période d’exclusion de trois mois qui cible les hommes ayant des relations avec d’autres hommes.

La cible du ministère pour l’examen de cette demande était de 90 jours, donc, en théorie, aux alentours du 15 mars dernier. Or, nous n’avons toujours pas reçu la décision de Santé Canada.

Sénateur Gold, quand doit-on s’attendre à l’annonce de Santé Canada concernant cette demande de la Société canadienne du sang?

Je comprends que l’examen réel peut varier en fonction de l’exhaustivité des données fournies et des discussions avec la société, mais expliquez-nous plus précisément pourquoi l’étude de cette demande outrepasse le délai envisagé de 90 jours.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question.

Le gouvernement s’engage à soutenir les politiques relatives aux dons de sang et de plasma au Canada qui sont non discriminatoires, sûres et fondées sur la science. Bien que le gouvernement soit encouragé par la réduction de la période d’exclusion de dons à trois mois pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, le gouvernement sait très bien qu’il y a encore du travail à faire.

On m’informe que Santé Canada a soigneusement examiné la soumission de la Société canadienne du sang concernant la sélection des donneurs de sang et de plasma afin de rendre les règles plus inclusives pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.

Les délais d’une étude peuvent varier, comme vous l’avez mentionné, selon l’étendue du matériel fourni et les échanges avec les intervenants. On m’informe que la décision de Santé Canada ne sera communiquée qu’après un examen indépendant rigoureux et fondé sur des données probantes.

Les affaires étrangères

Le soutien à l’Ukraine en matière de santé

L’honorable René Cormier : Sénateur Gold, la semaine dernière, l’agence de presse Reuters rapportait que les bombardements en Ukraine ont entraîné la fermeture de nombreuses cliniques spécialisées dans le traitement du VIH-sida et que la distribution des médicaments antirétroviraux est menacée.

Ma question pour vous est la suivante : quelle forme d’aide le gouvernement du Canada offre-t-il au peuple ukrainien en ce moment en matière de santé, et comment contribue-t-il à ce que les Ukrainiens et Ukrainiennes atteints du VIH-sida puissent continuer leurs traitements?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question.

Le gouvernement a été exceptionnellement préoccupé par la situation humanitaire actuelle en Ukraine et dans les pays avoisinants. On m’avise que le Canada fournit une aide financière à des organisations comme la Croix-Rouge, dont le soutien permet de déployer de l’équipement clé et du personnel formé pour acheminer l’aide, notamment aux personnes souffrant de maladies, aussi rapidement et efficacement que possible.

Le gouvernement appuie fermement les programmes de lutte contre le sida dans le monde. Je note qu’il a fourni 930,4 millions de dollars de 2020 à 2022 pour soutenir le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et 20 milliards de dollars de financement de base à l’ONUSIDA de 2017 à 2022.

[Traduction]

L’agriculture et l’agroalimentaire

La technologie d’édition génomique

L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, ma question porte sur l’édition génomique de graines, sujet important et controversé dans le milieu des cultures agricoles.

Pour ceux parmi vous qui ne connaissent pas le concept, l’édition génomique est un ensemble de techniques propres au génie génétique qui permet d’ajouter, d’éliminer ou de modifier les séquences génétiques de parties ciblées du code génétique d’organismes. Autrement dit, l’édition génomique peut servir à modifier l’ADN des graines utilisées dans les cultures agricoles.

Il ne faut pas confondre ce concept avec les organismes génétiquement modifiés, qui découlent habituellement de l’ajout de molécules d’ADN étrangères dans le génome d’un organisme.

L’édition génomique comporte des avantages. Les outils d’édition génomique permettent notamment aux concepteurs de végétaux d’améliorer les caractéristiques des graines et d’écourter le cycle de croissance d’une plante ou d’une culture donnée.

Toutefois, Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments doivent répondre à des questions concernant la proposition d’ajuster les mécanismes de surveillance et de réglementation de l’utilisation de graines modifiées au moyen de l’édition génomique. De nombreux agriculteurs et organismes agricoles craignent que la réglementation soit en retard sur les travaux de recherche à venir et, par le fait même, qu’elle ne protège pas suffisamment les agriculteurs ou l’environnement naturel.

Pour ma part, je comprends tout à fait les appréhensions au sujet des conséquences imprévues et de la gestion du risque, qu’il est impossible d’évaluer correctement à ce stade-ci de l’avancement de la recherche.

Sénateur Gold, le sujet est très complexe. Pouvez-vous dire au Sénat où en est le plan de l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour surveiller l’utilisation des semences ayant fait l’objet d’édition génomique et si on présentera sous peu des modifications aux règlements afin d’accroître la transparence et la reddition de comptes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je vous remercie également d’avoir souligné la complexité du sujet, que vous avez très bien expliquée.

Le gouvernement est résolu à prendre des décisions fondées sur la science, à garantir la salubrité des aliments destinés aux humains et aux animaux, et à protéger l’environnement au Canada, tout en favorisant un secteur agricole durable et novateur. À ce sujet, l’ensemble des semences et des aliments destinés aux humains et aux animaux, qu’ils soient mis au point au moyen de méthodes traditionnelles ou technologiques, sont réglementés au Canada et doivent respecter toutes les normes et les exigences réglementaires pertinentes en matière de salubrité et de qualité.

On m’a informé qu’en ce qui concerne l’édition génomique, l’Agence canadienne d’inspection des aliments propose une mise à jour des lignes directrices pour aider à déterminer les végétaux qui nécessitent une autorisation de l’agence avant d’être cultivés ou plantés au Canada. Je crois aussi comprendre que l’agence a lancé des consultations l’automne dernier pour modifier les règlements concernant les semences génétiquement modifiées.

Le gouvernement consulte notamment des intervenants pour suivre l’évolution des technologies et accroître la transparence. Il examine soigneusement les données scientifiques pertinentes sur l’utilisation des technologies d’édition génomique en agriculture.

Chers collègues, des lignes directrices mises à jour rendront les décisions réglementaires plus claires tout en permettant aux Canadiens et au secteur agricole de profiter des progrès offerts par les nouvelles technologies.

La stratégie sur la recherche et l’innovation

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je veux moi aussi poser une question sur l’agriculture au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, comme vous le savez peut-être, le Conseil de l’innovation agroalimentaire, avec l’appui du secteur agricole, a réclamé en septembre 2021 l’élaboration d’une stratégie nationale sur la recherche et l’innovation dans le secteur de l’agroalimentaire.

En fait, cette stratégie peut déjà compter sur l’appui de 32 alliés clés, y compris l’Association canadienne des éleveurs de bovins, CropLife Canada, le Conseil des doyens en agriculture, alimentation et médecine vétérinaire, le Collège Olds et le Réseau pour le développement rural.

Le secteur agroalimentaire canadien possède un fort potentiel d’innovation et est le principal moteur de la croissance économique nationale. C’est l’un des secteurs les plus performants du Canada. Cependant, pour qu’il puisse continuer à répondre à la demande croissante des marchés mondiaux, ses capacités d’innovation doivent être soutenues par des politiques fondées sur la science et un financement axé sur les besoins.

Honorables collègues, j’ai rencontré récemment des représentants du Conseil de l’innovation agroalimentaire, qui ont indiqué qu’ils sont prêts à coprésider le groupe élaborant la stratégie et qu’ils espèrent que le gouvernement désignera l’autre coprésident. Ils ne cherchent pas à dicter le contenu de la stratégie. Ils réclament simplement l’élaboration de cette stratégie et l’inclusion de l’industrie dans un processus dirigé conjointement par cette dernière et le gouvernement.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire où en est l’élaboration de la stratégie nationale sur la recherche et l’innovation dans le secteur de l’agroalimentaire?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. On m’a informé qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada a élaboré neuf stratégies scientifiques touchant le secteur, notamment une stratégie propre à l’agroalimentaire, afin d’établir les priorités des activités scientifiques.

La stratégie visant l’agroalimentaire a comme objectif de canaliser les investissements en recherche et en innovation et d’apporter de la valeur ajoutée aux producteurs canadiens, notamment du secteur agroalimentaire, en établissant les besoins en matière de recherche, de développement et de transfert de technologie. Seront visés les aliments, les boissons, les ingrédients alimentaires, ainsi que la transformation, l’emballage, la distribution et la consommation des aliments.

Un aspect fondamental de cette stratégie est la contribution à l’innovation et à la sécurité alimentaire. Agriculture et Agroalimentaire Canada possède l’expertise, le leadership et les infrastructures nécessaires à la recherche, au développement et au transfert technologique dans les domaines de l’innovation alimentaire et de la sécurité alimentaire, auxquels le ministère contribue de bien des façons. Par exemple, le ministère élabore des techniques plus vertes de transformation agroalimentaire et de conservation des aliments, notamment des approches pour améliorer la gestion des ressources et réduire le gaspillage et les pertes dues à la détérioration des produits pendant la production, la transformation et la distribution. Le gouvernement est déterminé à continuer de soutenir le secteur de l’agroalimentaire au moyen de ses stratégies scientifiques.

(1440)

[Français]

La justice

La transparence des procès

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, vous n’êtes pas sans savoir que dans une société libre et démocratique, il y a des fondements de base dans une démocratie, qu’on appelle des piliers, et l’un d’eux est un système de justice fondamental qui tient des procès de façon publique.

Il apparaît que des enquêteurs de la GRC et des procureurs fédéraux ont participé à un procès dont on ne connaît ni le lieu, ni la date, ni le juge, ni l’accusé, ni les avocats et dont on n’a pas de transcription.

Quel est le rôle du ministre de la Justice dans ce procès fantôme digne de la Corée du Nord?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question.

La transparence des tribunaux est un principe fondamental de notre système de justice, comme vous l’avez très bien mentionné et souligné.

On m’a avisé que le ministre est au courant des reportages des médias sur ce procès, tenu au Québec, et qu’il les trouve profondément inquiétants. En raison des ordonnances judiciaires en place, je ne peux pas faire d’autres commentaires. On m’a cependant avisé que le ministre a communiqué avec le directeur des poursuites publiques pour faire la lumière sur ce qui a été rapporté.

Le sénateur Carignan : Est-ce que le ministre de la Justice va prendre l’engagement de rendre publics tous les faits essentiels qui ont soutenu les justifications de ce procès fantôme? Est-ce qu’il va prendre l’engagement de divulguer au moins le nom du juge qui a entendu le procès?

Le sénateur Gold : Je vais devoir faire une enquête auprès du gouvernement et vous revenir avec une réponse.

Les affaires étrangères

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold.

Le Canada contribue à peine à 1,2 % du budget de l’OTAN alors que la cible est de 2 %.

Récemment, la ministre Joly a fait un voyage en Europe pour rencontrer ses homologues, les membres partenaires de l’OTAN. Elle aurait eu des discussions pour négocier la part du gouvernement du Canada à sa contribution à l’OTAN.

Pouvez-vous nous confirmer, dans cette Chambre, qu’il est exact que la ministre aurait offert à l’OTAN, plutôt que contribuer à la hauteur de 2 %, de recevoir 10 % des réfugiés ukrainiens, soit 400 000 réfugiés au lieu de payer la note de 2 %?

Est-ce que cette entente serait le résultat d’un accord entre les libéraux et le NPD pour éviter de contribuer à l’effort militaire du Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question.

Comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises, le gouvernement du Canada continue d’investir des sommes significatives pour améliorer ses capacités et ressources en ce qui concerne la défense, et il continuera à le faire.

J’ai aussi mentionné à plusieurs reprises que l’accord ou l’entente — prenez l’expression que vous voulez — entre le Parti libéral et le NPD n’a rien à voir avec l’engagement du gouvernement, qui est bien décrit dans son document de 2017, pour améliorer notre capacité militaire afin de nous protéger et de défendre nos intérêts ailleurs.

Pour ce qui est de la question, je n’ai aucune information qui suggère un lien avec les dépenses militaires. On attend le dépôt du budget pour préciser exactement ce que le gouvernement a décidé de faire ainsi que la question de l’accueil des réfugiés ukrainiens.

Le sénateur Boisvenu : On sait que le NPD s’est déjà prononcé contre l’achat des F-35. Il s’oppose à toute hausse des dépenses militaires du Canada, ce qui inclut l’OTAN.

Est-ce que la ministre a négocié avec ses partenaires de l’OTAN pour, en lieu et place du 2 %, accueillir au Canada 400 000 réfugiés ukrainiens? Est-ce que les provinces ont été informées de cela? Est-ce que le Québec, qui a un quota maximal de réception d’immigrants, a été informé qu’il devra éventuellement accueillir un plus grand nombre d’immigrants que les 50 000 qu’il a ciblés pour 2022?

Le sénateur Gold : Je remercie l’honorable sénateur de sa question complémentaire.

Au risque de me répéter, pour les questions complémentaires, je vais devoir trouver la réponse et vous revenir avec celle-ci dans les plus brefs délais.

[Traduction]

Les finances

Le taux d’imposition

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Demain, le 1er avril, les Canadiens de toutes les provinces devront payer plus pour la taxe sur le carbone instaurée par le premier ministre. Les Canadiens devront payer plus à cause de la taxe avec indexation sur l’alcool. Comme je l’ai dit de nombreuses fois dans cette enceinte, tout ceci s’ajoute à des taxes qui ont déjà fait l’objet d’une augmentation le 1er janvier, notamment les cotisations au Régime de pensions du Canada. Sans oublier le maximum de la rémunération assurable de l’assurance-emploi, qui a aussi augmenté le 1er janvier, ce qui signifie que les travailleurs et les employés mettront encore la main à la poche.

Dernièrement, le gouvernement néo-démocrate—libéral a eu des occasions de simplifier la vie des Canadiens, mais il a choisi de ne pas le faire. Par exemple, dans l’autre endroit, l’opposition a demandé de suspendre la TPS sur le carburant ou la taxe sur le carbone. Monsieur le leader, il est de plus en plus compliqué pour la classe moyenne et les plus pauvres de payer l’épicerie, le logement, les médicaments et l’essence qui leur permet d’emmener leurs enfants à l’école.

Ma question est très simple. Combien encore les Canadiens devront-ils payer pour cette coalition néo-démocrate—libérale, et combien leur demandera-t-on de payer dans le budget de la semaine prochaine?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je me contenterai simplement de dire que nous devons attendre le budget pour savoir exactement quelles mesures prévoit le gouvernement, notamment pour continuer à soutenir les Canadiens dans la difficile conjoncture économique que nous traversons.

Le premier ministre a clairement dit — à l’instar du gouvernement — que la taxe sur le carbone demeurera en place. Les provinces qui, dans leur sagesse, ont choisi de ne pas mettre en place de mesures équivalentes sont de ce fait assujetties à la taxe sur le carbone. Par ailleurs, comme vous le savez, dans notre province comme dans de nombreuses autres, le changement qui entrera en vigueur demain n’aura aucune incidence compte tenu des décisions que les gouvernements du Québec et d’autres provinces ont prises afin de faire leur part pour réduire les émissions de carbone qui affectent le climat. À cet égard, le gouvernement du Canada est déterminé à appliquer sa stratégie de lutte contre les changements climatiques en recourant aux mécanismes les plus efficaces, efficients et sensibles aux marchés.

Le taux d’inflation au Canada

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, le gouvernement néo‑démocrate—libéral est déterminé à hausser les impôts, à hausser l’inflation et à hausser le coût de la vie. Voilà ce à quoi il s’emploie résolument.

Monsieur le leader du gouvernement, selon l’Association canadienne de l’immeuble, le prix des habitations dans la région de Montréal a augmenté de plus de 20 % au cours de la dernière année et de près de 60 % depuis 2019. Ailleurs au pays, l’inflation dans le secteur du logement est encore pire. Pourtant, je n’ai pas l’impression que le gouvernement comprend réellement la crise de l’abordabilité du logement qui sévit au Canada. Après tout, le gouvernement néo-démocrate—libéral prévoit rendre les vérifications énergétiques obligatoires pour les Canadiens qui désirent vendre leur maison. Le mois dernier, l’Ontario Real Estate Association a déclaré :

[...] bien franchement, il est complètement insensé de prendre une telle mesure au beau milieu d’une crise historique de l’abordabilité du logement [...] Le marché n’a jamais compté si peu d’habitations à vendre. L’ajout d’une autre formalité administrative découragera encore plus les gens de mettre leur maison à vendre, si bien que trouver un logement coûtera encore plus cher.

Les Canadiens à la recherche d’un logement peuvent-ils s’attendre à d’autres interventions du genre de la part du gouvernement néo-démocrate—libéral dans le budget qui sera présenté la semaine prochaine? Est-ce là la stratégie que compte adopter le gouvernement pour lutter contre l’inflation : appauvrir les Canadiens de la classe moyenne et rendre les Canadiens pauvres encore plus pauvres?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je le répète, le budget apportera toutes les précisions voulues. Il révélera quelles mesures entend prendre le gouvernement pour aider les Canadiens, stimuler l’économie et faire progresser notre pays.

(1450)

Ni le gouvernement actuel ni, bien honnêtement chers collègues, aucun autre gouvernement n’ignore les impacts de l’économie sur le bien-être des Canadiens, qu’il s’agisse de l’inflation ou du coût de la vie.

Les gouvernements au Canada, peu importe le parti qui les forment et l’endroit où ils se situent sur le spectre gauche-droite, valent mieux que cela. Nous pouvons être en désaccord avec les politiques déployées par les gouvernements. Nous pouvons être en désaccord avec les priorités que les gouvernements décident d’adopter, notamment en matière de changements climatiques, d’économie, de réconciliation et j’en passe. Ce sont les Canadiens qui, comme ils l’ont toujours fait, seront les juges des mesures prises par le gouvernement et ce dernier continuera de défendre les intérêts des Canadiens.

[Français]

La justice

La transparence des procès

L’honorable Claude Carignan : Est-ce que le ministre de la Justice, à titre de procureur général du Canada, a l’intention de présenter une demande devant la Cour d’appel au même titre que celui du Québec pour relever le maximum d’information sur le fameux procès fantôme?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Je n’ai aucune information par rapport à ses intentions. Je vais faire une enquête auprès du gouvernement et revenir avec une réponse sous peu.

Le sénateur Carignan : Est-il possible également de connaître le niveau d’autorité dans la hiérarchie, au bureau du procureur général du Canada, qui permet de prendre la décision de présenter un procès fantôme au Canada?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je vais poser la question et on verra la réponse. Cependant, juste pour ne pas confondre les sénateurs ou ceux et celles qui nous regardent, je vais citer quelque chose qui est apparu dans La Presse récemment. Me André Albert Morin, le procureur fédéral en chef du Service des poursuites pénales du Canada pour la région du Québec, confirme de la façon suivante si le processus a été autorisé, et je cite : « La réponse, c’est non. » Il n’a pas autorisé la tenue d’un procès secret.

[Traduction]

Les affaires étrangères

Les droits de la personne

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, en guise de préambule à ma question sur le peuple rohingya, j’aimerais remercier la sénatrice Ataullahjan de sa question et de sa déclaration au sujet des Afghans qui sont désespérés.

Sénateur Gold, toujours dans la veine des efforts du Canada pour être un chef de file de la défense des droits de la personne, est-ce que, à l’instar des États-Unis, le Canada entend faire une déclaration pour dénoncer les meurtres, les viols et la torture des Rohingyas ainsi que la destruction de certaines de leurs communautés comme étant des crimes contre l’humanité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, honorable sénatrice, et merci de rappeler au Sénat la tragédie et l’horreur vécues par les Rohingyas.

Je ne sais pas où en sont les discussions au sein du gouvernement à ce sujet. Je m’informerai et je vous reviendrai avec la réponse.

Son Honneur le Président : Le temps réservé à la période des questions est écoulé.


ORDRE DU JOUR

L’aide médicale à mourir

La constitution d’un comité mixte spécial—Message des Communes

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que j’ai reçu le message suivant de la Chambre des communes :

Le mercredi 30 mars 2022

EXTRAIT,—

Que,

a)conformément au paragraphe 5(1) de la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes soit constitué pour faire l’examen des dispositions du Code criminel concernant l’aide médicale à mourir et de l’application de celles-ci, notamment des questions portant sur les mineurs matures, les demandes anticipées, la maladie mentale, la situation des soins palliatifs au Canada et la protection des Canadiens handicapés;

b)conformément au paragraphe 5(2) de la même loi, le Comité soit formé de cinq sénateurs et de 10 députés, dont cinq députés qui proviennent du parti ministériel, trois députés de l’opposition officielle et deux députés des autres partis de l’opposition qui ne sont pas l’opposition officielle, avec deux coprésidents, le coprésident agissant au nom de la Chambre représentant le parti ministériel et le coprésident agissant au nom du Sénat étant choisi par le Sénat;

c)outre les coprésidents, le Comité élise trois vice-présidents agissant au nom de la Chambre, dont le premier vice-président soit un député du Parti conservateur du Canada, le deuxième vice-président soit un député du Bloc québécois et le troisième vice-président soit un député du Nouveau Parti démocratique;

d)conformément au paragraphe 5(3) de la même loi, le quorum du Comité soit fixé à huit membres lorsqu’il y a prise d’un vote, d’une résolution ou d’une décision, à la condition que les deux Chambres et un député du parti ministériel, un député de l’opposition et un membre du Sénat soient représentés, et les coprésidents soient autorisés à tenir réunion, à entendre des témoignages et à autoriser leur impression, à la condition que six membres du Comité soient présents et que les deux Chambres et un député du parti ministériel, un député de l’opposition et un membre du Sénat soient représentés;

e)les membres de la Chambre des communes soient nommés par le whip de leur parti respectif par dépôt, auprès du greffier de la Chambre, de la liste des membres qui siégeront au Comité au plus tard cinq jours de séance après l’adoption de la présente motion;

f)les changements apportés à la représentation de la Chambre des communes au sein du Comité entrent en vigueur dès le dépôt de l’avis du whip auprès du greffier de la Chambre;

g)les membres de la Chambre des communes puissent se faire remplacer au besoin et que les avis de substitution, de la manière prévue à l’article 114(2) du Règlement, puissent être remis au greffier du Comité par courriel;

h)jusqu’au jeudi 23 juin 2022, le cas échéant en ce qui concerne un comité mixte spécial, les dispositions du paragraphe r) de l’ordre adopté par la Chambre le jeudi 25 novembre 2021 s’appliquent également au Comité;

i)le Comité ait le pouvoir de :

(i)siéger durant les séances de la Chambre et au cours des périodes d’ajournement,

(ii)faire rapport de temps à autre, de convoquer des témoins, de demander le dépôt de documents et de dossiers, et de faire imprimer des documents et des témoignages dont le Comité peut ordonner l’impression,

(iii)retenir les services de spécialistes et du personnel professionnel, technique et de soutien, notamment de conseillers juridiques,

(iv)mettre sur pied, en se servant de ses propres membres, tous les sous-comités qu’il jugera utiles, et de déléguer à ces sous-comités tous ses pouvoirs, sauf celui de faire rapport au Sénat et à la Chambre des communes,

(v)autoriser la diffusion vidéo et audio d’une partie ou de la totalité de ses délibérations et que les délibérations publiques soient rendues disponibles au public via les sites Web du Parlement du Canada;

j)conformément au paragraphe 5(5) de la même loi, le Comité présente au Parlement son rapport final faisant état notamment de tout changement recommandé au plus tard le jeudi 23 juin 2022;

k)conformément au paragraphe 5(6) de la même loi, le Comité cesse d’exister lorsque son rapport final est déposé dans les deux Chambres;

qu’un message soit envoyé au Sénat le priant de se joindre à la Chambre pour les fins susmentionnées et de choisir, s’il le juge opportun, des sénateurs pour le représenter audit Comité mixte spécial.

ATTESTÉ

Le greffier de la Chambre des communes

Charles Robert

Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le message?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose que l’étude du message soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Gold, l’étude du message est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

(1500)

[Français]

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture des projets de loi C-15 et C-16, suivie de la motion no 28, suivie de la deuxième lecture du projet de loi S-4, suivie de l’étude du message de la Chambre des communes, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

Projet de loi de crédits no 5 pour 2021-2022

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022.

L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, j’interviens en ma qualité de porte-parole pour m’exprimer sur le projet de loi C-15, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022.

Le projet de loi C-15 prévoit une somme de 13,2 milliards de dollars que pourra utiliser l’administration publique fédérale, conformément au Budget supplémentaire des dépenses (C) de 2021-2022. Ces fonds sont demandés par les ministères et organismes fédéraux en raison, notamment, de l’évolution des besoins budgétaires qui n’ont pas été prévus dans d’autres projets de loi de crédits.

Je tiens tout d’abord à souligner le travail de nos collègues du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui ont eu la tâche presque impossible d’examiner les documents budgétaires en passant au crible un document de 200 pages, poste par poste, et d’interroger les ministères et organismes au sujet des autorisations supplémentaires demandées. Il s’agit en effet d’une tâche presque irréalisable, car le comité n’a tenu que deux réunions et a entendu 26 témoins dans le cadre de son processus de révision du Budget supplémentaire des dépenses (C) de 2021-2022.

Chers collègues, même si ce genre d’exercice semble être devenu chose courante au Sénat au cours des dernières années, il est néanmoins extrêmement préoccupant. En notre qualité de parlementaires, nous ne disposons pas d’assez de temps pour assurer une surveillance efficace des dépenses du gouvernement au nom des Canadiens. On nous demande d’approuver, dans un délai très serré, des dépenses de plus de 13 milliards de dollars pour les ministères fédéraux, dont bon nombre n’atteignent toujours pas leurs objectifs ministériels. D’autres ministères ne font tout simplement pas rapport des résultats concernant les différents indicateurs de rendement.

Tous les documents budgétaires comportent une partie consacrée aux plans ministériels et aux Rapports sur les résultats ministériels. Les plans ministériels établissent les projets de l’année pour chaque ministère et agence, tandis que les Rapports sur les résultats ministériels font état du rendement des projets. Sur papier, ces renseignements sont utiles pour nous, les parlementaires, dans notre surveillance, mais aussi pour les Canadiens, qui financent l’administration de la fonction publique fédérale.

Le problème, cependant, c’est que le Parlement ne fixe pas d’échéances obligatoires pour le dépôt de ces plans et rapports. Cela signifie qu’on pourrait demander aux parlementaires d’approuver de nouveaux crédits avant d’avoir passé en revue les Rapports sur les résultats ministériels, les résultats de l’année précédente. C’est justement le cas pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2021. Les Rapports sur les résultats ministériels pour l’exercice 2020-2021 ont été soumis en février 2022, soit 10 mois après le 31 mars 2021. Cela signifie que toutes les nouvelles dépenses gouvernementales, à partir du Budget principal des dépenses de 2021-2022, ont dû être envisagées sans aucune information sur le rendement de chaque organisme au cours de l’exercice précédent.

Pour réitérer l’importance des Rapports sur les résultats ministériels, voici le scénario qui s’annonce en ce moment : plus tard aujourd’hui, on nous demandera d’approuver 75 milliards de dollars pour l’administration publique fédérale dans le cadre du projet de loi C-16 pour l’exercice 2022-2023. Cependant, nous n’avons absolument aucune information sur le rendement des ministères en 2021-2022 puisque les Rapports sur les résultats ministériels de 2021-2022 n’ont pas encore été soumis et ne le seront probablement que bien longtemps après l’approbation des crédits supplémentaires par le Parlement.

Si ça ne vous déconcerte pas, qu’est-ce qui le fera?

En plus de ce décalage critique des priorités, les ministères fédéraux n’atteignent pas leurs objectifs ou ne présentent aucun rapport sur le sujet. Selon les données publiées par le gouvernement fédéral, les ministères n’ont pas satisfait à 31 % des indicateurs de rendement du gouvernement et 16 % n’ont pas communiqué de résultats pour l’exercice le plus récent.

Prenons le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. Au cours de l’exercice 2020-2021, ils n’ont pas atteint 46 objectifs, ce qui représente un peu plus de 37 % des indicateurs de rendement globaux. De plus, le ministère n’a pas fourni de résultats concernant 16 objectifs. Parmi les indicateurs de rendement que le ministère n’a pas réussi à atteindre, il y a le pourcentage des flottes aérospatiales qui sont en bon état de service pour répondre aux besoins de l’entraînement et aux critères de la disponibilité opérationnelle, et le pourcentage des projets qui respectent l’échéancier approuvé pour leur élaboration et leur approbation, qui sont des projets à faible risque et peu complexes. D’autres indicateurs de rendement pour lesquels le ministère n’a pas présenté de résultats comprennent l’efficacité de la force interarmées pour ce qui est d’offrir un soutien en temps quasi réel aux opérations et aux décideurs de haut niveau.

Alors que nous entrons dans une ère importante d’insécurité mondiale, où les pays réévaluent leurs politiques de défense et renforcent leurs capacités militaires, il est essentiel de recevoir des renseignements à jour, complets et pertinents des ministères comme la Défense nationale afin que nous puissions, en tant que parlementaires, assumer efficacement notre rôle dans l’examen des décisions en matière de dépenses.

De plus, honorables sénateurs, j’aimerais souligner un problème de mauvaise planification au sein de l’administration fédérale, une tendance récente que nous devons surveiller de plus près. Le directeur parlementaire du budget a en effet signalé que la quantité de fonds inutilisés — des dépenses approuvées par le Parlement qui n’ont pas été effectuées et au sujet desquelles les autorisations légales arrivent à échéance à la fin d’un exercice financier — a atteint un niveau record en 2021. Selon le directeur parlementaire du budget, les fonds inutilisés exprimés en proportion des autorisations budgétaires votées représentaient près de 7 %, soit environ 13 milliards de dollars, en 2020-2021, en hausse depuis 2017-2018.

La majeure partie de cette hausse des fonds inutilisés au cours des dernières années a été attribuée à la réponse extraordinaire du gouvernement fédéral à la pandémie de COVID-19. L’argument est qu’on a demandé au Parlement d’approuver des sommes sans précédent à une vitesse record afin de réagir à un contexte en rapide évolution. Même le gouvernement a admis au début de la pandémie que la priorité consistait à faire parvenir l’argent aux familles et aux entreprises le plus rapidement possible.

Voici d’ailleurs ce que l’ancien ministre des Finances Bill Morneau avait déclaré aux sénateurs en avril 2020 au sujet de la Subvention salariale d’urgence du Canada :

[...] nous essayons de faire parvenir l’argent aux Canadiens aussi vite que possible et de la manière la plus pratique possible.

Il est important de mettre l’accent sur la tâche difficile à laquelle était confronté le gouvernement au début de la pandémie. Il devait assurer la santé et la sécurité des Canadiens tout en fournissant un soutien financier aux personnes touchées, et le faire le plus rapidement possible.

Toutefois, trois ans après le début de la pandémie, alors que les diverses administrations du pays commencent prudemment à lever les restrictions et à rouvrir leur économie sur les recommandations des responsables de la santé publique, on constate que le gouvernement fédéral continue de mal gérer ses dépenses. À preuve, le projet de loi C-15 accorderait à Santé Canada et à l’Agence de la santé publique du Canada 4 milliards de dollars pour l’achat de tests de dépistage rapide. On retrouve pourtant cette demande de financement dans deux autres mesures législatives déjà à l’étude au Parlement, soit les projets de loi C-8 et C-10.

(1510)

Le gouvernement fédéral a allégué que la raison de cette double demande de financement est de garantir la distribution sans délai des tests de dépistage rapide au moyen de la première autorisation budgétaire disponible, alors que les autres demandes de financement seraient simplement inutilisées. Honorables collègues, c’est tout simplement une manière inacceptable de gérer les finances publiques. Il ne faut pas tolérer que ce type de pratique devienne la norme. Les ministères fédéraux doivent faire preuve de la diligence attendue afin de faire un usage le plus adéquat possible des deniers publics dès le départ.

Je partage l’opinion du Comité sénatorial des finances, qui a qualifié cette approche de vague et d’inacceptable. Selon moi, cela démontre une mauvaise planification de la part du gouvernement et, encore une fois, nuit à notre capacité d’exercer nos fonctions en tant que sénateurs.

Bien que des écarts sont à prévoir dans n’importe quel budget, parce que les autorisations budgétaires des ministères correspondent à des prévisions de leurs dépenses pour répondre à leurs besoins, l’augmentation constante des écarts au cours des dernières années pourrait devenir un réel problème. En tant que parlementaires, nous devrions continuer de surveiller étroitement les autorisations budgétaires.

Je reprends et appuie les commentaires formulés par le Comité sénatorial permanent des finances nationales dans son rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (C) de 2021-2022. Le comité presse le gouvernement de mettre fin à la pratique qui consiste à dédoubler les demandes de financement et a l’intention de demander des explications claires au Secrétariat du Conseil du Trésor à cet effet.

Honorables sénateurs, en conclusion, j’encouragerais vivement le gouvernement à fixer des dates pour le dépôt obligatoire des plans ministériels et des Rapports sur les résultats ministériels. Ainsi, les demandes de financement concorderaient mieux avec le rendement antérieur. Ajoutons que l’augmentation continue des fonds inutilisés et des affectations bloquées semble indiquer que le gouvernement n’a pas vraiment fait de progrès au chapitre des lignes directrices concernant les plans de dépenses et les rapports. J’exhorte donc le gouvernement à mieux déterminer le niveau de priorité des demandes de financement pour garantir une utilisation efficace et efficiente des ressources. Merci.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, une bonne partie des dépenses prévues dans le projet de loi C-15 et le Budget supplémentaire des dépenses (C) concerne les mesures que continue de prendre le gouvernement en réponse à la pandémie de COVID-19. Nous devons reconnaître une fois de plus qu’en matière de santé, la situation des personnes à faible revenu est considérablement plus difficile que celle des autres Canadiens, comme on l’a vu avant et pendant la pandémie.

Selon les données de l’Agence de la santé publique du Canada, le risque de mourir de la COVID-19 est deux fois plus élevé pour les personnes les plus pauvres que pour les mieux nantis. D’après l’agence, cet écart terrible est lié aux inégalités sociales et économiques qui touchent les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté, qui sont plus susceptibles d’avoir des problèmes de santé sous-jacents et invalidants, de ne pas avoir un logis sûr, de travailler dans des conditions dangereuses et de ne pas avoir les moyens de s’absenter d’un emploi au salaire minimum ou d’un travail à la demande, en première ligne, pour rester chez elles.

Cette disparité dans l’état de santé de différents groupes est inacceptable sur les plans humain, social et sanitaire. Elle a aussi des conséquences financières notables. Comme le directeur parlementaire du budget l’a rappelé au Comité des finances nationales lorsqu’il a témoigné au sujet du Budget supplémentaire des dépenses (C), ces conséquences financières comprennent ce qui suit :

[...] premièrement, les coûts pour les personnes elles-mêmes, qui sont empêchées de travailler en raison de leur état de santé. [...] cela entraîne une réduction de revenu et de rémunération, ainsi que du niveau de participation au marché du travail [...] Les personnes dont les résultats en matière de santé sont moins bons ont tendance à avoir des réseaux sociaux plus faibles, ce qui peut mener à un isolement accru [...] Elles doivent souvent engager des dépenses supplémentaires : médicaments, aide, soutien à domicile et autres.

Il y a aussi des coûts qui doivent être assumés par la société [...] Si des gens qui ont de moins bons résultats en matière de santé doivent se retirer de la population active, le fait que des emplois ne soient pas comblés entraîne des coûts pour chacun d’entre nous.

Il y a aussi les coûts liés au traitement des gens. Ces coûts seraient moins élevés si les résultats en matière de santé étaient meilleurs au départ. De façon générale, il est beaucoup plus coûteux de traiter des maladies que de les prévenir.

La dépense la plus importante du projet de loi C-15 découle de la nécessité de traiter les conséquences des inégalités en matière de santé que, par notre négligence, nous avons échoué à prévenir. Trente pour cent du montant des dépenses proposées par le projet de loi, soit 4 milliards de dollars réservés à l’achat et à la distribution de tests supplémentaires de dépistage rapide de la COVID-19, serviront directement à atténuer le risque de la COVID-19 dans les groupes dits vulnérables.

Au Comité des finances nationales, l’Agence de la santé publique du Canada a indiqué que ces groupes comprenaient, entre autres, les peuples autochtones, les personnes de descendance africaine, d’autres populations racialisées, les personnes handicapées, les fournisseurs de services de première ligne et les travailleurs essentiels. Le comité a demandé aux fonctionnaires s’ils s’attendaient à ce que les dernières mesures proposées comblent l’écart de mortalité lié à la COVID-19 pour les Canadiens les plus démunis. En particulier, nous avons demandé comment ces mesures se comparent aux mesures de soutien du revenu qui auraient pu atténuer des inégalités sous-jacentes et donner aux gens les moyens de se prévaloir de mesures comme l’équipement de protection individuelle et la distanciation physique, qui sont nécessaires pour mieux se protéger, protéger leur famille et leur communauté pendant la pandémie.

Nous avons également posé des questions sur la part des dépenses liées à la pandémie, du coût de l’équipement de protection individuelle à celui de la vaccination, en passant par les services de soutien à la santé mentale et tant d’autres mesures nécessaires, qui a servi à répondre aux urgences en matière de santé qui sont attribuables aux inégalités sociales et économiques qui existaient déjà avant la pandémie de COVID-19 et qui ont été exacerbées par celle-ci.

En réponse, l’Agence de santé publique a reconnu que ses propres recherches antérieures ont révélé « des associations solides entre le revenu et la santé au Canada » et que « le fardeau économique direct des inégalités en matière de santé sur les coûts des soins de santé est considérable ».

En 2016 seulement, les inégalités socioéconomiques ont rendu nécessaires des hospitalisations pour soins de courte durée, l’achat de médicaments sur ordonnance et des consultations médicales, ce qui a coûté au moins 6,2 milliards de dollars, soit plus de 14 % des dépenses totales.

Cependant, l’Agence de la santé publique a aussi indiqué qu’elle n’avait pas réalisé d’études de modélisation sur les politiques de santé afin de déterminer les effets des dépenses liées à la pandémie et sur les résultats sanitaires qu’auraient pu avoir des mesures comme de robustes prestations d’aide au revenu pour essayer de pallier les inégalités préexistantes pour les personnes les plus à risque durant la pandémie.

Nous n’avons trouvé aucun ministère qui a fait de telles analyses. Cet échec d’un gouvernement à fournir ce type d’analyse a engendré d’énormes lacunes et une incapacité de planifier, et encore plus de se préparer, pour les changements à venir. Il y a donc une grande érosion de la confiance envers les fondements selon lesquels se prennent les décisions stratégiques concernant la santé, la société et l’économie canadiennes. Au Canada, quand on débat sur la politique, que ce soit au Parlement ou autour d’une table de cuisine, dans le métavers ou dans la rue, beaucoup de gens saisissent bien les conséquences d’être toujours en situation de répondre à des urgences.

Pourtant, trop souvent, lorsque nous examinons les problèmes causés par des décennies d’inaction, nous ne prenons pas en considération le coût réel de ne pas avoir pris des mesures proactives et préventives. Nous nous attardons plutôt au coût initial des mesures audacieuses pour lutter contre la pauvreté et l’inégalité, qu’il s’agisse d’un revenu de base garanti suffisant, de stratégies sur le logement, de prestations d’invalidité, de soins de santé mentale universels, d’assurance-médicaments, de services de garde d’enfants ou d’éducation.

Nous n’envisageons que trop rarement le coût de ne pas avoir agi, le coût qu’on nous demande sans arrêt d’approuver afin de colmater certaines des brèches, mais pas toutes, et pas pour tout le monde.

Chaque année, la pauvreté et les inégalités connexes coûtent aux contribuables canadiens des dizaines de milliards de dollars, qui sont investis notamment dans les soins de santé d’urgence, le système de justice pénale et des mesures comme les refuges ou les banques alimentaires qui donnent aux gens un espoir de survie tout en leur rappelant qu’ils sont constamment au bord d’une crise.

Voilà le coût caché des politiques qui sont considérées comme étant prudentes sur le plan financier, mais qui n’aident pas tous les gens dans le besoin, ou qui n’offrent pas suffisamment de soutien et poussent à leurs limites des systèmes de services sociaux et de santé qui laissent déjà trop de personnes à elles-mêmes. Pire encore que le coût financier, comme nous l’avons vu pendant la pandémie, l’incapacité à combattre ces inégalités coûte aussi des vies.

J’exhorte donc les sénateurs à reconnaître que bon nombre des mesures de ce projet de loi sont essentielles pour composer non seulement avec l’épidémie de COVID-19, mais aussi avec les coûts que les Canadiens continuent d’assumer à cause de l’incapacité du pays à renforcer le filet de sécurité en matière de services de santé et de services sociaux, à combattre les inégalités sociales, sanitaires et économiques, et surtout, à aider les gens à trouver des moyens de se sortir de la pauvreté.

Le coût de notre inaction doit être pris en compte dans notre façon d’analyser et d’évaluer les dépenses gouvernementales. Il doit également nous pousser à déterminer comment ces ressources pourraient être investies différemment afin que les collectivités soient plus fortes et plus justes pour le bien de tous. Meegwetch. Merci.

(1520)

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi C-15, Loi de crédits no 5, pour l’exercice actuel. Ce texte, qui est la dernière loi de crédits liée à cet exercice, demande au Parlement d’approuver des dépenses totalisant 13 milliards de dollars.

Je veux commencer par remercier mes collègues du Comité des finances nationales, ainsi que le personnel qui soutient le comité.

Cette loi de crédits s’appuie sur le Budget supplémentaire des dépenses (C), qui indique le montant des fonds et les motifs généraux pour lesquels ils seront dépensés. Le Budget supplémentaire des dépenses (C) a été étudié par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Puisque je siège à ce comité, je me suis penchée, comme l’ont fait les autres membres, sur le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses pour l’exercice actuel, qui se termine aujourd’hui.

Mes commentaires portent surtout sur les difficultés et les problèmes que pose l’examen des dépenses prévues du gouvernement. À vrai dire, pendant toutes ces années où j’ai fait l’étude de projets de loi de crédits fédéraux, je n’ai jamais été aussi déçue par le manque de clarté du gouvernement sur l’orientation à prendre pour régler les problèmes liés aux documents financiers et de reddition de comptes.

Je vais soulever quatre points dans mon discours aujourd’hui. Malheureusement, aucun de mes commentaires ne sera positif.

Mon premier commentaire porte sur l’absence d’harmonisation entre le budget et le Budget supplémentaire des dépenses (C) ainsi que l’ensemble des documents du Budget principal. J’ai signalé ce problème à maintes reprises.

Étant donné que le Budget principal des dépenses est présenté au plus tard le 1er mars et que le budget n’est pas présenté avant le mois d’avril, les deux documents budgétaires ne concordent pas. Les nouvelles initiatives budgétaires qui sont annoncées dans le budget d’avril ne sont pas incluses dans le Budget principal des dépenses. Nous allons donc passer le reste de l’année, voire les années qui suivront, à tenter de suivre la mise en œuvre des nouvelles initiatives budgétaires en consultant les budgets des dépenses (A), (B) et (C).

Même s’il est conscient que le contenu des documents budgétaires ne correspond pas à celui du budget, le gouvernement ne fait rien pour tenter de résoudre le problème. Au lieu de cela, il fournit dans chaque budget supplémentaire des dépenses des données qui sont censées faire un « rapprochement » entre les dépenses proposées dans chacun des budgets supplémentaires des dépenses et celles proposées dans le budget. Ce rapprochement est mieux que rien, mais cette façon de faire est déroutante et laisse de nombreuses questions sans réponse.

Pour démontrer en quoi ce décalage pose problème, soulignons que le montant du budget de 2021 réservé aux nouvelles initiatives budgétaires était de 49 milliards de dollars pour l’exercice en cours. Cependant, selon le Budget supplémentaire des dépenses (C), que le projet de loi C-15 vise à mettre en œuvre, le montant réservé aux nouvelles initiatives budgétaires s’élève à 36 milliards de dollars, et non à 49 milliards de dollars. Le lecteur doit donc se demander comment le gouvernement explique cet écart de 13 milliards de dollars.

Est-ce que certaines initiatives budgétaires n’ont pas été entreprises? Si c’est le cas, pourquoi ne l’a-t-on pas fait, et quelles en sont les conséquences?

Il est important de suivre la mise en œuvre des nouvelles initiatives budgétaires, car cela permet de cerner les initiatives dont la mise en œuvre a été retardée pour que le comité puisse alors faire un suivi en vue de déterminer les raisons de ce retard.

Par exemple, le budget de 2021 accordait 2 millions de dollars sur deux ans à Innovation, Sciences et Développement économique Canada pour soutenir la mise sur pied d’un registre accessible au public de la propriété effective, et une somme de 1 million de dollars a été attribuée à l’exercice en cours.

Cette initiative est primordiale pour aider les législateurs à prendre ceux qui sont impliqués dans le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. Depuis longtemps, le Canada est considéré comme ayant des lois peu mordantes contre le blanchiment d’argent, dont l’application est laxiste. Il est impossible de faire le suivi de la mise sur pied de cette initiative du budget de 2021. Je l’ai cherchée partout, mais je ne l’ai pas trouvée.

J’ai lu avec intérêt un article dans les coupures de presse du Sénat de la semaine dernière indiquant que le budget de 2022 allait être présenté le 7 avril, alors que le Budget principal des dépenses a déjà été publié. Cet article comprenait des commentaires du directeur parlementaire du budget voulant que la tendance des budgets récents mine la surveillance parlementaire des dépenses du gouvernement. Je suis d’accord avec ses commentaires, puisqu’il est impossible de faire le suivi des dépenses du gouvernement.

Ma seconde question concerne les Comptes publics du Canada. On appelle « comptes publics » les états financiers du gouvernement du Canada. Chaque année, on prépare les comptes publics pour l’exercice du 1er avril au 31 mars de l’année suivante.

Les comptes publics comportent trois volumes. Chacun de ces volumes contient des centaines de pages d’information financière présentée tantôt sous forme résumée et tantôt sous forme détaillée. La loi définit une échéance pour la publication des comptes publics. En effet, la Loi sur la gestion des finances publiques exige que les comptes publics soient déposés le 31 décembre, au plus tard.

Les comptes publics contiennent de l’information dont les législateurs et la population ont besoin pour se tenir au courant des activités financières et de la situation financière du gouvernement. Les comptes publics pour l’exercice se terminant le 31 mars 2021 ont été présentés exceptionnellement tard. Il a fallu attendre jusqu’au 14 décembre, à peine trois jours avant l’ajournement de la Chambre des communes pour le congé de Noël et, par conséquent, à peine trois jours avant la date butoir prévue par la loi.

Nous avons passé en revue la date à laquelle les comptes publics ont été présentés au cours des 27 dernières années. Nous sommes remontés jusqu’en 1994. Le dépôt des comptes publics un 14 décembre est la date la plus tardive que nous avons trouvée. Nous utilisons les comptes publics pour examiner les dépenses gouvernementales. Ils auraient dû être présentés des mois plus tôt afin que nous puissions nous en servir pour faire cet examen pendant la session d’automne du Parlement.

Le troisième aspect problématique que je veux soulever est lié au Rapport sur la gestion de la dette. Le ministre des Finances doit, selon la loi, déposer le Rapport sur la gestion de la dette de chaque année devant les deux Chambres du Parlement, un document qui fait état des emprunts qu’il a contractés pendant l’exercice et des mesures qu’il a prises à l’égard de la gestion de la dette publique. Plus précisément, la Loi sur la gestion des finances publiques exige que, dans les 30 jours de séance qui suivent le dépôt des comptes publics, le ministre des Finances dépose le Rapport sur la gestion de la dette du même exercice.

Puisque le gouvernement a retardé le dépôt des comptes publics de 2021 jusqu’à la mi-décembre, il a pu reporter au 28 mars l’échéance pour la publication du Rapport sur la gestion de la dette de 2021, c’est-à-dire il y a quelques jours à peine. Le Rapport sur la gestion de la dette a finalement été déposé le 25 mars, un jour seulement avant la fin du délai prévu par la loi et 359 jours après le début de l’exercice auquel il se rapporte.

Mes honorables collègues se rappellent peut-être que j’ai demandé au sénateur Gold, dans cette enceinte, quand le gouvernement publierait le Rapport sur la gestion de la dette. Ce rapport revêt un intérêt particulier parce qu’il se rapporte à la première année de la pandémie, période durant laquelle le gouvernement a emprunté 345 milliards de dollars.

Étant donné que le gouvernement continue d’enregistrer de lourds déficits, ce qui nécessite l’emprunt de sommes d’argent considérables, le Rapport sur la gestion de la dette aurait dû être déposé plus tôt pour nous aider dans notre examen et notre surveillance des dépenses gouvernementales.

Le quatrième aspect problématique que je veux soulever est lié aux Rapports sur les résultats ministériels. Ces rapports font partie des documents budgétaires. Ils appuient le Budget des dépenses, le Budget supplémentaire des dépenses et les projets de loi de crédits, notamment le projet de loi C-15. Les rapports mettent l’accent sur les mesures prises par les ministères et les organismes afin d’obtenir des résultats pour les Canadiens, tout en continuant de décrire de manière transparente l’utilisation des deniers publics. Cependant, en examinant ces documents, j’ai pris conscience de deux graves problèmes.

Premièrement, les Rapports sur les résultats ministériels ne nous ont pas été remis avant le mois dernier. Autrement dit, nous avons attendu 10 mois pour obtenir des rapports qui portaient sur l’exercice qui s’est terminé il y a 12 mois. Nous avons étudié le Budget principal des dépenses, le Budget supplémentaire des dépenses (A) et (B), le budget et la mise à jour économique de l’automne, sans avoir pu consulter ces rapports en amont. En somme, nous avons dû examiner la quasi-totalité des dépenses faites par le gouvernement durant le présent exercice sans connaître les résultats de ce qu’il avait accompli précédemment.

Le deuxième problème concerne la qualité des renseignements contenus dans ces rapports. Ces rapports qui ont été publiés le mois dernier indiquent qu’il y a 2 722 indicateurs de rendement pour 86 organisations. Sur ces 2 722 indicateurs, 1 242 ont été atteints, soit moins de 50 %. Les rapports précisent que 739 indicateurs n’ont pas été atteints et que 741 restent à atteindre ou ne sont pas disponibles. Si, sur 2 722 indicateurs, nous n’avons pas d’information sur 741 d’entre eux et que 739 n’ont pas été atteints, comment peut-on considérer que ces rapports sont des documents de reddition de comptes?

Le fait que les Rapports sur les résultats ministériels aient été présentés en retard et qu’ils contiennent des données de qualité médiocre complique notre tâche d’analyse des dépenses lorsque nous examinons les demandes du gouvernement pour des dépenses de plusieurs milliards de dollars. Nous devons connaître les résultats des programmes du gouvernement afin d’évaluer les demandes de fonds supplémentaires.

(1530)

Honorables sénateurs, l’observation que je viens de formuler provient d’une étude réalisée par l’Institut C.D. Howe. Pour les sénateurs qui ne connaissent pas bien cet organisme, l’Institut C.D. Howe est un centre de recherche réputé, généralement considéré comme étant le groupe de réflexion le plus influent du Canada. En décembre dernier, l’Institut C.D. Howe a publié un rapport sur les renseignements financiers présentés aux législateurs et au public par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada.

Les auteurs ont conclu que la hausse massive des dépenses et des emprunts en réponse à la COVID‑19 et l’ambition de créer de nouveaux programmes sociaux ont coïncidé avec une grave régression au chapitre de la transparence et de la production des renseignements financiers en temps voulu, notamment au niveau fédéral.

Ils se sont concentrés sur trois documents : le budget, le Budget des dépenses, et les comptes publics. J’ai parlé des trois.

Les chercheurs ont accordé à ces documents une note alphabétique reflétant la facilité avec laquelle un utilisateur ayant un intérêt, mais n’étant pas spécialisé dans le domaine pouvait trouver et comprendre l’information censée y être fournie. Les années examinées comprenaient les états financiers de 2019‑2020 ainsi que le budget et le Budget des dépenses de 2020‑2021.

La note A a été accordée aux gouvernements de la Nouvelle‑Écosse, du Nouveau‑Brunswick, de la Saskatchewan, de l’Alberta, de la Colombie‑Britannique et du Nunavut. L’Ontario a reçu la note B. Les gouvernements de Terre‑Neuve, de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, du Yukon, du Manitoba et du Québec ont reçu la note C.

Le gouvernement fédéral a obtenu un F. Une des raisons pour lesquelles il a obtenu cette note est qu’il n’a pas présenté de budget en 2020. Le rapport indique que le gouvernement se dirige vers une note de C pour 2022. Pourquoi un C? Pourquoi pas un A ou à la rigueur un B?

Le rapport affirme également que le budget du gouvernement fédéral pour l’année dernière a été présenté en retard — en avril — et que des données clés étaient ensevelies sous des centaines de pages d’informations peu utiles et répétitives. Voilà qui n’est pas à la hauteur de l’importance de la politique budgétaire du gouvernement fédéral ni digne de l’exemple qu’il devrait donner.

En conclusion, je vais résumer mon intervention de la façon suivante : les documents financiers et de reddition de comptes du gouvernement sont produits beaucoup trop tard pour avoir une utilité réelle. Cette présentation tardive réduit leur valeur. Je parle en particulier des comptes publics, du rapport sur la gestion de la dette et des Rapports sur les résultats ministériels.

En outre, les documents du gouvernement sur le budget et sur le Budget principal des dépenses montrent des plans de dépenses divergents, alors qu’ils devraient correspondre. Les Rapports sur les résultats ministériels devraient donner de l’information sur les résultats liés aux dépenses.

Honorables sénateurs, en ne corrigeant pas la situation, le gouvernement ne rend pas service aux parlementaires et à la population. Les problèmes que j’ai soulevés doivent être réglés. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Tony Loffreda : Je vous remercie de votre discours, et je partage vos préoccupations sur de nombreux points. Je suis particulièrement d’accord avec vous sur le fait que l’on demande trop souvent au Comité des finances nationales d’examiner des milliards de dollars de dépenses gouvernementales en très peu de temps. Faire le suivi de sommes d’argent n’est pas toujours une tâche facile, et nous avons été limités à deux réunions pour l’examen du Budget supplémentaire des dépenses (C). Nous n’avons entendu que 5 des 70 ministères qui demandaient des fonds. C’est une situation injuste pour les membres du comité car, bien que nous fassions un travail remarquable — nous faisons un excellent travail que vous et moi prenons très au sérieux —, il semble que ce soit toujours une course contre la montre.

Forte de toutes vos années d’expérience, que proposeriez-vous pour résoudre ce problème? Avez-vous une solution qui nous permettrait de disposer de plus de temps pour examiner les budgets? Faut-il prévoir un plus grand nombre de séances? Le cycle budgétaire parlementaire est-il trop contraignant et rigide? Je sais que le sénateur Smith a proposé l’imposition de dates. J’aimerais connaître votre opinion.

La sénatrice Marshall : Je pense que le gouvernement devrait envisager de déposer plus tôt certains documents comme le Budget principal des dépenses et les budgets supplémentaires des dépenses. Je pense qu’il devrait également envisager la possibilité de réaliser des études préalables sur certains des projets de loi à l’étude à la Chambre des communes. C’est le cas, par exemple, du projet de loi C‑8. Je m’attends à ce que le Comité des finances nationales le reçoive. Il s’agit d’un projet de loi très complexe, mais je m’attends à ce qu’il nous soit renvoyé en même temps que notre étude du Budget principal des dépenses et peut-être du Budget supplémentaire des dépenses (A). J’aimerais qu’on accorde plus de temps à une étude préalable.

J’aimerais aussi que les séances soient plus fréquentes. Je trouve que la pandémie a eu un effet terrible sur le Comité des finances nationales. Une réunion par semaine ne suffit pas. Nous devrions revenir à nos deux créneaux horaires, et nous devrions également avoir la possibilité de tenir des séances supplémentaires lorsque le Sénat siège.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Gagné, avec l’appui de l’honorable sénateur Gold, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Une voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Je vois deux sénateurs se lever.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : L’agent de liaison du gouvernement et le whip de l’opposition se sont-ils entendus sur la durée de la sonnerie?

Une voix : Maintenant.

Son Honneur le Président : Si un sénateur s’y oppose, qu’il veuille bien dire non. Le vote aura lieu maintenant.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot Harder
Audette Hartling
Bellemare Jaffer
Bernard Kutcher
Black LaBoucane-Benson
Boehm Lankin
Boniface Loffreda
Bovey Lovelace Nicholas
Brazeau Marwah
Busson Massicotte
Clement McCallum
Cordy McPhedran
Cormier Mégie
Cotter Mercer
Coyle Miville-Dechêne
Dagenais Moncion
Dalphond Moodie
Dasko Omidvar
Deacon (Nouvelle-Écosse) Pate
Deacon (Ontario) Petitclerc
Dean Quinn
Downe Ravalia
Duncan Ringuette
Dupuis Saint-Germain
Forest Simons
Gagné Sorensen
Galvez Tannas
Gerba Verner
Gignac White
Gold Yussuff—61
Greene

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Mockler
Batters Oh
Boisvenu Poirier
Carignan Richards
Housakos Seidman
MacDonald Smith
Manning Wells—15
Marshall

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(1540)

[Français]

Projet de loi de crédits no 1 pour 2022-2023

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-16, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023.

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Chers collègues, hier, lorsque nous nous sommes quittés, j’étais sur le point de conclure mon discours. Il ne me restait qu’à vous rappeler, une fois de plus, que l’outil numérique InfoBase du GC est à votre disposition si vous voulez le consulter. Il permet aux parlementaires, aux Canadiennes et aux Canadiens d’accéder aux renseignements reliés aux budgets des dépenses et à d’autres données sur les finances, ainsi qu’aux résultats du gouvernement.

Je vous remercie de votre attention. Merci, meegwetch.

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour dire quelques mots sur le projet de loi C-16, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023.

Ce projet de loi prévoit le financement de ce que l’on appelle les « crédits provisoires » qui donnent au gouvernement le pouvoir de dépenser avant l’approbation du Budget principal des dépenses.

[Traduction]

L’ouvrage de Marleau et Montpetit intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes explique l’octroi de crédits provisoires comme ceci :

Comme l’exercice financier commence le 1er avril et que le cycle normal des subsides prévoit que la Chambre ne se prononcera sur le Budget principal des dépenses qu’en juin, le gouvernement devrait en théorie se retrouver sans fonds pendant cet intervalle de trois mois. La Chambre autorise donc une avance sur les fonds demandés dans le Budget principal des dépenses afin de combler les besoins des services publics du début du nouvel exercice jusqu’à la date d’adoption du projet de loi portant affectation de crédits fondé sur le Budget principal des dépenses de l’exercice.

(1550)

Chers collègues, comme je suis arrivé au Sénat fort d’une assez vaste expérience dans le secteur privé, je vous assure que ce processus soulève chez moi de sérieuses questions, comme ce devrait être le cas pour vous.

On nous demande d’approuver environ le quart des dépenses votées prévues par le gouvernement avant même que nous ayons pu faire un examen approfondi de ces dépenses et que le Budget principal des dépenses ne soit approuvé, ce qui ne se fera pas avant juin.

Par surcroît, il est important de comprendre que, quelle que soit la décision du Parlement en juin en ce qui concerne le Budget principal des dépenses, toute approbation de dépenses accordée dans le cadre de ce projet de loi de crédits provisoires ne peut être retirée par la suite.

Ainsi, tel qu’indiqué dans La procédure et les usages de la Chambre des communes :

[...] pendant l’étude du Budget principal des dépenses, ni la Chambre ni ses comités ne peuvent réduire un crédit à un montant moindre que celui qui a déjà été accordé dans les crédits provisoires.

Cette règle s’applique également au Sénat. Même si le Comité sénatorial des finances nationales n’a pas encore examiné une seule page du Budget principal des dépenses, le Sénat est tenu d’approuver 75 milliards de dollars de crédits provisoires sans avoir la possibilité de retirer son approbation une fois qu’elle a été accordée.

Si les travaux des subsides fonctionnaient correctement, ce processus serait acceptable. Des freins et des contrepoids seraient en place pour garantir une reddition de comptes et une surveillance adéquates. Ce n’est toutefois pas le cas. En ce qui concerne les travaux des subsides, les parlementaires obtiennent des informations inadéquates et en retard et ne reçoivent pas de plan pour remédier au problème.

Nous nous en plaignons toujours, mais c’est toujours le même cycle malheureux. Soyons clairs, chers collègues. Ce n’est pas un problème nouveau. Il est survenu à maintes reprises. Nous déchirons nos chemises avec indignation lorsqu’il survient.

[Français]

Le directeur parlementaire du budget a soulevé ce problème dans son rapport paru en novembre, qui s’intitule Points à considérer par le Parlement sur la réforme des travaux des subsides. Il a remarqué chez de nombreux parlementaires, et je cite : « [...] des doutes grandissants quant à leur capacité de consentir de façon éclairée aux plans financiers du gouvernement ».

On peut également lire ce qui suit dans ce texte, et je cite :

L’illustration la plus tangible en est tous ces rapports où, depuis le milieu des années 1990, les comités permanents du Parlement recommandent d’améliorer les mesures de contrôle qui s’inscrivent dans les travaux des subsides.

On parle du milieu des années 1990. C’était il y a 30 ans et le problème persiste, chers collègues.

[Traduction]

Chers collègues, je pense pouvoir parler au nom de la plupart d’entre nous lorsque je dis que nous jetons un coup d’œil au Budget principal des dépenses lorsque nous le recevons et que nous nous sentons presque immédiatement dépassés et épuisés, comme l’ont dit beaucoup de nos collègues. Il y a sans doute quelques exceptions, peut-être les sénateurs Marshall et Loffreda, mais je suis convaincu que pour un grand nombre d’entre nous, parcourir le Budget principal des dépenses est un peu comme boire à même un tuyau d’incendie. Il est tout simplement impossible de pouvoir examiner et assimiler adéquatement autant d’information financière dans le délai prévu.

Au bout du compte, je me demande combien d’entre nous ferment le Budget des dépenses et sont plus reconnaissants que jamais aux sénateurs Marshall et Loffreda et aux autres sénateurs qui passent en revue plus facilement toutes ces informations et sont en mesure de les analyser en profondeur, car, chers collègues, cela représente énormément de dépenses qui sont approuvées très rapidement.

Cependant, la vérité, c’est qu’aucun parlementaire ne peut examiner minutieusement le Plan des dépenses du gouvernement et le Budget principal des dépenses parce que les informations nécessaires pour le faire ne sont pas facilement accessibles. De plus, je ne sonne pas l’alarme à ce sujet à de simples fins partisanes; il s’agit d’un problème largement reconnu qui est négligé depuis longtemps.

Dans son rapport de 2016 — publié il y a six ans —, le directeur parlementaire du budget a souligné trois problèmes fondamentaux à propos des travaux des subsides : premièrement, dans le budget, on présente les nouvelles initiatives, alors que dans le Budget des dépenses, on présente les rajustements fonctionnels aux affectations. Pourquoi est-ce important? Eh bien, c’est parce que, comme l’indique le rapport du directeur parlementaire du budget :

Le Parlement ne peut contrôler les nouvelles initiatives; des fonds peuvent donc être transférés d’une initiative à l’autre sans approbation parlementaire.

Le deuxième problème est que les nouvelles mesures budgétaires sont absentes du Budget principal des dépenses :

Le Parlement consacre du temps à l’examen d’un plan de dépenses — le budget principal des dépenses — qui ne reflète pas la réalité actuelle présentée dans le budget.

Troisièmement, le budget et le Budget principal des dépenses ne partagent ni la même portée ni la même méthode de comptabilité. Comme le souligne le directeur parlementaire du budget, cela signifie que :

Le Parlement est appelé à voter sur un plan de dépenses — le budget principal des dépenses — qu’il est difficile de rapprocher des dépenses d’ensemble.

[Français]

Chers collègues, je mentionne ces trois points pour insister sur le fait que les problèmes qui ont une incidence sur la capacité des parlementaires de remplir adéquatement leur fonction de surveillance des dépenses publiques sont bien connus. Il n’y a aucun mystère à cet effet.

En fait, le rapport du directeur parlementaire du budget de 2016 résumait les conclusions d’un rapport d’un comité de la Chambre des communes publié en 2012, qui s’intitulait Renforcer l’examen parlementaire des prévisions budgétaires et des crédits.

Ce rapport, qui a obtenu l’appui de tous les partis, avait relevé l’existence de certains problèmes à l’époque, et il avait également proposé des mesures pratiques et importantes visant à les résoudre.

C’était il y a 10 ans, et les parlementaires attendent toujours la mise en œuvre des solutions qui avaient été mises de l’avant.

[Traduction]

Il faut reconnaître que le gouvernement n’a pas simplement ignoré les propositions. Il a admis que le système était brisé et qu’il devait être réparé.

En novembre 2016 — encore une fois, il y a six ans —, le gouvernement a publié un document intitulé Outiller les parlementaires avec de la meilleure information qui correspond à sa vision de la réforme des budgets des dépenses. Le tout premier paragraphe du document, accessible en ligne, se lit comme suit :

L’incapacité du Parlement à jouer un rôle significatif dans l’examen des plans de dépenses du gouvernement du Canada est une source fréquente de frustration. Cela est attribuable à l’incohérence d’un processus budgétaire où les initiatives du Budget ne sont pas incluses au budget principal des dépenses, où les plans de dépenses sont difficiles à comprendre et à rapprocher, et où les rapports ne sont ni pertinents ni instructifs.

Honorables sénateurs, ce sont les paroles du gouvernement en 2016. Cette déclaration a été faite dans un document publié par le président du Conseil du Trésor à l’époque, nul autre que l’honorable Scott Brison.

Maintenant, d’une part, peut-être pouvons-nous trouver du réconfort dans le fait que le gouvernement a reconnu qu’il y a un problème et que ce problème doit être résolu. D’autre part, cette reconnaissance a été faite il y a cinq ans et demi, et rien, absolument rien n’a changé de façon substantielle depuis.

[Français]

Dans le rapport sur le Budget principal des dépenses qui est paru cette année, le directeur parlementaire du budget a tiré de nouveau la sonnette d’alarme. Il a écrit ce qui suit, et je cite :

Comme le DPB l’a mentionné dans des rapports antérieurs, le Budget principal des dépenses doit être déposé à une date établie (au plus tard le 1er mars), mais les autres renseignements connexes (notamment, les plans ministériels et les rapports sur les résultats ministériels) ne sont pas assujettis à une telle condition. Ce pouvoir discrétionnaire donne une marge de manœuvre importante au gouvernement; il crée toutefois un risque de décalage entre les sommes que l’on demande aux parlementaires d’approuver et le moment où les détails sur les dépenses prévues (et réelles) sont présentés. Cette situation nuit à la capacité des parlementaires de mener un examen approfondi utile des dépenses proposées.

[Traduction]

Ce n’est pas tout. Le directeur parlementaire du budget a aussi déclaré :

Le gouvernement renvoie au Budget principal des dépenses sous le nom de « Plan des dépenses du gouvernement ». Toutefois, il ne présente aucune mesure dans le budget correspondant ou les plans ministériels, ce qui brosse donc un portrait incomplet des dépenses du gouvernement. Le dépôt du Budget principal des dépenses avant la présentation du budget a permis au Conseil du Trésor de mener un examen plus minutieux des mesures budgétaires avant que le Parlement les examine dans les budgets supplémentaires des dépenses. Cependant, en procédant de la sorte, on demande aux parlementaires d’approuver le financement par l’intermédiaire d’un budget principal des dépenses incomplet, car il ne donne pas une image exacte des dépenses prévues du gouvernement.

Il a ajouté ceci :

Comme le gouvernement l’a déjà avoué, cette absence de cohésion entre deux des principaux documents budgétaires du gouvernement porte à confusion. Elle nuit donc à la capacité des parlementaires et des Canadiens de comprendre la stratégie générale relative aux dépenses fédérales, d’assurer le suivi de nouvelles mesures stratégiques annoncées dans le budget ou de cerner les résultats escomptés de nouvelles mesures budgétaires.

Ensuite, le directeur parlementaire du budget reprend les trois recommandations unanimes formulées 10 ans plus tôt par le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes :

[L]e Parlement devrait établir une date fixe pour le dépôt du budget;

cette date de dépôt devrait être suffisamment tôt pour garantir l’inclusion des mesures budgétaires dans le Budget principal des dépenses;

les plans ministériels devraient être déposés en même temps que le Budget principal des dépenses.

(1600)

En outre, il a réitéré deux recommandations qu’il avait formulées plus tôt cette année :

[D]éplacer la date de publication des Comptes publics au plus tard le 30 septembre;

exiger le dépôt des rapports sur les résultats ministériels en même temps.

Selon le directeur parlementaire du budget, ces cinq changements « fourniraient aux législateurs un processus uni, intuitif et (c’est l’aspect le plus essentiel) transparent pour la prise de décisions financières ».

Honorables sénateurs, la vérité, c’est que non seulement les problèmes sont bien connus, mais les solutions le sont tout autant. Il faut se pencher sur le fait que le gouvernement reconnaît clairement l’existence de ces problèmes. On serait donc porté à croire que la voie à suivre est simple et toute tracée.

Pourtant, rien n’a été fait. Qui plus est, les lacunes par rapport à l’information disponible et la reddition des comptes s’aggravent de plus en plus depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement. À titre d’exemple, il n’a pas présenté de budget en 2020. Puis, en 2021, il a fallu attendre la troisième semaine d’avril pour le dépôt d’un budget. Bien entendu, le gouvernement a attribué à la COVID-19 l’absence de budget en 2020 et la présentation tardive du budget de 2021. Pourtant, cette année encore, le budget ne sera pas présenté au Parlement avant le 7 avril.

Selon la Loi sur la gestion des finances publiques, les comptes publics doivent être déposés au Parlement avant le 31 décembre de chaque exercice. Cependant, la coutume veut qu’ils le soient en octobre. Au cours du dernier exercice, ils ont été présentés le 30 novembre. Lors de l’exercice précédent, c’était le 12 décembre. Pour l’exercice en cours, les comptes publics n’ont pas été déposés avant le 14 décembre 2021, soit la présentation la plus tardive depuis 1993-1994, comme n’a pas manqué de le souligner le directeur parlementaire du budget.

[Français]

Dans son rapport publié en janvier, qui s’intitule Mise à jour économique et budgétaire de 2021 : Enjeux pour les parlementaires, le directeur parlementaire du budget a indiqué ce qui suit, et je cite :

À titre de comparaison, le Canada était parmi les derniers pays du G7 à publier ses comptes financiers pour l’exercice 2020-2021 [...]

Puis, le directeur parlementaire du budget a ajouté ceci :

Les comptes publics fédéraux sont publiés plus tard que la plupart des comptes publics provinciaux et territoriaux, et près de la moitié des provinces et des territoires publient leurs comptes publics respectifs dans un délai de six mois.

La publication tardive, par le gouvernement, des Rapports sur les résultats ministériels illustre cette même incapacité à fournir des informations en temps utile.

[Traduction]

Ces rapports montrent quels ont été les résultats de chaque ministère pendant le dernier exercice financier. Ils permettent donc aux parlementaires de voir ce qui a pu être accompli grâce à toutes les sommes dépensées. Cette année, toutefois, les rapports n’ont été publiés qu’en février 2022, soit 10 mois après la fin de l’exercice financier. Ce n’est pas négligeable.

Comme l’a souligné le directeur parlementaire du budget :

Le manque de données complètes et opportunes sur les résultats rend plus difficile l’examen minutieux des dépenses proposées. Il est important que les parlementaires puissent comprendre les résultats que les organisations s’attendent à obtenir, la façon dont ils seront mesurés et dont ils se comparent à ceux des années précédentes afin d’assurer une prise de décisions éclairée.

Chers collègues, le gouvernement pourrait poser beaucoup de gestes concrets pour corriger les lacunes qui nuisent à notre capacité d’assurer une surveillance et une reddition de comptes appropriées à l’égard des dépenses publiques, ce qui est notre principal rôle à titre de sénateurs. Au lieu de corriger ces lacunes, il continue toutefois d’empirer la situation, comme le montre le projet de loi de crédits provisoires à l’étude aujourd’hui. Comme je l’ai dit plus tôt, les crédits provisoires sont censés servir à devancer l’affectation des fonds requis pour trois mois, soit avril, mai et juin.

Pourtant, la somme d’argent incluse dans le projet de loi de crédits provisoires a augmenté considérablement depuis que le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, passant de 29 % à plus de 40 % des crédits votés dans le Budget principal des dépenses. Jusqu’à quel niveau ce pourcentage augmentera-t-il? C’est comme si le gouvernement mettait le plus de dépenses possible dans un budget provisoire dans l’unique but de réduire encore davantage sa responsabilité. Passer de 29 % à 40 %, c’est inacceptable.

Chers collègues, il faut absolument que le gouvernement se ressaisisse pour faire ce qui s’impose, mais tous les indicateurs pointent dans la mauvaise direction. Les dépenses augmentent, alors que la responsabilité diminue. Le mépris du rôle du Parlement a atteint le niveau que nous lui connaissons tous. Même ceux qui le nient le sentent et le voient.

Je fais remarquer que ce projet de loi de crédits provisoires s’élève à 75,5 milliards de dollars. C’est presque autant que tous les crédits votés du Budget principal des dépenses de 2015-2016, quand le gouvernement est arrivé au pouvoir. Cette année-là, les crédits votés dans le Budget principal des dépenses étaient de 88 milliards de dollars. Cette année, cette somme s’élève à 190 milliards de dollars. Il s’agit d’une augmentation de 116 % en seulement sept ans.

En 2015-2016, les crédits provisoires atteignaient 29 milliards de dollars. Cette année, ils s’élèvent à 75,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 193 %. Le gouvernement a presque doublé les crédits votés en seulement sept ans.

[Français]

N’oubliez pas, chers collègues, que le Budget principal des dépenses ne tient pas compte de toute nouvelle dépense que le gouvernement annoncera dans son budget ni de toutes les promesses de dépenses qu’il a fallu faire au NPD afin d’acheter son appui pour sauver le gouvernement.

Nous avons un gouvernement qui ne se soucie pas d’ouvrir toutes grandes les vannes aux dépenses publiques et d’imprimer autant d’argent qu’il est nécessaire pour continuer d’en saupoudrer un peu partout.

[Traduction]

Ils se fichent que notre dette soit en train de monter en flèche. Ils se fichent de l’explosion du taux d’inflation. Ils se fichent du rapport sur la viabilité financière de l’an dernier, qui disait que la politique financière actuelle du Canada n’était pas viable à long terme, et ils se fichent de n’avoir aucun plan pour équilibrer le budget.

En vérité, chers collègues, ils n’ont aucune cible budgétaire. Ils sont irresponsables. Ils sont myopes et dangereusement négligents dans leur tenue des finances publiques, et ils n’ont pas envie de faire les changements fondamentaux nécessaires pour que le Parlement exerce une supervision adéquate. Nous sommes obligés de nous assurer qu’ils le feront.

Au bout du compte, je veux rappeler à mes collègues que la démocratie ne devrait pas fonctionner de cette manière. Le modèle n’est pas le premier ministre au sommet, son Cabinet sous lui, puis ses députés, et enfin ses sénateurs. C’est censé être l’inverse. Le Parlement doit être au sommet. Sous le Parlement, il y a les ministres, et sous les ministres, tout en bas du totem, il y a le premier ministre. C’est de là que vient le mot « premier ministre », le serviteur du peuple. C’est là l’origine du mot « ministre ». Ce mot signifie « serviteur du peuple ». À un moment donné, on a perdu de vue cette réalité. Nous pensons que notre Parlement, notre fonction publique et nos ministres relèvent tous du Cabinet du premier ministre.

Si nous voulons défendre la responsabilité financière et la démocratie, et le véritable esprit dans lequel nous voulons les exercer, cela ne peut pas durer. Le gouvernement libéral ne s’intéresse pas du tout à faire ce qui s’impose et il n’a aucun scrupule à transmettre aux générations futures l’entièreté de l’obligation de rembourser ses habitudes de dépenses extravagantes. Nous voyons clairement que des générations auront à porter le fardeau de la dette pendant des décennies. Le gouvernement a été imprudent et résolument incompétent.

Honorables sénateurs, aujourd’hui, je soupçonne que, selon toute vraisemblance, le Sénat adoptera le projet de loi. Nous, du Parti conservateur, qui formons l’opposition, continuerons de réclamer de la transparence, de la reddition de comptes et de la responsabilité financière dans la gouvernance. Nous allons redoubler d’efforts pour garantir qu’après les prochaines élections les Canadiens auront de nouveau un gouvernement responsable et compétent, au lieu du présent gouvernement, un gouvernement qui veillera à assurer l’avenir et qui tiendra compte du fait que les décisions que nous prenons aujourd’hui auront d’énormes répercussions sur les générations futures de Canadiens. Merci.

L’honorable Elizabeth Marshall : Merci de vos observations, sénateur Housakos.

Avant de commencer mon discours, je veux dire quelques mots au sujet du Budget provisoire des dépenses et revenir sur quelques points que vous avez soulevés. Nous passons beaucoup de temps au Comité des finances nationales — et je passe beaucoup de temps — à lire les documents financiers du gouvernement. Bien sûr, la plupart d’entre eux font des centaines de pages, mais, même moi, je trouve qu’il est difficile de comprendre ce qui se passe. Je dois dire qu’essayer de faire correspondre les documents des budgets des dépenses avec le budget est un processus absolument impossible.

L’autre chose que je veux mentionner relativement à certaines de vos observations est que le Comité des finances nationales consacre beaucoup de temps aux documents des budgets des dépenses et aux documents des budgets supplémentaires des dépenses. Nous nous concentrons sur les projets de loi de crédits, mais, si on lit les comptes publics de l’année dernière, on constate que 166 milliards de dollars ont été approuvés par l’intermédiaire de projets de loi de crédits, alors que 308 milliards de dollars ont été approuvés par l’intermédiaire d’autres lois. Nous nous penchons rarement sur cet argent. Nous ne nous penchons que sur le tiers des dépenses gouvernementales, et j’ai toujours trouvé cela préoccupant.

(1610)

Je vais parler plus particulièrement du projet de loi de crédits provisoires. La sénatrice Gagné en a déjà parlé en grande partie, et le sénateur Housakos y a fait allusion, mais parfois, il faut répéter quelque chose huit fois avant que les gens comprennent. Je vais donc parler brièvement du projet de loi de crédits provisoires.

Il s’agit là du premier projet de loi de crédits pour l’exercice 2022-2023. Comme je l’ai dit auparavant, l’exercice commence le 1er avril et se termine le 31 mars, ce qui veut dire que l’exercice en cours prendra fin aujourd’hui. C’est un grand jour. C’est la fin d’un exercice financier, et un nouvel exercice commencera demain. Le Sénat vient d’approuver le dernier projet de loi de crédits pour l’exercice qui se termine, soit le projet de loi C-15.

Nous étudions maintenant le projet de loi C-16, qui vise à approuver des fonds pour le nouvel exercice. C’est ce qu’on appelle le projet de loi de crédits provisoires. C’est pour l’exercice qui commencera demain. Étant donné que le Budget principal des dépenses n’a pas encore été approuvé par la Chambre des communes et par le Sénat, le gouvernement a besoin d’argent pour maintenir ses activités. On demande donc au Parlement d’approuver l’avance de fonds demandée dans le Budget principal des dépenses. C’est ce que vise à faire le projet de loi C-16, qui indique en détail les sommes dont le gouvernement a besoin pour maintenir ses activités jusqu’au 30 juin, date à laquelle on s’attend à ce que le Budget principal des dépenses soit approuvé.

Si on prend le projet de loi comme tel, on voit que le financement demandé dans le projet de loi de crédits est exprimé en douzièmes du montant à voter dans le Budget principal des dépenses. Il y a aussi une annexe, mais elle commence par dire que tout le monde recevra trois douzièmes du financement qui lui est accordé dans le Budget provisoire des dépenses, à l’exception de ce qui suit. Il y a également une annexe qui mentionne que ce sera quatre douzièmes pour certains ministères et certains crédits, et il y en a beaucoup qui recevront cinq douzièmes. Il en va ainsi jusqu’à douze douzièmes. En moyenne, si on prend l’ensemble des montants, on constate que le gouvernement demande en fait environ cinq douzièmes de toutes les sommes demandées.

Ce qui me frappe dans ce projet de loi, c’est que les 190 milliards de dollars demandés dans le Budget principal des dépenses constituent un montant beaucoup plus élevé que celui du Budget principal des dépenses de l’année dernière, qui était de 142 milliards de dollars. À 190 milliards de dollars cette année, on parle d’une augmentation d’environ 33 % ou 34 %.

Le projet de loi de crédits provisoire a donc, lui aussi, augmenté et il est passé de 59 milliards de dollars à 75 milliards de dollars. Nous n’en sommes encore qu’au tout début, il se peut donc que ces montants augmentent encore beaucoup.

Nous n’avons pas encore fait l’étude du projet de loi. Habituellement, nous le parcourons pour voir si certains éléments attirent notre attention. Nous en avons relevé quelques-uns. Par exemple, quatre organismes demandent une augmentation importante de leur financement. L’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario demande une augmentation substantielle. Il en est de même pour Emploi et Développement social Canada et Femmes et Égalité des genres Canada. Nous devrions entendre ces trois organismes en comité. Le quatrième organisme, Services aux Autochtones Canada, pose, selon moi, un problème a priori. Ses représentants ont témoigné devant le comité sénatorial chargé d’étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C), et nous avons constaté que leur Rapport sur les résultats ministériels comportait beaucoup de lacunes. Sur les 79 indicateurs de rendement, 14 ont été atteints. Il y en a donc 63 qui n’ont ni été atteints ni ne sont en voie de l’être, ou pour lesquels aucune donnée n’a été fournie. Voilà un problème qui doit être signalé.

Voilà donc mes observations sur le projet de loi de crédits provisoires. J’ai hâte de lire le Budget principal des dépenses, car nous pourrons alors étudier tous les détails du projet de loi.

Son Honneur le Président : Sénatrice Marshall, vous avez encore du temps. Une sénatrice souhaiterait poser une question. Accepteriez-vous d’y répondre?

La sénatrice Marshall : Oui, bien entendu.

L’honorable Rosa Galvez : Merci, sénatrice Marshall. Vous avez dit que vous deviez répéter la même chose plusieurs fois pour être entendue. Je voudrais vous dire que je vous ai entendue et que je suis inquiète, tout comme vous, de ne voir que le tiers de l’ensemble des dépenses.

Étant donné que vous siégez au Comité des finances nationales depuis beaucoup plus longtemps que moi, voudriez-vous me dire si les choses se faisaient ainsi il y a quelques années? Est-il normal de ne voir que le tiers des dépenses ou est-ce une conséquence de la COVID? Merci.

La sénatrice Marshall : Non, la COVID n’explique pas cette situation. La pandémie l’a peut-être aggravée parce qu’une partie des dépenses liées à la COVID étaient législatives. Cela dit, le problème a toujours existé. Je pense en avoir parlé au Sénat à maintes reprises. En fait, j’ai rédigé une lettre — elle n’est pas tout à fait prête à être envoyée comme j’attends la traduction — qui demande que le Comité des finances nationales fasse l’examen de l’utilisation de ces 308 milliards de dollars. Je crains que les membres du Comité des finances pensent que toutes les dépenses se trouvent dans le Budget principal des dépenses et les budgets supplémentaires des dépenses alors que ce n’est pas le cas. Il y a beaucoup d’autres sommes qui sont dépensées à l’extérieur du processus, et les membres du comité devraient en être informés. Nous devrions suivre ces fonds, assurer une surveillance et en faire rapport à nos collègues du Sénat.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Gagné, avec l’appui de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Maintenant.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot Hartling
Audette Jaffer
Bellemare Klyne
Black Kutcher
Boehm LaBoucane-Benson
Boniface Lankin
Bovey Loffreda
Brazeau Lovelace Nicholas
Busson Marwah
Christmas McCallum
Clement McPhedran
Cordy Mégie
Cormier Mercer
Cotter Miville-Dechêne
Coyle Moncion
Dagenais Moodie
Dalphond Omidvar
Dasko Pate
Dawson Patterson
Deacon (Nouvelle-Écosse) Petitclerc
Deacon (Ontario) Quinn
Dean Ravalia
Downe Ringuette
Duncan Saint-Germain
Dupuis Simons
Forest Sorensen
Gagné Tannas
Galvez Verner
Gerba Wallin
Gignac Wetston
Gold White
Greene Yussuff—65
Harder

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Marshall
Batters Oh
Boisvenu Poirier
Carignan Richards
Housakos Seidman
MacDonald Smith
Manning Wells—14

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(1620)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser les séances hybrides jusqu’au 30 avril 2022

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que les dispositions de l’ordre du 25 novembre 2021 concernant les séances hybrides du Sénat et des comités, et d’autres questions, soient prolongées jusqu’à la fin de la journée le 30 avril 2022;

Que le Sénat s’engage à considérer une transition vers un retour aux séances en personne dès que possible à la lumière de tous les facteurs pertinents, y compris les lignes directrices en matière de santé publique, ainsi que la sécurité et le bien-être de tout le personnel parlementaire;

Que toute prolongation ultérieure de cet ordre ne soit effectuée qu’après consultation avec les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer la motion no 28, et je le fais au nom de mes collègues du Groupe progressiste du Sénat. Nous nous entendons tous sur cette question. Nous appuyons cette motion. En fait, à l’heure actuelle, nous serions en faveur de prolonger les séances hybrides jusqu’à la fin de juin.

Toutefois, nous sommes disposés à approuver la motion sous sa forme actuelle, mais nous souhaitons réévaluer la situation de la COVID-19 et les mesures hybrides avant la fin d’avril.

(1630)

Honorables sénateurs, même si j’ai hâte de revenir exclusivement aux séances en personne du Sénat et des comités, je suis aussi parfaitement consciente que certains sénateurs sont immunodéprimés ou que des membres de leur famille le sont. Nous devrions faire preuve de compassion envers nos collègues les plus vulnérables qui ne sont pas encore à l’aise à l’idée de participer en personne. Ils ne veulent pas mettre en danger leur santé ni celle de leurs êtres chers.

Nous devons aussi savoir que si nous continuons de siéger en mode hybride, nous serons plus susceptibles d’avoir l’infrastructure nécessaire en cas de nouvelle vague. En effet, pas plus tard qu’hier, la médecin-cheffe de Santé publique Ottawa a prévenu que le nombre de cas de COVID ici, à Ottawa, est à la hausse et que la charge virale dans les eaux usées a augmenté considérablement au cours des deux à trois dernières semaines. Dans sa déclaration spéciale, la Dre Vera Etches a dit ceci :

La pandémie n’est pas terminée et nous constatons actuellement une nouvelle résurgence du virus.

Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, 5 des 55 députés de l’assemblée législative ont maintenant contracté la COVID. L’assemblée législative discute actuellement de la possibilité de passer à un mode hybride. Cela soulève des inquiétudes parce que cela ne pourra pas se faire immédiatement pendant que l’assemblée siège.

Étant donné ces risques évidents, nous devons nous rappeler qu’il est plus facile de prolonger les séances hybrides jusqu’à la fin de juin qu’il serait de revenir à un mode hybride si les cas de COVID devaient augmenter considérablement ici, à Ottawa, ou dans nos provinces et territoires.

Enfin, je ne pense pas dévoiler de grand secret en disant que beaucoup d’entre nous dans cette enceinte font partie d’un groupe d’âge qui est plus susceptible de subir des complications liées à la COVID-19 que les députés. Je trouve également intéressant que l’autre endroit compte poursuivre son modèle hybride jusqu’à la fin juin. Pourquoi n’en ferions-nous pas autant ici, au Sénat?

Les séances et le mode hybrides n’empêchent personne de participer aux séances du Sénat en personne. Si un sénateur souhaite participer aux séances en personne, ce qui est le cas de la plupart d’entre nous, il peut le faire. Toutefois, le fait d’imposer des séances en personne seulement, à l’heure actuelle, empêcherait sûrement certains de nos collègues qui sont immunodéprimés, ou dont des membres de la famille le sont, de s’acquitter de leurs fonctions de sénateurs.

En clair, les séances hybrides ne doivent pas être une solution à long terme. Nous souhaitons tous être en personne à Ottawa, avec nos collègues, au Sénat et dans les comités. En revanche, je ne veux pas pour autant compromettre la santé et le bien-être de mes collègues ou du personnel du Sénat. Je crois qu’il est absolument essentiel de garder à l’esprit que ces décisions ne concernent pas seulement les sénateurs, mais aussi notre personnel et celui du Sénat.

J’appuierai la présente motion, et il me tarde de pouvoir réévaluer la position du Sénat à la fin du mois d’avril. Je vous remercie.

L’honorable Dennis Glen Patterson : J’aimerais poser une question à la sénatrice Cordy, si elle accepte d’y répondre.

La sénatrice Cordy : Certainement.

Le sénateur Patterson : Sénatrice Cordy, vous demandez pourquoi ne pas faire comme la Chambre des communes et poursuivre les séances hybrides jusqu’à la fin du mois de juin. La raison est que le Sénat a un problème que la Chambre n’a pas : tant que nous sommes en mode hybride, nous manquons manifestement des ressources adéquates pour le bon fonctionnement de nos comités. Comme vous le savez, les ressources dont je parle sont des interprètes, des opérateurs techniques et des caméramans. À cause de cela, nous ne pouvons pas siéger en comité plus d’une fois par semaine.

J’aimerais donc vous demander la chose suivante. Convenez-vous que, tant que nous ne disposons pas des ressources adéquates permettant aux comités de faire leur important travail, nous ne devrions pas adopter la motion sur les séances hybrides, car cela entrave nos travaux en comité?

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Vous soulevez un très bon point.

Nous aimerions tous participer aux réunions de nos comités. Les comités qui, en temps normal, tiennent deux réunions par semaine ne se réunissent à l’heure actuelle qu’une seule fois par semaine. Nous comprenons tous cela.

Toutefois, il faut également reconnaître qu’un certain nombre de membres du personnel ont contracté la COVID parce qu’ils travaillent dans des circonstances où ils sont entourés de beaucoup de gens. Nous savons que des sénateurs ont contracté la COVID, mais allons savoir si c’était dans la salle du Sénat, à bord d’un avion pour se rendre à Ottawa ou à la maison. Il est très difficile de déterminer la source de l’exposition quand on prend l’avion, fréquente les aéroports et siège physiquement dans la salle du Sénat.

Il serait merveilleux que les comités puissent se réunir deux fois par semaine, mais je demeure convaincue que nous devons maintenir un format hybride au moins jusqu’à la fin juin. Je suis disposée à appuyer cette motion, mais j’estime qu’elle devrait prolonger le mode hybride jusqu’à la fin juin, moment où nous serons plus en mesure de réévaluer la situation. Je ne dis pas cela fréquemment, mais nous devrions emboîter le pas à la Chambre des communes et prolonger le mode hybride jusqu’à la fin juin.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Cordy : Certainement.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre discours, sénatrice Cordy. Comme certains d’entre vous le savent peut-être, en mars seulement, 23 cas de COVID ont été signalés dans la Cité parlementaire : 12 dans la famille du Sénat, 7 au Service de protection parlementaire et 4 à Services publics et Approvisionnement Canada.

Comme nous le savons tous, la Cité parlementaire fonctionne de façon assez intégrée. Par conséquent, lorsque des cas sont compilés et signalés, ils incluent tous ceux que je viens de mentionner, y compris, bien sûr, les cas parmi les employés de la Chambre.

Madame la sénatrice, compte tenu de cette intégration, pensez-vous qu’il serait logique que le Sénat recommence à tenir des séances en personne avant que la Chambre ne le fasse? Cela n’augmenterait-il pas tout simplement le risque, non seulement pour nous, mais aussi pour l’ensemble de la Cité parlementaire?

La sénatrice Cordy : Je conviens tout à fait qu’il serait préférable de suivre l’exemple de la Chambre dans ce dossier et de continuer à utiliser le modèle hybride jusqu’à la fin de juin.

Les chiffres que vous nous avez présentés aujourd’hui ne sont pas surprenants, mais ils sont frappants. Ils donnent certainement matière à réflexion. Ils semblent indiquer que vous pouvez siéger au Sénat en personne si vous le souhaitez, mais que vous pouvez certainement remplir vos fonctions de sénateur à l’aide du modèle hybride si vous êtes immunodéprimé ou si l’idée d’aller à l’aéroport et de prendre l’avion vous rend vraiment nerveux.

J’ai pris la parole plus tôt et je vous ai informés que 5 des 55 députés de l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse ont contracté la COVID. En Nouvelle-Écosse, le premier ministre conservateur Tim Houston a dit :

Nous sommes en pleine pandémie et il faut être prêt à faire avec [...] Je suis très fortement en faveur d’une session hybride afin que chaque voix et chaque Néo-Écossais puisse être entendu par l’intermédiaire de son député provincial.

Il devrait en aller de même à Ottawa. Chaque sénateur a le devoir de représenter ses concitoyens dans sa province, et chaque sénateur devrait être en mesure de le faire, même en temps de pandémie. Les chiffres que je vois — comme mes collaborateurs me l’ont confirmé — sont en train d’augmenter, que cela nous plaise ou non. Nous traversons une pandémie et il me semble que nous devrions nous aligner sur la Chambre des communes et garder les séances hybrides jusqu’à la fin du mois de juin.

Cela étant dit, j’appuierai cette motion, mais je préférerais que les séances soient prolongées jusqu’à la fin du mois de juin. Nous pourrons toujours réévaluer la situation à la fin d’avril et faire les ajustements nécessaires à ce moment-là.

L’honorable Frances Lankin : Sénatrice Cordy, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Cordy : Oui, bien sûr.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Je tiens à préciser que je partage votre point de vue sur tout ce que vous avez dit, y compris sur le fait que nous aimerions tous pouvoir siéger à nouveau en personne et participer à deux séances de comité par semaine.

Même sans les séances hybrides, j’ai bien peur que nos ressources soient très limitées. Je crains que nous ne fassions que repousser le problème en disant que nous allons réévaluer la situation en avril, puis probablement encore en juin. Il me semble que nous nous accrochons à l’espoir que le problème des ressources finira par se régler dans les deux mois qui viennent.

Je me demande si vous accepteriez qu’on organise une rencontre avec le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pour tenter d’examiner sérieusement le problème, sans attendre de savoir si nous allons pouvoir tenir à nouveau des séances complètes en personne. Merci.

(1640)

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Je n’aurais pas mieux dit. Je pense que c’est vraiment important. Les ressources étaient débordées avant la COVID et elles le sont encore. Notre personnel de bureau et le personnel du Sénat se surpassent, et je suis sûre que l’épuisement conduit parfois à une plus grande vulnérabilité face à la COVID, à un rhume ou à la grippe. Je profite de l’occasion pour remercier le personnel de bureau et le personnel du Sénat de s’être surpassés.

Vous avez soulevé un très bon point en disant que nous devrions peut-être créer un groupe de travail pour examiner les ressources. Nous sommes en train de le faire. Le sénateur Gold nous a donné le nombre de personnes au sein de notre institution qui a attrapé la COVID. Cependant, nous devrions certainement examiner les ressources et déterminer où nous avons besoin de gens et où nous devons embaucher plus de personnel. Merci beaucoup d’avoir soulevé cette question.

L’honorable Patricia Bovey : Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénatrice Cordy?

La sénatrice Cordy : Oui.

La sénatrice Bovey : Sénatrice Cordy, vous avez mentionné que les séances hybrides permettent à ceux qui sont immunodéprimés de s’acquitter de leurs responsabilités et de participer aux travaux du Sénat. Vous avez parlé de poursuivre les séances hybrides jusqu’à la fin du mois de juin. Je suis d’accord avec cela, surtout qu’en ce moment, les vols directs en provenance de nos villes n’ont pas encore été rétablis. Je viens de Winnipeg. Ma liaison ne sera pas rétablie avant juin. Cela augmente les possibilités pour certains d’entre nous, comme je l’ai fait, de contracter la COVID. Les séances hybrides m’ont permis de siéger cette semaine. Sans elles, je ne l’aurais pas fait, même si je préfère être au Sénat, comme vous le savez.

Êtes-vous d’accord pour dire que les séances hybrides permettent aux personnes qui contractent la COVID de continuer de participer activement aux travaux du Sénat?

La sénatrice Cordy : J’ai effectivement parlé des sénateurs immunodéprimés. Je n’ai pas parlé de ceux qui ont peut-être contracté la COVID et qui peuvent quand même participer aux séances depuis leur domicile et qui y restent pour ne pas propager la maladie. À la condition que leur état ne soit pas grave, qu’ils ne soient pas alités ou même à l’hôpital, ils peuvent toujours s’asseoir dans une pièce de leur maison et participer à nos séances.

Vous avez parlé du manque de vols directs. Je crois que tous ceux parmi nous qui doivent prendre l’avion vous comprennent. Avec cinq ou six vols directs par jour, il a déjà été très facile de prendre l’avion jusqu’en Nouvelle-Écosse. Maintenant, il n’y a plus que deux vols directs par jour. Si j’attends le lendemain, c’est soit 6 heures du matin, ce qui ne permet pas une journée très productive lorsque j’arrive chez moi — et ce n’est même pas un vol direct —, ou arriver à la maison tard le vendredi après-midi pour repartir vers Ottawa le dimanche soir ou le lundi matin.

J’ai parlé à quelqu’un qui doit prendre trois vols pour parvenir jusqu’à Ottawa. Ce serait probablement plus rapide par la route, si elle le voulait. Vous avez entièrement raison. Bien des choses ont changé avec la pandémie, et le manque d’horaires de vol pratiques est certainement l’une de ces choses. Merci d’avoir soulevé ce point.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour m’opposer à la motion qui a pour but de prolonger les séances hybrides du Sénat jusqu’au 30 avril 2022.

Comme vous le savez, je me suis opposée à d’autres propositions similaires pour effectuer des travaux parlementaires au moyen de séances virtuelles ou hybrides par le passé. Honnêtement, je suis convaincue qu’une connexion virtuelle entre sénateurs ne suffit pas pour gérer adéquatement les travaux quotidiens du Parlement qui portent sur des questions de grande importance — les réfugiés qui fuient la guerre en Ukraine ou en Afghanistan, le suicide assisté ou la Loi sur les mesures d’urgence.

En tant que parlementaires, nous sommes appelés à nous réunir dans cette enceinte, qui est au cœur de la démocratie canadienne, afin de débattre des enjeux cruciaux pour les Canadiens. Notre présence ici, en personne, compte. Nos fonctions sénatoriales ne sont pas une simple tâche que nous devons insérer dans nos vies personnelles — quelque chose à laquelle nous nous connectons ou déconnectons. Notre première responsabilité devrait être de représenter les intérêts de nos régions respectives au sein du processus législatif. Pour ce faire, j’estime qu’il est important de se lever pour prendre la parole afin d’être bien entendu.

Cette motion aurait pour but d’enclaver le Sénat dans une bulle parlementaire qui ne reflète pas la réalité au Canada. Permettez-moi d’abord de préciser que je suis fière d’avoir reçu mes trois doses de vaccin, ce que j’ai annoncé sans retenue sur mes comptes de médias sociaux. Cependant, à l’heure actuelle, chaque province a mis un terme aux exigences relatives à la vaccination ou prévoit le faire. Pourtant, le gouvernement Trudeau refuse obstinément de laisser tomber les exigences relatives à la vaccination dans l’appareil fédéral ou même de préparer des plans à cet effet.

Cette motion du gouvernement montre que celui-ci a l’intention d’imposer au Sénat le carcan du Parlement hybride un peu plus longtemps. Comme nous avons pu le constater, des travaux parlementaires ternes menés sur Zoom ont moins tendance à susciter l’intérêt de la population et des médias, ce qui est un avantage pour un gouvernement allergique à la transparence et à la reddition de comptes.

La motion n’offre pas de réel engagement quant à la reprise des séances en personne au Sénat. Elle dit ceci :

Que le Sénat s’engage à considérer une transition vers un retour aux séances en personne dès que possible à la lumière de tous les facteurs pertinents [...]

Ainsi, le Sénat devrait « s’engage[r] à considérer une transition »? Je pourrais m’engager à « considérer une transition » qui ferait de moi une partisane des Blue Bombers de Winnipeg, mais rien ne garantit que je le ferai vraiment. En fait, le gouvernement ne s’engage absolument à rien quand il emploie une formulation aussi vague.

Dans les faits, la plupart des gens n’ont pas le luxe de travailler à distance grâce à Internet. Depuis plusieurs mois, le Canada demande aux Canadiens de faire leur travail tout en se protégeant du mieux possible. Les préposés au nettoyage, les travailleurs de la santé, les mécaniciens, les agriculteurs, les serveurs, les premiers répondants et les camionneurs comptent parmi les nombreuses personnes qui vont sur leur lieu de travail depuis le début de la pandémie pour soutenir la population. Honorables sénateurs, à titre de fonctionnaires, donc de travailleurs au service de la population, les sénateurs devraient, eux aussi, se trouver dans cette liste.

Mais ce n’est pas le cas, n’est-ce pas? En plus des élections inutiles que le premier ministre Trudeau a déclenchées, nous tenons des séances virtuelles depuis 18 mois. Nous avons eu des comités paralysés qui ne peuvent faire que la moitié du travail normal en raison des problèmes d’horaire de la diffusion sur Zoom et des suspensions fréquentes au Sénat en raison de problèmes technologiques d’un côté ou de l’autre. Toutes ces interruptions et tous ces obstacles finissent par éroder notre démocratie.

En raison de circonstances personnelles difficiles pendant la pandémie, de nombreux sénateurs ne se sont pas du tout présentés en personne à Ottawa. Je n’ai pas vu certains de mes collègues sénateurs depuis deux ans. Cette perte de communication informelle et en personne entre les sénateurs aux réunions des comités ou dans les couloirs nuit non seulement à la stratégie politique, mais aussi à la camaraderie, à la communication et à la coopération entre sénateurs. Il m’est arrivé de convaincre d’autres sénateurs de voter comme moi sur des initiatives au moment même où les whips se dirigeaient vers l’allée avant le vote, ce qui n’est pas aussi possible dans un système hybride.

D’autres mesures de sécurité relatives à la COVID auraient pu être employées dans la salle du Sénat, ce qui nous aurait donné la liberté de maintenir une certaine distance physique, en toute sécurité, lors de séances en personne dans l’enceinte du Sénat. Je parle de mesures comme des cloisons en plexiglas ou le fait de parler depuis un coin plus éloigné de la salle ou de la tribune, par exemple.

Parfois, quand même le Président doit participer au Sénat par Zoom, les désavantages d’un système hybride se font rapidement sentir. Il n’est pas en mesure de bien voir toute la chambre et il est incapable de voir si un sénateur se lève ou si quelqu’un essaie d’attirer son attention.

L’un des plus grands désavantages d’un système hybride au Sénat est l’impact d’un tel fonctionnement sur nos interprètes parlementaires. C’est un problème majeur actuellement et j’ai abordé le sujet au Comité de régie interne et au Sénat. Le fonctionnement hybride a été très dur pour la santé de ces employés, surtout en raison de la qualité variable du matériel audio utilisé par les sénateurs et les témoins au Sénat et dans les comités.

De plus, la quantité limitée d’interprètes qualifiés dans la région de la capitale nationale combinée à une demande de service plus élevée signifie davantage de surcharge et d’épuisement professionnel. Il est injuste d’attendre de la part des interprètes qu’ils assument ce fardeau en mettant à risque leur santé personnelle afin que des sénateurs puissent participer aux séances sur Zoom dans le confort de leur foyer.

En outre, selon un rapport détaillé de la Chambre des communes déposé l’an dernier, tenir des séances hybrides nécessitait en général deux fois plus d’employés par rapport aux séances en personne à la Chambre. L’argument voulant que le fonctionnement hybride soit meilleur pour le personnel ne tient simplement pas la route.

De plus, le taux de vaccination à Ottawa est un des plus élevés au pays. Le Sénat a déjà imposé la vaccination obligatoire comme condition préalable à l’obtention d’un emploi ou même à l’accès à la Cité parlementaire. Cependant, au lieu d’offrir plus de liberté au Sénat ces derniers mois grâce à cette condition, les restrictions qui nous sont imposées ont été resserrées. Maintenant, nous devons porter un masque dans l’enceinte du Sénat, même à notre siège, en plus de nous asseoir à six pieds les uns des autres. En plus, jusqu’à tout récemment, nous devions porter un masque lorsque nous prenions la parole. C’est différent de la Chambre des communes, où les députés ont toujours eu le droit d’enlever leur masque pour prendre la parole.

Bien sûr, le Sénat a continué à respecter cette politique sur le port du masque, même si l’Ontario a récemment éliminé l’exigence de porter le masque dans la province.

(1650)

Pendant ce temps, le centre-ville d’Ottawa est désert. L’accès aux rues devant la Colline du Parlement est toujours interdit aux véhicules, et ce, même si le convoi n’est plus là depuis des semaines. Personne ne semble être en mesure d’expliquer pourquoi; ce n’est qu’une autre des réalités exaspérantes de la vie dans une ville de fonctionnaires. On dirait que, chaque semaine, une autre petite entreprise établie depuis longtemps ferme ses portes, car elle ne peut plus survivre sans sa clientèle habituelle.

Que compte-t-on faire pour rouvrir l’accès à la Chambre haute, à la Cité parlementaire et aux rues environnantes dans la région de la capitale nationale? Nous ne pouvons pas vivre comme cela pour toujours. Ce n’est pas bon pour le Parlement, et ce n’est certainement pas bon pour l’économie canadienne.

Récemment, le Sénat a distribué une note pour annoncer l’assouplissement des restrictions dans l’ensemble des édifices du Sénat et du Parlement. Dans cette note, on disait que seulement 25 % des effectifs de l’Administration du Sénat allaient retourner au bureau d’ici la mi-avril. Il n’y avait aucune autre information sur d’éventuels plans de retour au travail au-delà de cette période.

Pendant ce temps, le budget du Sénat pour le prochain exercice financier a gonflé pour atteindre 122 millions de dollars. Ce budget a continué d’augmenter alors que nous sommes en pandémie depuis deux ans, qu’un nombre considérable de sénateurs ne font plus l’aller-retour entre leur lieu de résidence et Ottawa, et qu’il y a actuellement 15 sièges vacants au Sénat.

D’autres entreprises et organisations ont dû faire des choix difficiles et souvent déchirants à propos de mises à pied et de compressions à cause de la pandémie. Pourtant, l’Administration du Sénat a embauché des employés. Comme nous, ils n’ont perdu aucun chèque de paie durant la pandémie. Il semble que tous les Canadiens aient un plan de retour au travail en présentiel. Pourquoi pas le Sénat?

La motion indique que le Président prolongera les séances hybrides du Sénat seulement après avoir consulté les autres leaders et facilitateurs du Sénat. Je me demande s’il s’agit du mode de consultation habituel du gouvernement Trudeau, c’est-à-dire un simple appel téléphonique juste avant que le communiqué de presse soit envoyé par courriel.

Une des principales raisons pour lesquelles je m’oppose à la prolongation des séances hybrides du Sénat, c’est que le gouvernement Trudeau a tendance à s’en servir pour éviter de rendre des comptes. Le gouvernement actuel a injecté des milliards de dollars par le truchement du Parlement durant la pandémie, en les faisant adopter à toute vapeur au Sénat dans le cadre de brefs comités pléniers, au lieu de tenir les examens exhaustifs habituels des comités du Sénat. Lors d’un comité plénier, un ministre ou deux du gouvernement Trudeau témoignent pendant une heure ou deux, sans autre témoin, pour fournir des réponses décousues qui ne répondent directement à aucune question, si élémentaire soit-elle. Voilà sans équivoque du mauvais parlementarisme qui empêche l’opposition, de même que l’ensemble des parlementaires, d’exiger des comptes au gouvernement.

Combien de fois, au cours de cette législature hybride, avons-nous vu le leader du gouvernement au Sénat refuser de prononcer même un discours sur les projets de loi du gouvernement et les motions qu’il veut faire adopter à toute vitesse au Sénat? Il a même renoncé à son droit de prendre la parole au sujet de cette motion, ce qui nous a privés de la possibilité d’interroger le gouvernement sur ce sujet important.

Honorables sénateurs, il n’y a aucune excuse. Aucune. Le leader du gouvernement au Sénat dispose d’un budget de 1,5 million de dollars et d’un personnel qui compte jusqu’à 15 employés, en plus des ressources considérables du gouvernement qui sont à sa disposition pour l’aider à accomplir son travail. Les Canadiens méritent au moins qu’il accomplisse son travail de leader du gouvernement du Sénat.

Nous avons eu droit à cette méthode expéditive encore une fois mardi. En effet, la leader adjointe du gouvernement au Sénat a présenté deux projets de loi de crédits majeurs du gouvernement valant chacun des milliards de dollars, mais a omis d’en parler à l’étape de la deuxième lecture. Lorsque je lui ai demandé le montant des fonds prévus dans chacun des projets de loi, elle a dû s’arrêter pour vérifier parce qu’elle ne s’attendait pas à répondre à des questions. Pourquoi est-ce le cas? C’est une question de responsabilité gouvernementale. Pour le gouvernement Trudeau, les débats qui ont lieu au Parlement sont des bruits de fond qui doivent être contrôlés et mis en sourdine. Selon cette vision du monde, les appels Zoom constituent une pratique de gouvernance convenable. Mais les Canadiens méritent mieux, honorables sénateurs, et le Sénat du Canada ne fait pas que tout approuver les yeux fermés. Nous ne devons pas laisser le Sénat se faire traiter comme cela.

Le Parlement hybride porte gravement atteinte au processus de reddition de comptes. Ce mode de fonctionnement a également eu des effets très délétères sur les comités du Sénat. D’abord, vu le manque de ressources parlementaires et d’équipement de radiodiffusion, les comités sénatoriaux ne peuvent tenir que la moitié des réunions qu’ils tiendraient en temps normal. Par exemple, j’ai passé en revue les comités auxquels j’ai déjà été associée. Depuis le 1er avril 2021, le Comité des affaires juridiques s’est réuni seulement 14 fois, le Comité du Règlement, seulement 7 fois, et le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui contrôle les affaires budgétaires de tout le Sénat, seulement 9 fois. Lorsque nous tenons des séances en personne, le Comité de la régie interne se réunit habituellement neuf fois en seulement trois mois environ.

Traditionnellement, les comités sénatoriaux ont toujours eu la réputation de produire une partie du meilleur travail du Sénat : des recherches et des études approfondies, pondérées et minutieuses sur des questions qui touchent les Canadiens. Pendant la pandémie, les comités ont plutôt été contraints de se réunir une seule fois par semaine. Le nombre de témoins qui peuvent participer aux réunions a aussi été limité. Par conséquent, les comités sénatoriaux subissent les conséquences négatives de ces limites.

Tout au long de la pandémie, le Sénat a été traité comme un partenaire subalterne de la Chambre des communes en ce qui concerne l’équipement et les périodes de diffusion. La priorité a été systématiquement accordée à la Chambre des communes au détriment du Sénat. Pourtant, il semble que le Sénat y a consenti depuis le début.

Presque depuis le début de la pandémie, la Chambre des communes a toujours eu des réunions de comité hybrides. Presque dès le départ, les comités de la Chambre fonctionnaient à pratiquement pleine capacité pour la majeure partie de la pandémie. Entretemps, à certains moments, le Sénat a été obligé de tenir uniquement des audiences de comité à distance en raison d’un manque de ressources. Le Sénat a dû continuer de se contenter des miettes.

Le Sénat et la Chambre des communes sont des Chambres du Parlement égales, mais complémentaires. Nous ne devrions pas être continuellement obligés de sacrifier notre travail parlementaire dans l’intérêt de la Chambre des communes. Le Sénat devrait retourner à des rencontres de comité en personne dès que possible, et non pas repousser la fin du mode hybride encore une fois.

Honorables sénateurs, je pense que nous devons penser sérieusement aux conséquences des travaux en mode hybride non seulement sur les travaux des comités, mais aussi sur le Parlement, le Sénat et notre rôle de parlementaires. Est-ce que le mode hybride sert les intérêts réels des Canadiens au Parlement? Le gouvernement devient-il plus ouvert, plus transparent et plus responsable dans le contexte des séances hybrides, ou ces dernières ont-elles plutôt établi un système pratique pour faire adopter les dépenses à toute vapeur par le Parlement sans trop d’ingérence embêtante de l’opposition?

J’ai bien peur que le gouvernement Trudeau fonctionne sur le principe de la dernière option. En ce qui me concerne, je ne veux pas rester les bras croisés à regarder ce qui se passe. Je ne vais certainement pas y adhérer. C’est pourquoi je vais voter contre cette motion qui vise à prolonger le mode hybride au sein du Parlement. Honorables sénateurs, il est temps que nous revenions à la présence en personne et au maximum de la capacité dans cette enceinte. Nous devons être à notre place, au Sénat, au service de la population du Canada. Merci.

Le sénateur Patterson : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour exprimer les inquiétudes que je sais que de nombreux sénateurs ressentent. J’ai toujours dit que le Sénat fait son meilleur travail en comité. Cependant, notre bon travail est entravé par la poursuite des séances hybrides.

C’était là-dessus que portait essentiellement ma question de la semaine dernière au sénateur Marwah. Je suis sûr que de nombreux comités directeurs ont aussi été contrariés par le manque de ressources, qui limite considérablement leur calendrier des travaux et des séances.

J’ai le privilège de faire partie de deux comités directeurs, et je sais bien que mes collègues au sein de ces comités partagent ma frustration.

Je sais que la motion à l’étude sera adoptée aujourd’hui. Cependant, pendant que les leaders des divers groupes discutent pour déterminer si nous devrions prolonger les séances hybrides après le 30 avril, j’aimerais faire valoir quelques points importants qui, je l’espère, éclaireront nos réflexions.

Aujourd’hui seulement, 13 comités de la Chambre des communes se réunissent, chers collègues. En revanche, seuls 3 comités du Sénat ont pu faire de même.

Tandis que la Chambre des communes a pu ajouter des réunions et même créer deux nouveaux comités, nous avons de la chance si nous réussissons à avoir une réunion par semaine. Pourquoi la Chambre a-t-elle tellement plus de ressources que le Sénat?

Le premier obstacle auquel nous nous butons, c’est que certaines des ressources essentielles que nous utilisons pendant les réunions de comités ne relèvent pas du Sénat mais de l’autre endroit, avec lequel nous avons un protocole d’entente qui nous permet d’emprunter du personnel, par exemple des opérateurs de cabine de télévision et de système multimédia ainsi que des interprètes.

Selon le syndicat qui représente les interprètes, c’est-à-dire l’Association canadienne des employés professionnels ou ACEP, les capacités en matière d’interprétation sont inférieures de 25 % à ce qu’elles étaient avant la pandémie. Cette baisse est surtout attribuable au stress et aux maladies.

Tant l’ACEP que l’Association internationale des interprètes de conférence demandent un retour à des séances en personne pour la sécurité des interprètes. Malgré tous les efforts déployés, les fortes variations de volume pour ceux qui participent à distance — une situation que nous avons tous expérimentée — ont provoqué des centaines de blessures depuis le début de la pandémie, causant une commotion auditive chez au moins un interprète. J’admets que je n’avais jamais entendu parler de ce type de blessure avant aujourd’hui.

(1700)

Lors d’une réunion du Bureau de régie interne de la Chambre, qui a eu lieu le 3 mars 2022, la présidente-directrice générale du Bureau de la traduction, Lucie Séguin, et le dirigeant principal de l’information de la Chambre, Stéphan Aubé, ont tous les deux réaffirmé que les séances hybrides avaient des répercussions négatives sur les interprètes. M. Aubé a clairement dit que plus il y a de participants présents en personne, moins il y a d’incidents.

Avec le manque d’interprètes, les comités du Sénat se retrouvent en bas de la liste — en vertu du protocole d’entente —, car la Chambre a la priorité. Non seulement cela concerne les interprètes faisant de la traduction simultanée, mais aussi les traducteurs du Bureau de la traduction. Comme nous avons pu le constater dans les comités, cela donne lieu à beaucoup de retards dans la traduction des témoignages et des mémoires, ce qui se répercute sur la capacité de la Bibliothèque du Parlement à fournir les notes d’information et les rapports dans les temps. À tel point que les comités doivent maintenant observer un nombre limite de mots dans les mémoires, ce qui me semble particulièrement injuste envers les témoins qui doivent désormais condenser leurs mémoires au détriment de leur important témoignage en comité.

Le délai accru de traduction des transcriptions et des mémoires est inacceptable. Cela a pour conséquence de faire attendre les sénateurs beaucoup trop longtemps pour recevoir des renseignements essentiels, en particulier en ce qui concerne l’étude d’un projet de loi, ou de forcer les sénateurs à accepter un mémoire même s’il n’est disponible que dans sa langue d’origine pour qu’il puisse être considéré comme faisant partie des témoignages reçus. Dans certains cas, il faut des jours avant de recevoir la version traduite. Chers collègues, cela constitue une atteinte au droit de chaque sénateur de s’acquitter de ses fonctions dans la langue officielle de son choix.

Mettons de côté momentanément les problèmes liés à la traduction. En examinant le document Rapport annuel : activités et dépenses des comités du Sénat 2020-2021, j’ai été estomaqué de découvrir les économies que le mode de séance hybride a permis aux comités de réaliser.

Alors que, déjà, nous avions l’habitude de payer jusqu’à 5 000 $ pour que des témoins puissent comparaître par téléconférence, ce qui, souvent, nécessite de louer un studio, nous avons découvert Zoom comme moyen pour les témoins de comparaître à distance au coût de 100 $ pour un casque d’écoute. La participation à distance nous épargne également la nécessité de payer pour le déplacement, l’hébergement et les frais de séjour des témoins. On estime que cela a permis d’économiser au moins 450 000 $ au cours de la dernière année.

Alors, honorables sénateurs, pourquoi n’utilisons-nous pas cet argent pour embaucher nos propres opérateurs de cabine de télévision et de système multimédia? Pourquoi ne nous servons-nous pas de cet argent pour embaucher plus d’interprètes?

En tout respect, je pense que la réponse donnée la semaine dernière par le président du Comité de la régie interne, l’honorable sénateur Marwah, à la question que j’ai posée sur ce même enjeu — soit le fait que ces services essentiels relèvent de l’autre endroit — était inacceptable.

Le Sénat devrait être maître dans sa maison. Nous devons trouver des façons de nous assurer que le travail important des comités ne soit pas gêné. Nous devons nous assurer que les comités disposent des ressources dont ils ont besoin. À tout le moins, je crois que nous devrions prendre l’argent économisé en raison des comparutions par Internet et des déplacements limités des sénateurs pour nous assurer de financer le personnel sur place requis pour tenir plus d’une réunion par semaine. Nous devons éliminer la limite de deux comités qui peuvent siéger en même temps.

Enfin, chers collègues, je veux parler de l’impact des séances hybrides sur les privilèges des sénateurs. Les problèmes de connexion et les limites de temps strictes font qu’il manque de temps pour les questions et que certains témoins doivent écourter leur présentation et leurs réponses aux questions des sénateurs. Alors qu’il était souvent possible de tenir une deuxième ronde de questions, les sénateurs peuvent aujourd’hui se compter chanceux lorsqu’ils peuvent poser ne serait-ce qu’une seule question.

Lorsque j’ai proposé un amendement au projet de loi C-12, des problèmes de connexion ont fait que je n’ai pas pu présenter tous mes arguments en raison du temps limité du comité. Cela doit cesser.

Si nous voulons prolonger les séances hybrides au-delà de la fin du mois d’avril, j’estime que nous devons nous assurer d’avoir réglé ou d’être en voie de régler les problèmes graves dont j’ai parlé aujourd’hui. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Patterson, la sénatrice Dupuis voudrait vous poser une question. Est-ce que vous acceptez de répondre à une question?

Le sénateur Patterson : Oui.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Merci, sénateur Patterson. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il y a un problème de temps et que les réunions des comités sont problématiques également. Si je comprends bien votre intervention, la cause de ces problèmes est plutôt l’entente de service que le Sénat a conclue avec la Chambre des communes, à qui nous avons concédé la priorité pour tout ce qui concerne les travaux, que ce soit à la Chambre même ou dans ses comités. Nous nous trouvons défavorisés à cause de cette entente. Les problèmes que nous avons à trouver des interprètes et à trouver du temps pour les réunions des comités sont donc causés par cette entente, qui n’est pas en faveur du Sénat, plutôt que par le fait que nous tenons des séances hybrides. Est-ce que je vous ai bien compris?

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre question. Cette entente se situe dans le contexte des séances hybrides et elle nous désavantage en raison des exigences que cela impose au personnel. Je pense que ces débats inspireront le Comité de la régie interne d’utiliser certaines des ressources disponibles grâce aux économies découlant des séances hybrides pour fournir à nos comités les ressources dont ils ont besoin pour continuer à faire leur travail, malgré les limites de l’entente de service conclue avec la Chambre des communes.

Ce que je veux dire, c’est que puisqu’il semble y avoir une certaine volonté de poursuivre les séances hybrides après le mois d’avril, faisons en sorte que nos comités travaillent de façon efficace pour régler ce problème en respectant les ressources du Sénat et sans compter sur l’entente de service. Je vous remercie.

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je serai brève, mais je tiens à ce que mes observations soient consignées officiellement.

Je suis en faveur de la prolongation des séances hybrides jusqu’à la fin avril. Demain, nous serons le 1er avril. Si nous prolongeons les séances hybrides jusqu’à la fin avril, cela nous permettra de faire la transition vers des séances en personne le 1er mai. Je serais favorable à un retour aux séances en personne à partir du 1er mai et à ce que les séances hybrides ne soient pas prolongées au-delà de la fin avril.

Je dois avouer que les séances hybrides présentent un avantage. J’habite dans la région la plus à l’est du pays. Nous n’avons pas de vol direct. La meilleure façon de se rendre à Ottawa, c’est de prendre le vol de 5 h 20, ce qui veut dire qu’il faut se lever à 3 heures. De plus, il est impossible de savoir quand je vais rentrer à la maison, car les vols sont souvent retardés ou annulés. Je connais très bien le Sheraton de l’aéroport de Toronto et le Marriott de Montréal, car les annulations ne me sont pas inconnues.

(1710)

Étant donné que les déplacements sont horribles, les séances hybrides ont présenté un avantage. Cependant, lorsque je regarde le Sénat et notre travail, je pense qu’elles ont eu un impact dévastateur sur le Sénat. Elles ont certainement eu un effet dévastateur sur le Comité des finances. Nous venons de finir d’en parler lorsque nous avons discuté des projets de loi C-15 et C-16. Nous avons maintenant une séance normale par semaine pour le Comité des finances et il en est de même pour le Comité des banques.

Il en faut plus. Comment les membres du Comité des finances peuvent-ils assurer la surveillance des dépenses gouvernementales si leur temps de réunion est si limité? Je pense qu’il faut vraiment revenir aux séances normales.

L’autre problème qui me préoccupe est que j’ai parfois l’impression que nous vivons dans une bulle à Ottawa. Quand on regarde les travailleurs du secteur privé, y compris des membres de ma famille et beaucoup de mes amis, ils reprennent tous leurs horaires de travail habituels. Les employeurs organisent des événements pour saluer le retour de leurs employés. Le gouvernement appuie la relance de l’économie. Nous ne donnons pas un très bon exemple en continuant à chercher à prolonger les séances hybrides.

C’est l’essentiel de mes observations. Je suis en faveur de prolonger les séances hybrides jusqu’à la fin d’avril, mais je préférerais que nous revenions aux séances normales le 1er mai afin que nous puissions faire notre travail de parlementaires. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable David M. Wells (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, je n’appuie pas cette motion. Comme vous l’avez entendu, il est clair que les travaux du Sénat et des comités sont moins efficaces lorsque nous ne sommes pas physiquement sur place. Je suis en partie d’accord avec les propos de la sénatrice Marshall. Il est pratique d’être chez soi, mais notre travail est ici. Nous savions qu’il en était ainsi lorsque nous avons accepté notre rôle.

La plupart d’entre nous sont vaccinés, ont reçu une dose de rappel et portent un masque. Je ne vois pas comment le Sénat peut être plus dangereux qu’un supermarché, une école ou un aréna, où des milliers de personnes se rassemblent sans masque, sans distanciation et sans exigences vaccinales.

Chers collègues, cela fait deux ans qu’on nous dit qu’il faut faire confiance à la science et écouter les experts. La sénatrice Cordy nous demande maintenant de ne pas écouter les experts qui ont dit aux décideurs politiques que les restrictions n’auront aucun effet, mais d’écouter plutôt la Chambre des communes, ce que je trouve encore plus déconcertant. Cela défie la logique, le bon sens et les saines pratiques que nous devrions mettre en place ici, au Sénat.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : C’est avec plaisir que j’ajouterai mon petit grain de sel au débat sur cette motion. Je prends donc la parole pour partager les raisons pour lesquelles je m’opposerai à la présente motion, laquelle a comme principal objectif de prolonger les séances du Sénat en mode hybride jusqu’à la fin avril. Comme je l’ai entendu dans certains discours, je suis convaincu que la prochaine étape sera de prolonger le mode hybride jusqu’à la fin juin ou peut-être même jusqu’à l’automne.

Partout en Amérique du Nord et dans la majorité des provinces canadiennes, le déconfinement a commencé et la vie reprend son cours normal. Nous constatons les conséquences des décisions du gouvernement fédéral d’avoir fermé l’économie canadienne et même d’avoir imposé des restrictions à la société dans son ensemble. Sur la Colline du Parlement, nous sommes une des dernières organisations à résister au retour à la vie normale. Cette réclusion n’a aucun fondement scientifique ou médical.

On assiste même à des contradictions qui défont tout argument à maintenir et à prolonger de manière hybride les travaux parlementaires. Si vos bureaux se situent par exemple à l’édifice Chambers, le port du masque n’est pas requis. Par contre, si vous êtes à l’édifice Victoria, le port du masque est obligatoire. Y a-t-il des preuves scientifiques qui sous-tendent cette décision? Je n’en vois aucune.

Un autre exemple qui démontre le caractère illogique de la situation, c’est que si vous fréquentez le Tim Hortons sur la rue Sparks, le masque n’est pas obligatoire pour aller chercher votre commande. Par contre, si vous allez à la cafétéria de l’édifice Wellington, le masque est obligatoire. Une fois de plus, où est la science dans tout cela?

Ce dôme que je qualifierais d’aseptisé que nous maintenons sur la Colline est symptomatique du jugement du public à notre égard, car il donne l’impression que nous n’appartenons pas à la même réalité que M. et Mme Tout-le-Monde. À quelques kilomètres du Parlement, le Centre Canadian Tire accueille plus de 20 000 personnes qui n’ont pas l’obligation de porter le masque, alors que nous, les parlementaires, nous maintenons des critères de distanciation qui n’ont plus aucun rapport avec la réalité actuelle.

Les pires conséquences du maintien de ce Parlement hybride sont l’inefficacité qui s’incruste dans notre institution sénatoriale depuis des mois ainsi que la superficialité de nos travaux à cause du peu de temps dont nous disposons pour adopter des projets de loi importants. Cela n’apporte rien de positif pour contrer le cynisme que manifeste la population canadienne quant à la raison d’être et à la nécessité du Sénat du Canada.

Nos sessions hybrides nécessitent deux fois plus de ressources afin de maintenir adéquatement les deux formes de présences et limitent la durée des réunions des comités, ce qui nous rend inefficaces et perpétue l’image publique de l’inutilité des travaux du Sénat.

Je pense au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qui ne peut se réunir plus de deux heures par semaine, comparativement aux six heures dont il disposait auparavant. À la vitesse dont les travaux se font actuellement et compte tenu de la charge de travail considérable de ce comité, nous laisserons en plan encore une fois des projets de loi très importants lorsque les prochaines élections se tiendront dans trois ans.

Dans le cas de certains projets de loi, il s’agit d’une question de vie ou de mort. Je fais référence à mon projet de loi sur la violence conjugale. Alors que plusieurs pays adoptent des mesures pour sauver la vie de femmes violentées, ici, nous réfléchissons sur la manière dont nous allons gérer les travaux du Sénat. Décidément, nous avons une mauvaise définition du mot « priorité ».

Le sénateur Gold ne m’a pas convaincu du bien-fondé de l’initiative visant à maintenir nos séances en mode hybride. Il m’a plutôt convaincu qu’il est le fidèle messager de ce gouvernement qui, lui, depuis plusieurs mois, emploie tous les moyens pour éviter que la démocratie qui est à la base de notre système politique reprenne vie comme il se doit sur la Colline du Parlement, pour le bien et dans le respect de toute la population canadienne.

Le danger de cette motion, c’est qu’après le 30 avril, nous trouverons encore des excuses pour maintenir cette Chambre en mode hybride et nous perpétuerons le modèle de travail inacceptable des deux dernières années. Nous sommes une institution qui coûte près de 100 millions de dollars par année aux contribuables de ce pays, dont plusieurs ont de la difficulté à joindre les deux bouts et font face à une inflation inquiétante sans pouvoir y faire quoi que ce soit.

Chers collègues, nous sommes plus que privilégiés d’occuper la fonction de sénateurs et notre charge de travail au cours des deux dernières années a été allégée puisque nous n’avions pas l’obligation d’être en présentiel au travail. Cette situation doit cesser rapidement et nous devons reprendre une cadence de travail digne de notre fonction pour produire les résultats que les Canadiens et Canadiennes attendent de chacun d’entre nous et de notre institution.

Honorables sénateurs, j’ai toujours été présent au Sénat depuis deux ans. Je n’ai jamais senti que ma santé était en danger, et encore moins aujourd’hui, alors que les taux de mortalité et d’hospitalisation sont à leur plus bas. Je sais que quelques-uns d’entre vous pourraient avoir des contraintes médicales qui les empêcheraient d’être présents. Pour cette raison, je crois que les absences doivent être des exceptions et être autorisées à l’avance, comme avant 2020.

Je voterai contre cette motion, parce que les contribuables canadiens nous le demandent et sont en droit de le faire. J’ai un profond respect pour ces derniers et je prends mes fonctions à cœur, depuis ma nomination en 2010. Je m’attends à ce que chacun de nous fasse de même.

Je conclurai mes propos en affirmant que nous tenons tous et toutes à ce que cette Chambre gagne en crédibilité dans l’esprit de la population canadienne, et je sais que vous faites tout votre possible pour y arriver. La prochaine mesure à prendre, c’est de revenir en mode présentiel dès la semaine prochaine. Merci.

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’exprimer mon point de vue sur la motion gouvernementale visant à prolonger la durée du fonctionnement du Sénat de façon hybride.

Le 13 mars 2022, nous avons entamé la troisième année d’une pandémie dévastatrice et meurtrière. Toutes les sociétés du monde ont été bousculées et fortement secouées par les ravages de la pandémie de COVID-19.

(1720)

Le Canada n’a pas fait exception, et notre système de santé a été lourdement hypothéqué par la prolifération fulgurante du virus. Je veux d’ailleurs rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui, jour après jour, ont accueilli puis soigné des milliers de Canadiens qui avaient besoin de soins urgents et essentiels. Notre système de santé a craqué, mais n’a pas cédé grâce au dévouement de ces travailleurs et travailleuses de la santé, pour qui j’ai le plus grand des respects.

Malheureusement, chers collègues, il y a un autre système qui a été mis à mal durant cette pandémie, et c’est notre système démocratique.

[Traduction]

Le Parlement a été réduit à sa plus simple expression depuis le début de la pandémie, et ce, au détriment de la démocratie, malheureusement. En toute honnêteté, je crois que le ralentissement de la fonction première du Parlement a bien servi le premier ministre Trudeau. M. Trudeau aime gouverner par décret.

[Français]

On dit souvent qu’une image vaut mille mots. L’Economist Intelligence Unit, une firme de recherche et d’analyse stratégique, publie chaque année un document sur la position des principaux pays du monde sur le plan de la santé de la démocratie. L’indice de démocratie est basé sur 60 indicateurs, qui sont regroupés en cinq catégories : processus électoral et pluralisme, libertés civiles, fonctionnement du gouvernement, participation politique et culture politique. La note, sur une échelle de zéro à dix, correspond à la moyenne des notes obtenues dans ces cinq catégories. Les pays sont ensuite classés en quatre types de régimes, en fonction de la moyenne de leur note : les démocraties pleines, les démocraties défaillantes, les régimes hybrides et les régimes autoritaires.

Le Canada a toujours fait bonne figure dans ce palmarès, se situant généralement en septième, en sixième ou même en cinquième position, ce qui est fort enviable et reflète bien le fait que nos traditions démocratiques sont solidement ancrées. Or, en 2021, le Canada est passé de la cinquième à la douzième position. De toute évidence, cette chute importante s’explique par les nombreuses approches autoritaires et antidémocratiques du gouvernement Trudeau.

Ce repli est inquiétant, estime Andrew Potter, professeur agrégé à l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill. Comment M. Potter explique-t-il cette détérioration? Je le cite :

Ce qui s’est produit au cours des deux dernières années, c’est que le premier ministre a essentiellement fermé le Parlement pendant une longue période et a tenu à limiter l’opposition autant qu’il le pouvait [...] La Chambre a siégé pendant un nombre de jours historiquement bas [...]

M. Potter poursuit en affirmant ce qui suit, et je cite :

Lorsque ceux qui sont en désaccord avec les décisions du gouvernement ne peuvent plus s’exprimer dans le cadre prévu, ils vont chercher d’autres moyens de se faire entendre, dans la rue si nécessaire. En prenant la décision d’éliminer l’expression de l’opposition à l’intérieur des institutions, M. Trudeau est donc « directement responsable de ce qui arrive [...] Son attitude envers le Parlement a été méprisante et dédaigneuse [...] Ce qui se passe actuellement dans les rues d’Ottawa en est, dans une large mesure, une conséquence directe. Quand les gens sentent qu’on ignore leur opinion ou qu’on la méprise, cela risque d’engendrer de la colère. »

Il conclut en disant ceci, et je cite :

Si vous vouliez délibérément faire du Canada un pays moins démocratique, il serait difficile de faire autre chose que ce que le premier ministre a fait au cours des deux dernières années.

Lors de l’occupation de la Colline du Parlement en janvier et février dernier, le gouvernement a utilisé la Loi sur les mesures d’urgence pour saisir les comptes bancaires des manifestants afin de les forcer à quitter les lieux, contrevenant expressément à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège les citoyens des saisies abusives. La vice-première ministre l’a elle-même reconnu quelques jours après que la Loi sur les mesures d’urgence a été levée. C’est scandaleux et contraire à une démocratie qui se respecte et surtout, qui respecte ses citoyennes et ses citoyens. Je vous donne un autre exemple du mépris de la démocratie.

En pleine pandémie, M. Trudeau a déclenché des élections dont personne ne voulait pour, a-t-il dit, faire face à l’urgence pandémique. Après 612 millions de dollars jetés aux ordures pour tenir ces élections, et avec un résultat presque identique à l’ancien Parlement, M. Trudeau a attendu deux mois avant de convoquer le nouveau le Parlement. Se trouvant de nouveau à la tête d’un gouvernement minoritaire, M. Trudeau a fait fi de la volonté populaire, sorti son chéquier et scellé une alliance avec le NPD, afin de pouvoir diriger le pays comme un gouvernement majoritaire. Bien malin celui qui pourra nous dire combien de milliards de dollars cette alliance politique et antidémocratique coûtera au Trésor public.

Pour le bon plaisir du premier ministre, mais surtout pour le garder bien en selle pour les trois prochaines années, on va continuer d’allonger des milliards de dollars, en faisant, de façon complètement scandaleuse et irresponsable, gonfler la dette du Canada, qui se trouve déjà à des sommets stratosphériques.

Que dire maintenant du programme législatif du gouvernement? Il est décousu et difficilement prévisible. Le gouvernement envoie au Sénat des projets de loi à la dernière minute avec la mention « très très urgent » parce que, semble-t-il, on manque de temps ou parce qu’on ne prend pas le temps. À plus d’une reprise, des sénateurs de tous les groupes se sont sentis bousculés et peu respectés par l’approche du gouvernement. L’étude en séances hybrides des projets de loi par les comités est souvent très pénible en raison de la technologie parfois défaillante et du fait que les interactions entre les sénateurs sont réduites, elles aussi, à leur plus simple expression. Cette façon de fonctionner doit cesser au plus tôt, afin que revive enfin réellement notre démocratie, pivot essentiel de notre société.

Honorables sénateurs, alors que le premier ministre se promène aux quatre coins du monde en se drapant du symbole de la colombe et de la paix, on peut conclure qu’il a laissé la démocratie de son pays de plus en plus en lambeaux, et j’en suis profondément attristé et scandalisé.

Le Canada mérite vraiment mieux que cela.

Merci, honorables sénateurs, de m’avoir écouté.

[Traduction]

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Je prends la parole aujourd’hui pour parler de la motion sur les séances hybrides.

Vous ne serez pas surpris d’entendre que je ne suis pas un partisan des séances hybrides. À mon avis et selon mon expérience, les lourdes responsabilités qui ont été imposées aux sénateurs nous obligent à nous réunir en cette enceinte et à être présents dans la Cité parlementaire.

Le travail de parlementaire n’est pas un travail qui se fait à distance. S’il est prix au sérieux, il exige de faire du réseautage, d’établir des relations, de promouvoir la collégialité, de développer la confiance et, bien sûr, de rencontrer les parties prenantes. Il faut établir des liens avec d’autres parlementaires, le personnel et le public dans des contextes officiels et non officiels.

Je reconnais qu’il y a beaucoup d’emplois et de professions qui peuvent, peut-être, se pratiquer à distance, mais je reste convaincu que le travail de parlementaire n’en fait pas partie. Ce n’est pas une fonction qui peut être correctement assumée à partir de son salon ou de son bureau à domicile.

Néanmoins, je reconnais que la période exceptionnelle que nous vivons a parfois nécessité des mesures exceptionnelles. Cependant, à l’heure où de plus en plus d’administrations continuent de lever les diverses mesures mises en place pour faire face à la pandémie, il est temps que le Sénat du Canada suive cette voie.

Il est parfaitement indiqué, et, selon moi, il nous incombe de définir un plan pour poursuivre nos travaux sans les contraintes imposées par la pandémie. Cela inclut la nécessité de mettre fin aux séances hybrides le plus rapidement possible.

La motion demande que les dispositions de l’ordre du 25 novembre 2021 concernant les séances hybrides du Sénat et des comités, et d’autres questions, soient prolongées jusqu’à la fin de la journée le 30 avril 2022.

Cette demande est le fruit d’un compromis, je crois. Je me demande toutefois si elle tient compte des connaissances scientifiques et de la réalité actuelles.

Comme je l’ai déjà dit, des responsables de la santé d’un bout à l’autre du pays ainsi qu’à l’échelon fédéral ont commencé, il y a déjà un certain temps, à approuver la levée des obligations liées à la COVID. En réponse, les provinces ont commencé à éliminer les obligations liées aux vaccins et aux masques, les règles de distanciation physique et les plans de sécurité concernant la COVID. C’est notamment le cas du passeport vaccinal, qui n’est plus requis dans la plupart des régions.

À compter du 1er avril, les Canadiens n’auront pas à fournir de test pour pouvoir voyager. Précisons que les obligations liées à la COVID sont maintenues dans le cas des populations vulnérables, par exemple dans les établissements de soins de longue durée, les maisons de retraite, les refuges et ainsi de suite. Dans les autres contextes, toutefois, elles disparaissent graduellement dans l’ensemble du pays.

Sauf, bien entendu, ici dans la Cité parlementaire. Ici, les règles sont différentes. Apparemment, comparativement à la situation dans la Cité parlementaire, le virus de la COVID est un risque moindre dans les immeubles privés ou appartenant aux gouvernements provinciaux, mais il est toujours un risque dans les immeubles fédéraux, comme le Sénat du Canada. Il semble que la COVID est particulièrement endémique et dangereuse au Sénat du Canada. Pour ceux qui travaillent dans un immeuble privé où le Sénat est locataire, dont le 40, rue Elgin, le 90, rue Sparks, le 56, rue Sparks et le 60, rue Queen, le port du masque est maintenant facultatif et n’est pas exigé dans les aires communes comme les ascenseurs, les halls d’entrée et les stationnements souterrains.

Cependant, cela ne s’applique pas aux locaux appartenant à la Couronne, comme l’édifice de l’Est, l’édifice Victoria, l’Édifice national de la presse, le 1, rue Wellington et l’édifice du Sénat du Canada. Dans ces immeubles, les directives de santé et de sécurité pour les lieux de travail du Sénat restent en vigueur, et le port du masque est encore exigé. Ici, dans la salle du Sénat, il faut porter le masque sauf lorsque l’on parle; pourtant, jusqu’à 21 000 amateurs de hockey sans masque ont pu assister au match entre les Canadiens de Montréal et les Maple Leafs de Toronto au Centre Bell la fin de semaine dernière. Je suppose que la COVID ne circule pas bien à un match de hockey, Dieu merci. On joue beaucoup au hockey dans ce pays.

Les changements aux mesures de santé publique dans les provinces et les municipalités semblent être motivés par les meilleures données scientifiques à notre portée.

(1730)

Sur quoi les politiques et les procédures du Sénat reposent-elles? Pourquoi les différences sont-elles aussi importantes? Croit-on que le Sénat doit suivre des directives semblables à celles qui s’appliquent aux centres de soins de longue durée? Si c’est le cas, je doute que ce soit l’impression qu’on veuille donner aux Canadiens.

Je suis heureux que la motion comprenne l’engagement :

[...] à considérer une transition vers un retour aux séances en personne dès que possible à la lumière de tous les facteurs pertinents, y compris les lignes directrices en matière de santé publique, ainsi que la sécurité et le bien-être de tout le personnel parlementaire [...]

Cependant, j’ai du mal à comprendre pourquoi on ne commence pas déjà à prendre des décisions à la lumière des facteurs pertinents.

Par exemple, nous savons que nos interprètes ont grandement souffert à cause des séances hybrides. Ce problème a été soulevé au Sénat pas plus tard que la semaine dernière, par les sénateurs Marwah et Patterson.

De plus, les séances hybrides ont considérablement limité la capacité des comités de se réunir et de mener leurs travaux. Auparavant, nous tenions deux réunions par semaine, et maintenant, nous en avons une seulement. Le sénateur Patterson en a parlé de manière fort éloquente dans ses observations.

Il y a aussi des situations comme celle dans laquelle s’est retrouvé le Comité sénatorial permanent des finances nationales, pas plus tard que la semaine dernière. On faisait l’étude à huis clos du rapport de ce comité sur le Budget supplémentaire des dépenses (C). Le comité avait besoin de plus de temps que prévu, mais il lui était impossible de poursuivre sa réunion parce que d’autres comités devaient utiliser les ressources. La seule option consistait à confier les décisions finales au comité directeur, puisqu’il était pratiquement impossible de prévoir une réunion supplémentaire.

Nous faisons donc preuve de négligence lorsque vient le temps d’étudier le Budget des dépenses au cours de la présente législature.

Dans des circonstances normales, le comité aurait envisagé de siéger plus longtemps pour terminer ses travaux, mais c’était impossible. Le format de séance hybride imposait une échéance ferme en raison des ressources limitées. Voilà une façon vraiment inefficace de mener les travaux au nom du peuple canadien.

Chers collègues, quand les séances hybrides ont été proposées, il était entendu qu’il s’agissait d’une mesure temporaire pour répondre à la crise de santé publique. Comme le sénateur Harder l’a dit le 27 juillet 2020 : « la solution hybride est la seule qui permet de respecter les exigences de santé publique des deux Chambres. » Pour cette raison, nous avons accepté les séances hybrides.

Cependant, à l’heure actuelle, ces exigences de santé publique semblent ne plus tenir. Pourtant, nous semblons nous accrocher à l’obligation de tenir des séances hybrides, et je me demande bien pourquoi.

Nul doute que la COVID a nui à la capacité du Sénat de mener ses travaux au cours des deux dernières années et que les séances hybrides ont constitué un compromis permettant d’atténuer ces limites. Cependant, à ce moment-ci, ce n’est pas la COVID qui limite notre capacité de faire notre travail, mais plutôt les séances hybrides elles-mêmes. Je ne vois aucune raison valable de ne pas annuler immédiatement les dispositions qui permettent les séances hybrides, mais je suis disposé à faire un compromis, puisque le Sénat en est friand.

Je cite le dernier paragraphe de la motion :

Que toute prolongation ultérieure de cet ordre ne soit effectuée qu’après consultation avec les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus.

J’espère que ces consultations seront brèves et qu’à moins d’une autre vague d’infections à la COVID, nous conviendrons à l’unanimité qu’aucune prolongation n’est nécessaire et que nous avons tous besoin de revenir au travail.

Honorables sénateurs, en fin de compte, le Parlement a l’obligation de faire preuve de leadership. Au cours des deux dernières années, le Canada a traversé la pandémie de COVID, qui s’est avérée la plus grande crise existentielle de notre époque. Plus de 33 000 Canadiens sont morts. Nous avons dû prendre des mesures draconiennes, mais c’est lors de ces moments de leadership et lors de ces moments de crise que le Sénat a dû monter au front, travailler plus fort que jamais et faire connaître les préoccupations des Canadiens comme jamais auparavant.

En vérité toutefois, nous ne faisions pas ce que les pompiers, les infirmières, les médecins et d’autres professionnels de la santé ont fait pendant les deux dernières années. Nous n’étions pas non plus à la place des camionneurs, des chauffeurs d’Uber et des chauffeurs de taxi, des employés des épiceries ou de ceux qui remplissaient les tablettes dans les pharmacies. Savez-vous ce que ces gens ont fait pendant la crise existentielle? La plupart d’entre eux se sont présentés au travail. La plupart d’entre eux ne le faisaient pas selon un horaire du mardi au jeudi, mais étonnamment, du lundi au vendredi. Bon nombre faisaient des heures supplémentaires, surtout les travailleurs appartenant à certains groupes professionnels, car il y avait une nécessité existentielle d’agir en ces temps de crise.

Savez-vous ce qu’ont fait les dirigeants de ce pays au Parlement du Canada? Nous avons cessé nos activités. Nous avons adopté un mode de travail hybride. Nous avons instauré des séances à distance. La vérité est que la plus grande crise qui menace notre pays, économiquement, depuis les dernières années, avant même l’apparition de la COVID, c’est notre manque de productivité. Cependant, pendant cette crise existentielle, la Chambre haute du Parlement et l’autre endroit se sont réunis moins souvent que jamais auparavant. Nous avons adopté des lois et des motions, et nous n’avons jamais aussi peu travaillé. Nous avons comme jamais ratifié d’office plusieurs centaines de milliards de dollars, tout en y consacrant l’attention la moins rigoureuse de tous les temps. Je dirais donc que nous avons perdu l’occasion, en tant qu’institution, de montrer de façon pertinente aux Canadiens ce que signifie le leadership.

On remet souvent le Sénat en question à cause de son manque de reddition de comptes et de transparence, et parce qu’il s’agit d’une assemblée non élue. Cependant, comme l’a dit Serge Joyal, nous avons manqué, en ce moment de crise, l’occasion de montrer qu’il est plus pertinent que jamais que le Sénat exerce une surveillance, une gouvernance et un leadership. Nous avons failli à la tâche.

La vérité, c’est que nous sommes privilégiés. Nous sommes les Canadiens les plus privilégiés. Nous formons le club le plus exclusif de ce pays, et il en va de notre devoir de montrer aux Canadiens que nous usons de ce privilège avec tout le sérieux qu’il mérite. Or, ce que les Canadiens ont vu, c’est un manque d’égalité. Il y a quelques jours, à Ottawa, ils ont vu le premier ministre monter dans un avion pour aller participer à un sommet en Europe. Au moment de descendre de ce même avion, il ne portait pas de masque.

Donc, le premier ministre devait porter un masque pour embarquer dans l’avion à Ottawa, mais il n’avait pas besoin du masque — qui est resté dans l’avion — pour en descendre une fois arrivé en Europe afin de participer à un sommet. Je pourrais vous donner de nombreux autres exemples, chers collègues. Quand les Canadiens regardent le déroulement des travaux à la Chambre des communes, où tous les parlementaires portent le masque, ils ne comprennent pas pourquoi le masque disparaît lors des réunions des comités. Ils demeurent perplexes devant les images vidéo, captées par une porte entrouverte, de 160 parlementaires assistant sans masque à une réunion de caucus. Les Canadiens en ont marre de toute cette hypocrisie et de ces règles incohérentes qui les rendent dingues.

Il y a quelques semaines, je me suis donc rendu dans une entreprise qui s’appelle Jack Victor à Montréal. Cette entreprise fabrique des vêtements et compte 800 employés. Aucun d’entre eux n’a pris de journée de congé, aucun d’entre eux n’avait la possibilité de travailler à distance, aucun d’entre eux n’a pu demander au ministère des Finances de commander un fauteuil et un bureau confortables pour travailler depuis leur salon.

Ces employés viennent tous les jours, et ce sont eux qui remplissent les caisses du Conseil du Trésor grâce à leurs impôts, afin que nous-mêmes ayons le privilège de venir ici et de travailler pour eux. Pour être honnête, ce sont les gens que je souhaite représenter. Même si je ne suis pas un parlementaire élu, lorsque je visite une usine et que je rencontre 800 employés, je prends le temps d’écouter leurs préoccupations. Laissez-moi vous dire qu’ils en ont de nombreuses, et la COVID est loin d’être la plus importante.

Cette motion donne l’impression que la crise la plus importante au Canada et au Sénat est la COVID, et que nous devons absolument prolonger nos séances hybrides jusqu’à la fin du mois de juin. Bien sûr que nous voulons les prolonger jusqu’à la fin du mois de juin. Qui ne voudrait pas travailler confortablement depuis la maison? Nous avons le privilège et l’occasion de le faire, mais il me semble que nous avons aussi le privilège de montrer l’exemple aux Canadiens, de montrer que nous sommes disposés à répondre aux mêmes exigences qu’on leur impose.

Pourquoi ne sommes-nous pas prêts à faire nous-mêmes ce que nous demandons à ces gens de faire? C’est la question qu’ils se sont posée. Je vous le dis, chers collègues — et je l’ai déjà dit ici et j’en arrive à cette conclusion — la COVID n’est que le prélude d’une crise plus grave qui nous attend. Allez dans vos épiceries. Parlez aux citoyens et écoutez ce qu’ils ont à dire sur le paiement de leurs loyers. Parlez aux mères célibataires qui essaient de nourrir leurs enfants et qui doivent payer quatre fois plus cher pour acheter un rôti aujourd’hui qu’il y a un mois ou deux. Une crise se prépare dans notre pays. De l’agitation et du mécontentement se font sentir chez les Canadiens de la classe moyenne et des milieux défavorisés, et cette institution doit commencer à représenter leur point de vue et à défendre leurs intérêts. C’est la raison pour laquelle, je crois plus que jamais... Nous sommes tous doublement et triplement vaccinés, et la science nous indique que cela nous permet de revenir à une certaine normalité.

Donnons l’exemple. Prenons l’engagement que nous ne dépasserons pas le 30 avril, monsieur le leader du gouvernement. Prenons l’engagement que nous, les membres de cette institution, nous réunirons aussi souvent que nécessaire, que nous travaillerons autant de jours que nécessaire, afin d’offrir la meilleure gouvernance possible aux citoyens. Permettez-moi d’ajouter quelque chose. Nous avons passé les derniers jours — et j’arrive à ma conclusion — à parler de la nécessité de changer les règles et de renvoyer la question au Comité du Règlement pour prévoir une plus grande flexibilité qui nous permettra de faire plus de travail.

Pourquoi ne pas faire preuve de volonté politique? Soyons prêts à être ici plus souvent, à travailler plus d’heures et à siéger plus longtemps que jamais pour nous pencher sur l’ensemble des motions et sur une bonne partie des projets de loi d’initiative parlementaire dont le Sénat est saisi, des projets de loi reflétant les préoccupations d’intervenants de notre pays qui veulent être entendus. C’est ce que nous devons faire.

J’espère donc, chers collègues, que nous accepterons tous ce compromis, mais que, à partir du 30 avril, nous conviendrons qu’il est temps de mettre la main à la pâte et de donner le meilleur de nous-mêmes.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Est-ce que le sénateur Housakos accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Oui, absolument.

(1740)

Le sénateur Carignan : Monsieur le leader de l’opposition, je regardais les photos prises récemment lors de la visite du premier ministre Justin Trudeau en Angleterre, où il a rencontré la reine Elizabeth II. Elle aura 96 ans le 21 avril prochain, sa santé est fragile, personne ne portait de masque et c’était une rencontre d’une assez longue durée.

Pouvez-vous faire un commentaire sur le comportement du premier ministre lors de sa rencontre avec la reine, une rencontre qui s’est faite sans masque, avec une dame fragile, malgré ce qui se passe ici?

Le sénateur Housakos : Merci pour la question, sénateur Carignan.

Ce n’est pas mon opinion qui est importante dans cet enjeu, mais celui de la population canadienne, et j’en ai un exemple parfait. Quand je parle avec les travailleurs dans ma circonscription à Montréal au sujet des actions du gouvernement, ils me posent cette question : comment ça se fait que le premier ministre porte un masque quand il monte dans son avion pour partir à un sommet en Europe et que lorsqu’il arrive là-bas, il retire son masque?

Ce n’est pas juste une rencontre qu’il a avec la reine. Après, il va dans différents restaurants pour faire des rencontres sociales avec d’autres parlementaires et des leaders internationaux, et tout cela, sans porter de masque.

Les gens se posent la question : qu’est-ce qui se passe? Est-ce qu’on a une situation où il y a des règles pour les gens privilégiés et d’autres règles pour monsieur Tout-le-Monde?

C’est la raison de cette frustration que l’on voit aujourd’hui dans notre société, qui s’explique par le comportement de notre premier ministre et des leaders du Parlement en général.

L’honorable Éric Forest : Est-ce que le sénateur Housakos accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Oui, absolument.

Le sénateur Forest : J’ai cru déceler dans votre discours, au-delà de vos remarques sur les voyages du premier ministre, la volonté que nous soyons plus efficaces dans nos travaux.

Ne pensez-vous pas qu’une fois que nous serons revenus en mode présentiel, ou même pendant la tenue de nos séances hybrides, on pourrait essayer de raccourcir les minutes pendant lesquelles la sonnerie retentit? Au lieu d’une durée de 60 minutes, la sonnerie pourrait être de 15 minutes et on gagnerait 45 minutes par vote. Aussi, le fait de ne pas voir l’horloge ne serait-il pas un moyen d’améliorer l’efficacité du Sénat, au profit des Canadiens et des Canadiennes?

Le sénateur Housakos : Sénateur Forest, il y a toutes sortes de façons d’améliorer l’efficacité du Sénat. Les cloches, c’est une tradition tout à fait normale qui donne la possibilité aux sénateurs de participer au vote. Il y a souvent une cloche de 15 ou 30 minutes ou même de 60 minutes.

Le vrai problème, sénateur, et je pense que vous serez d’accord avec moi, c’est le fait que l’on siège très peu. Il y a peu de Parlements sur la scène internationale qui siègent le nombre de jours où le Sénat du Canada siège.

Si on dit aux Canadiens qu’on ne tient pas tant que ça à faire notre travail et qu’on siège de 90 à 100 jours par année, ils vont commencer à rire de nous.

Encore une fois, si l’on regarde les deux dernières années, malgré le fait que nous avons eu la chance de travailler en séance hybride et virtuellement, le Sénat a établi un record pour ce qui est du petit nombre de jours où il a siégé. Nous avons aussi battu un autre record ces deux dernières années, soit celui du gouvernement qui a fait adopter le moins de projets de loi par le Parlement.

Il y a plusieurs façons d’améliorer la productivité du Sénat. La première, ce serait de venir à Ottawa et de travailler ici, au Parlement.

Le sénateur Forest : Effectivement, il y a plusieurs façons, et il ne faut négliger aucune de ces méthodes, comme la durée de la sonnerie. Si nous sommes vraiment en présentiel, donc sur place, nous n’avons pas besoin d’une cloche d’une heure à se tourner les pouces pour attendre de voter. Il n’y a pas le moindre gain sur le plan de la productivité, alors que chaque décision que nous prenons doit être efficace; êtes-vous d’accord avec cela?

Le sénateur Housakos : Je suis tout à fait d’accord.

La durée de la sonnerie vous préoccupe, mais les sénateurs qui sont ici travaillent en comité, ils rencontrent des intervenants à leur bureau et ils font des rencontres diplomatiques à répétition.

Encore une fois, ce n’est pas la cloche de 60 ou de 30 minutes qui donne la possibilité à tous les sénateurs de venir voter qui est le gros problème. Le plus gros problème pour l’instant, c’est que nous avons un gouvernement qui n’est pas prêt à siéger davantage. Il est toujours prêt à siéger moins et c’est la première chose qu’il faut régler.

[Traduction]

L’honorable Ratna Omidvar : Le sénateur Housakos accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Absolument.

La sénatrice Omidvar : Sénateur Housakos, j’ai réfléchi à votre échange avec le sénateur Carignan au sujet de la reine. Je ne suis pas certaine de la pertinence de la reine dans le présent débat, mais cela m’a rappelé une personne qui était une reine parmi nous, à savoir la sénatrice Forest-Niesing. Comme nous le savons tous, elle est décédée soudainement et tragiquement des suites de la COVID, et c’était là une circonstance particulière.

Nous ne savons pas qui d’autre ici a un problème de santé sous-jacent, car les renseignements médicaux sont privés. Notre groupe est en grande partie formé de personnes âgées. En outre, comme le confirme la science, la probabilité de contracter un virus est plus grande pour une personne âgée, même si elle a été vaccinée.

Je vous demande donc, sénateur Housakos, compte tenu du fait que nous sommes nombreux au Sénat — et cela ne reflète pas l’âge du personnel du Sénat, des pages et des agents des services de sécurité, cela ne reflète que nous —, ne pensez-vous pas qu’il est plus sage et plus sûr de se réunir en mode hybride afin que l’incident tragique que le Sénat a vécu lors du décès de la sénatrice Forest-Niesing ne se reproduise pas?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Housakos : Sénatrice, vous dites qu’il a été prouvé que les personnes âgées risquent davantage de contracter la COVID. Je ne suis pas d’accord. Des études montrent que le virus est plus dangereux pour les personnes d’un certain âge. Cela, j’en conviens.

Toutefois, chez les gens pleinement vaccinés, le risque de maladie grave est beaucoup moindre. Nous le constatons dans les hôpitaux.

De plus, il est possible de prendre toutes sortes de mesures pour protéger les gens, comme nous le faisons dans cette institution et comme cela se fait dans tous les autres lieux de travail.

Tout ce que je dis, c’est qu’il existe un danger inhérent lié à la COVID. Toutes les professions composent avec ce risque quotidiennement : les policiers, les ambulanciers, les médecins, les inhalothérapeutes tels que mon épouse, et j’en passe. Si ces personnes prennent des mesures pour réduire les risques mais continuent d’exercer leur profession, je crois que nous avons la responsabilité de faire de même, de prendre les mesures voulues pour atténuer les risques et pouvoir faire notre travail de manière efficace.

Cela dit, il est inexcusable que nos comités fonctionnent au tiers de leur capacité normale. Il est inexcusable que nous siégions moins de jours depuis deux ans alors que le pays est en crise. Ce que nous avons fait pendant cette crise, parfois légitimement, parfois non, c’est autoriser un record mondial de dépenses en assujettissant ces dépenses au plus faible niveau de surveillance qui soit. Donc, oui, il doit y avoir un juste équilibre.

Cependant, à l’heure actuelle, nous mettons l’accent uniquement sur notre protection au lieu de veiller à ce que nous puissions faire notre travail en toute sécurité. C’est l’opinion générale et la mienne aussi.

Le sénateur Gold : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Absolument. Je n’ai pas l’habitude que ce soit vous qui me posiez des questions et moi qui y réponde. Habituellement, c’est le contraire.

Le sénateur Gold : Vous me pardonnerez le bref préambule à ma question.

D’abord, j’apprécie vos commentaires et ceux de tous les sénateurs qui ont pris part au débat actuel et aux autres débats que nous avons déjà eus, parce qu’un des thèmes qui semblent revenir est celui de l’importance d’avoir à notre disposition le temps et les ressources voulus pour faire le travail pour lequel on nous a nommés — importance que je reconnais également. Sénateur Housakos, j’apprécie particulièrement les commentaires que vous avez faits au sujet de prendre le temps de faire notre travail. Vous avez tout à fait raison. Nous sommes privilégiés et nous pourrions travailler plus fort, surtout dans le contexte du travail important des comités et des contraintes évidentes que font peser les séances hybrides sur la capacité des comités à se réunir aussi régulièrement, fréquemment ou intensément que nous le souhaiterions en d’autres circonstances.

(1750)

Êtes-vous prêts à vous engager, en tant qu’opposition, à approuver toutes les demandes des comités pour la tenue de réunions pendant les semaines de relâche, lorsque davantage de ressources sont disponibles parce que la Chambre ne siège pas et que nous aurions accès à l’ensemble des ressources d’interprétation, entre autres?

Le sénateur Housakos : D’abord et avant tout, je peux m’engager à ce que, en tant que parti de l’opposition, nous soyons aussi disponibles qu’il le faut pour siéger au Sénat et pour faire notre travail. La tradition veut que les comités exercent leurs fonctions au service du comité plénier — encore une fois, c’est une question dont j’ai débattu avec d’autres collègues, en particulier des collègues nommés récemment. C’est de cette façon que le Parlement a toujours fonctionné et nous n’allons pas changer tout le système parlementaire de Westminster dans le but de permettre la mise en place d’un processus qui ne correspond pas à la tradition du Sénat.

Le sénateur Gold : Notre Règlement, qui est bien établi, permet au gouvernement et à l’opposition d’approuver ou de rejeter une demande de séance d’un comité, même si le Sénat est ajourné pendant une période de plus d’une semaine. Les honorables sénateurs sauront que ces demandes ont souvent été rejetées.

J’aimerais savoir si vous convenez, à la lumière des préoccupations légitimes que vous avez soulevées sur l’importance de notre travail, surtout dans les comités, et en tant que leader suppléant de l’opposition, qu’il faudrait approuver ces demandes pour que les comités disposent de plus de temps et de ressources pour faire leur travail.

Le sénateur Housakos : Comme vous le savez, monsieur le leader du gouvernement, ces demandes ont souvent été acceptées dans des circonstances particulières.

Pour répondre à votre question, tout d’abord, votre solution n’aidera pas grand-chose parce que si vous autorisez les comités à se réunir quand nous ne siégeons pas, la plupart des sénateurs ne seront pas ici. Cela constituerait une atteinte à leur privilège. Si nous voulons que ces comités siègent, la solution la plus facile serait de rappeler le Sénat durant les semaines où nous ne siégeons pas. C’est la façon de régler le problème. Êtes-vous prêt à le faire? Êtes-vous prêt à rappeler le Sénat durant les semaines de relâche pour nous permettre d’effectuer le travail supplémentaire requis? Personne ne peut empêcher les comités de se réunir si le Sénat siège.

En outre, si nous éliminons les séances hybrides ou à distance, même si nous autorisons les sénateurs et les comités à se réunir exceptionnellement lorsque nous ne siégeons pas, ils devraient quand même être ici. Pourquoi les sénateurs ne seraient-ils pas ici pendant que les comités se réunissent pour exécuter les travaux du Sénat?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Housakos, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Housakos : Absolument.

L’honorable Marty Deacon : Je remercie le sénateur Housakos et tous les autres sénateurs qui sont intervenus dans ce débat aujourd’hui. Comme quelqu’un l’a dit, un certain nombre de thèmes ont émergé cette semaine.

Je vais retirer le mot « COVID-19 » de la phrase. J’aimerais connaître votre opinion à ce sujet. La semaine dernière, j’ai rencontré des représentants de partenariats d’affaires à Waterloo, c’est-à-dire 60 entreprises qui travaillent ensemble dans la région de Waterloo, et nous avons parlé du milieu de travail, de ce que cela signifiait pour l’avenir et de ce qu’ils vivaient en tant que présidents et PDG. Quelqu’un a fait le commentaire suivant : « Vous, les gens du Sénat, continuerez évidemment à utiliser un format hybride. Je suppose que vous le ferez en raison de l’investissement que vous avez fait et de l’empreinte écologique. » Ils avaient quatre ou cinq raisons différentes qui correspondaient à leurs expériences et qui expliquaient pourquoi ils continueront à utiliser ce format.

Dans le cadre de vos interactions avec des gens d’affaires et d’autres intervenants, je me demande si vous avez également eu de telles conversations.

Le sénateur Housakos : Merci, sénatrice Deacon. C’est une très bonne question. J’en ai discuté récemment avec la sénatrice Seidman.

Au début de la pandémie de COVID-19, de nombreux conseillers en gestion en sont venus à la conclusion que l’importance du travail sur place commencerait à diminuer parce que les cabinets de droit et les entreprises constataient le côté pratique du travail à distance et le temps économisé en transport entre le travail et la maison, ainsi que la réduction des frais généraux et des espaces de bureaux non utilisés. Il s’avère, après deux ans, que beaucoup de chefs et de conseillers d’entreprise, particulièrement aux États-Unis, en examinant la situation, ont constaté que la productivité commence à baisser à un point tel que les entreprises, même si elles avaient initialement prévu de ramener leurs employés au bureau dans une structure réduite, concluent que cette option n’est pas efficiente, car les niveaux de productivités ont chuté radicalement.

Bien sûr, le Sénat en est un exemple concret. Notre niveau de productivité pour ce qui est des études, des travaux en comité, du rendement et de la surveillance a considérablement diminué, mais les économies se sont révélées minimes.

La sénatrice M. Deacon : Il sera intéressant de surveiller, au cours des prochains mois, nos diverses tables, en particulier en ce qui a trait — comme vous l’avez dit — à l’efficacité des travaux en personne au Sénat par rapport à celle des travaux en mode virtuel. Ce sont les éléments au sujet desquels nous devrons continuer de débattre. Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Housakos, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Oui.

Le sénateur Carignan : Est-ce que vous vous souvenez du serment que vous avez prononcé au Sénat, où vous vous êtes engagé à être présent au Parlement lorsque le Parlement serait appelé à siéger?

Le sénateur Housakos : Absolument. Je pense que tout le monde prend cette assermentation très au sérieux. C’est notre première obligation. En tant que sénateurs, nos droits et nos responsabilités sont d’être présents. Comme je l’ai mentionné dans mon discours, le problème en ce moment, c’est que la population, en général, trouve que nous sommes trop privilégiés.

[Traduction]

Le privilège parlementaire est important. Nous tous, qui respectons le système parlementaire de Westminster, savons que, sans le privilège parlementaire, nous perdons un droit fondamental. Toutefois, le privilège parlementaire et les privilèges des sénateurs ne sont pas ce que le public croit qu’ils sont. Le public croit que nous jouissons de bénéfices et d’avantages que 85 % des citoyens canadiens ne pourraient jamais espérer avoir.

[Français]

À partir du moment où la population perçoit le Parlement comme un endroit privilégié, c’est-à-dire que les gens dans cette enceinte ne sont pas obligés de respecter les mêmes règles que le reste de la population, il y a un risque de perdre la confiance des citoyens. Pourtant, les citoyens jouent un rôle important et fondamental dans une démocratie.

[Traduction]

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, j’aimerais vous remercier du fait que vous prenez ce débat au sérieux et que vous consacrez du temps à débattre de ce sujet.

J’aimerais aller bien au-delà de la COVID-19. Le débat s’est énormément concentré sur la COVID, et je suis frappé par le fait qu’en Nouvelle-Écosse, les médecins ont commencé à faire des consultations téléphoniques. Ils ont commencé à renouveler des ordonnances par téléphone. Cela permet de réaliser des économies de temps et d’argent et améliore les soins aux patients. Bien sûr, il arrive qu’ils disent « Non, vous devez venir en personne pour votre consultation », mais, très souvent, une bonne partie du travail peut se faire à distance, par consultation téléphonique.

On en discutait dans cette province depuis 20 ans. Soudainement, avec la COVID-19, c’est devenu une réalité, et les avantages ont été si importants que cette pratique est devenue permanente. La COVID nous a donné une occasion d’innover, de changer et d’améliorer notre façon de faire. Je crois que cela vaut vraiment la peine qu’on s’y attarde.

(1800)

J’aimerais maintenant parler de la plus grande entreprise au Canada, celle qui a été la plus rapide au monde à atteindre 1 milliard de dollars en revenus depuis sa création. Il s’agit de Shopify, dont le modèle d’affaires repose sur le travail à distance en priorité. Si l’on jette un coup d’œil sur ses offres d’emploi, que ce soit en Asie, en Afrique, en Europe, en Amérique du Sud ou en Amérique du Nord, ce sont des emplois à distance pour des postes hautement techniques dans les domaines de la vente et du développement de produits. Cette entreprise a pleinement intégré ce mode de fonctionnement et le PDG affirme que la productivité de l’entreprise continue de croître.

Nous devons examiner cet enjeu sous un angle plus grand et nous demander quelles possibilités nous pourrions tirer d’un mode de fonctionnement hybride avec les ressources appropriées. Je tiens compte des préoccupations du sénateur Patterson relatives au fait que nous n’avons pas consacré suffisamment de ressources au mode hybride parce que nous gérons ce type de fonctionnement un mois à la fois. Nous avons adopté une approche à court terme plutôt qu’une stratégie à long terme pour notre décision dans ce dossier.

Alors que nous soumettons la question à un second examen objectif en y voyant une possibilité que nous pourrions mettre à profit, je souhaite que nous pensions aux avantages éventuels pour ceux d’entre nous qui ont de plus grandes difficultés à voyager que la sénatrice Cordy et moi-même. En effet, nous venons d’Halifax et nous perdons seulement une demi-journée dans chaque direction alors que d’autres sénateurs perdent une journée complète dans chaque direction. C’est beaucoup de temps de déplacement non seulement pour la personne qui voyage, mais aussi pour ceux avec qui nous pourrions vouloir travailler.

J’ai été épaté par les réunions fantastiques que nous avons pu tenir. Nous apprenons à nous connaître et à collaborer efficacement au moyen d’outils de communication virtuelle plutôt qu’en personne. Cette formule nous a offert d’excellentes occasions de discuter de manière officielle et non officielle avec des témoins. Comme vous le savez, il y a quelques semaines, j’ai participé à une discussion avec une entreprise de Toronto qui, par l’entremise de ses activités en Australie, aide le gouvernement australien à transformer sa façon d’utiliser la chaîne de blocs pour la perception des impôts, une méthode qui offre des avantages aux consommateurs, aux détaillants, aux producteurs et au bureau d’impôt. Nous avons fait une entrevue fantastique: une personne était à Adélaïde, une autre à Sydney, un groupe était à Toronto, et les sénateurs de notre groupe participaient de partout au pays.

Nous avons la possibilité de travailler avec des gens auxquels nous n’aurions pas accès autrement. Je crois que si nous commençons à restreindre cet avantage, ce sera à notre détriment.

Pendant ma première année au Sénat, quand je demandais aux sénateurs si je les reverrais la semaine suivante, il arrivait souvent que quelqu’un me réponde que non, parce qu’il avait un rendez-vous médical. Comme vous le savez, dans beaucoup de provinces, on ne peut pas choisir la date et l’heure de nos rendez-vous médicaux. Les sénateurs étaient donc absents du Sénat pendant toute la semaine si leur rendez-vous tombait au milieu de la semaine.

Indépendamment de la COVID, nous tirerions beaucoup d’avantages à continuer de travailler ainsi. Je trouve qu’en grande partie, le débat est purement axé sur la COVID.

Pensons aux occasions d’emploi que nous pourrions offrir à des personnes qui ne vivent pas à Ottawa, qui ne veulent pas ou ne peuvent pas y déménager, et que nous pourrions embaucher au sein de notre personnel. Cela ouvrirait des perspectives formidables. Personnellement, j’en ai profité en embauchant des gens qui n’avaient pas le budget nécessaire pour assumer eux-mêmes les frais de déménagement. En effet, il ne nous est pas permis de payer le déménagement de membres de notre personnel. Mais voilà que, tout à coup, nous constatons que l’on travaille de manière incroyablement efficace à distance.

Quand j’y pense, la question va bien au-delà de la COVID. Il s’agit des avantages que le Sénat peut tirer stratégiquement en tant qu’employeur. Je veux qu’à l’avenir, le Sénat soit un employeur aussi inclusif et compétitif que possible. Je veux voir des candidats pouvoir postuler à un poste de sénateur en dépit du fait qu’ils ont des personnes à charge, âgées ou jeunes, et qu’ils ne peuvent pas se déplacer chaque semaine où le Sénat siège, mais qui veulent quand même consacrer à ce travail le temps et les efforts nécessaires.

Assurément, j’ai trouvé certaines remarques plutôt troublantes, comme celles affirmant que le travail ne s’accomplit pas si nous ne sommes pas présents physiquement au Sénat. À mon sens, cela est un principe de gestion archaïque pour le XXIe siècle. Peu d’employeurs feraient du chemin avec leurs employés s’ils les percevaient de cette manière et s’ils ne considéraient pas les employés avec qui ils travaillent du point de vue de la productivité et s’ils n’évaluaient pas cette productivité en fonction de son mérite plutôt qu’en fonction de la présence physique. J’ai bien peur que ce genre d’attitude puisse limiter le bassin de personnes avec qui nous pourrions travailler à l’avenir.

Il y a tous ces avantages sociaux et d’inclusivité, les avantages relatifs aux déplacements et la capacité d’entendre des témoins qui viennent d’endroits bien différents par rapport à nos travaux dans le passé.

Il faut aussi commencer à tenir compte de notre empreinte carbone. Je suis fier du fait que le Sénat se soit résolument engagé à s’occuper de cette question; ce que nous apprendrons dans le processus nous aidera à faire notre travail beaucoup mieux, car nous en aurons une expérience directe. Notre capacité de dire « ne faites pas ce que nous disons, faites ce que nous faisons » nous aidera à tenir le gouvernement responsable sur un enjeu qu’aucun gouvernement au pays n’a réussi à respecter pour ce qui est des engagements.

Je veux que nous envisagions ce débat comme un enjeu qui dépasse largement la COVID. Je pense qu’il faut saisir cette formidable occasion en tant que leaders parlementaires pour montrer qu’il existe des moyens d’utiliser les nouveaux outils pour devenir un employeur plus innovateur et pour grandement améliorer notre productivité en tant qu’organisation. Envisager cet enjeu seulement à travers le prisme de la COVID, ce serait manquer une superbe occasion.

Merci, Votre Honneur, et chers collègues.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice Bellemare a une question. Sénateur Deacon, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur C. Deacon : Absolument, merci.

L’honorable Diane Bellemare : Reconnaissez-vous que nous avons entendu hier le témoignage de M. Cléroux de la Banque de développement du Canada? En réponse à une question qu’on lui a posée, il a répondu :

Je pense que le télétravail est là pour de bon, parce que l’accueil que lui fait le milieu des affaires a vraiment changé [...] D’abord, beaucoup d’entreprises ont investi dans de la technologie permettant à leurs employés de travailler de la maison. Ensuite, elles ont constaté que la productivité était la même quand les gens font du télétravail.

Je pense que le télétravail est là pour de bon, mais que le modèle deviendra plutôt hybride [...]

Conviendriez-vous qu’il s’agit du témoignage d’hier de M. Cléroux qui a tenu ses propos sur le milieu des affaires?

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup, sénatrice Bellemare. Il s’est montré très passionné par la question et par la transformation qui a eu lieu, ainsi que par le défi que doivent relever de nombreux employeurs à l’égard d’un manque de main-d’œuvre à moins de devenir accommodants.

Si nous voulons que la crème de la crème travaille pour notre organisation, nous devons être un employeur compétitif. Je crois que c’était l’essence de notre discussion d’hier soir au Comité des banques. C’était une discussion importante à mon point de vue, puisqu’elle nous a permis d’aborder la question des talents, qui s’avèrent essentiels au bon fonctionnement d’une organisation. Nous voulons que notre organisation soit en mesure d’attirer les meilleurs talents. Cela fait partie des choses que nous devons envisager en tant qu’organisation dorénavant, au-delà de la COVID. Merci.

(1810)

Le sénateur Housakos : Le sénateur Deacon accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur C. Deacon : Bien sûr.

Le sénateur Housakos : Merci, sénateur Deacon.

Je vais tenter de ramener les discussions sur la motion dont nous sommes saisis. Un autre jour, nous pourrons parler des avantages du travail en mode hybride dans le secteur privé et dans le secteur public. Il peut être utile d’avoir l’opinion d’un PDG d’une société d’État, mais revenons maintenant à la motion à l’étude.

Sénateur Deacon, n’êtes-vous pas d’accord pour dire que dans les deux dernières années, autant du côté des comités que du Sénat, en tenant compte du nombre de dates où nous avons siégé en comparaison à toute autre période de deux ans dans l’histoire du Sénat — nous n’avions jamais étudié si peu de mesures législatives du gouvernement et de projets de loi d’initiative parlementaire que dans ces 24 derniers mois, sans oublier que c’est aussi la période où les comités ont été les moins efficaces —, il y a eu très peu d’avantages au mode hybride pour ce qui est de la productivité au Sénat?

Ma deuxième question n’en est pas vraiment une; je veux simplement rétablir les faits. L’embauche d’employés qui peuvent travailler à distance pour les sénateurs existe depuis très longtemps. Je pense à mes deux premiers conseillers politiques : ils travaillaient respectivement à partir de Vancouver et de Montréal. Cette façon de faire n’est pas nouvelle; elle n’a pas été inventée à la suite de la COVID. Elle existe depuis des dizaines d’années, ce qui permet aux sénateurs d’engager du personnel en utilisant les courriels, Zoom et Microsoft Teams. Il n’a donc jamais été impossible d’embaucher des personnes qui ne peuvent pas travailler à Ottawa pour remplacer quelqu’un ou pour fournir le meilleur personnel de soutien possible aux sénateurs.

Cela dit, je reviens à mon argument précédent. Donnez-moi un quelconque exemple de gain de productivité que le Sénat a obtenu dans les deux dernières années grâce aux séances hybrides.

Le sénateur C. Deacon : Merci, sénateur Housakos.

Je dirais que la façon dont le Sénat a décidé de gérer cette question a plus à voir avec cela qu’avec le recours aux séances hybrides.

Nous avons choisi d’étendre progressivement ce service au lieu de l’adopter. Si nous l’avions adopté, je pense que nous aurions pu réaliser des économies et des gains de productivité. Ce n’est qu’une hypothèse, mais je le crois fermement.

En ce qui concerne le recours aux séances hybrides, je crois que nous ne devrions pas seulement prendre en considération le fait que nous avons été obligés de procéder ainsi dans les deux dernières années à cause de la pandémie de COVID-19. À l’avenir, nous pourrions tirer bien des leçons de notre expérience et en tirer profit au moment de déterminer ce qu’il faut faire et ne pas faire.

Par ailleurs, pour répondre à vos observations sur le personnel, j’aimerais seulement dire que le personnel des bureaux des sénateurs fait partie d’un groupe d’employés du Sénat, mais il y a aussi beaucoup de personnel réparti dans l’ensemble de la région de la capitale nationale. Ces employés se trouvent dans la Cité parlementaire et doivent être présents sur place.

Il y a donc une occasion de trouver d’autres méthodes pour tous ceux qui travaillent au sein de notre organisation. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Deacon, votre temps de parole est écoulé. Deux autres sénateurs voudraient poser des questions.

Souhaitez-vous demander plus de temps?

Le sénateur C. Deacon : Ce serait merveilleux, Votre Honneur, si c’est ce que souhaite le Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement n’est pas accordé.

Le sénateur C. Deacon : Merci, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Français]

Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures)

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures).

L’honorable Claude Carignan : Chers collègues, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-4, dont le titre est Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures).

Dans une présentation donnée le 8 février 2022, Justice Canada a défini l’objectif du projet de loi en disant qu’il vise à soutenir un fonctionnement sécuritaire, efficace et efficient des procédures pénales, afin de :

[…] répondre aux défis engendrés ou exacerbés par la pandémie de COVID-19 auxquels les tribunaux de juridiction criminelle sont confrontés, pour moderniser notre système de justice pénale […]

[Traduction]

Même si j’appuie l’objet du projet de loi, je regrette que le gouvernement ait pris tant de temps pour aller de l’avant avec celui-ci puisqu’il visait à atténuer les répercussions de la pandémie sur le fonctionnement du système de justice. Les tribunaux se sont adaptés rapidement, mais ils ont dû le faire avant que le gouvernement puisse adopter la réforme qu’il propose aujourd’hui pour promouvoir et réglementer l’utilisation d’audioconférences et de vidéoconférences en cour.

[Français]

Rappelons qu’en février 2021, le gouvernement avait présenté le projet de loi C-23, dont le texte est presque identique à celui du projet de loi S-4. Qu’a fait le gouvernement pour faire avancer le projet de loi C-23? Le ministre de la Justice a diffusé un communiqué en février 2021 lorsqu’il a déposé le projet de loi, puis il n’a plus rien fait dans ce dossier jusqu’à ce que le projet de loi meure au Feuilleton en raison des élections déclenchées par le gouvernement.

Pourtant, dans son communiqué de février 2021, Justice Canada reconnaissait l’urgence d’épauler, par une réforme du Code criminel, les tribunaux dans leur transition technologique imposée par la COVID-19, et je cite :

[Traduction]

Les répercussions de la pandémie continue de COVID-19 se font encore sentir dans tout le système de justice pénale, notamment au sein des activités des tribunaux de juridiction criminelle. La pandémie a à la fois créé et amplifié des enjeux et contraintes au sein du système de justice pénale. Les tribunaux de juridiction criminelle du Canada s’adaptent et se modernisent pour relever les défis auxquels ils sont confrontés, mais nombre d’entre eux ne peuvent fonctionner à plein régime, comme avant la pandémie.

Cela dit, je n’appuie pas seulement l’objet du projet de loi S-4. J’appuie aussi sa disposition principale. Je crois, toutefois, qu’il est important que ce projet de loi, qui est très technique, soit renvoyé sans tarder au comité sénatorial pour qu’il l’étudie davantage. Cela nous permettra de répondre à plusieurs questions techniques et de proposer, au besoin, des amendements pour améliorer le libellé du projet de loi.

[Français]

Prenons par exemple les règles du projet de loi favorisant le recours à la vidéoconférence. Elles exigent que l’accusé consente à ce que l’audience se fasse par ce moyen technologique dans le cas d’une enquête préliminaire, d’un procès, d’une audience pour recevoir une réponse à l’accusation, d’une audience de détermination de la peine, toutes des étapes ou des décisions importantes qui sont prises à l’égard de l’accusé.

Cependant, est-ce que le texte actuel du projet de loi S-4 requiert également ce consentement de la part du délinquant dans le cas de l’audience portant sur un manquement à une ordonnance d’emprisonnement dans la collectivité? C’est une audience importante qui a lieu après que la peine a été imposée, mais qui peut avoir des conséquences graves pour le délinquant. En effet, un manquement à une ordonnance d’emprisonnement avec sursis permet au juge d’ordonner que le délinquant passe le reste de sa peine en prison plutôt qu’à la maison, ce qui peut représenter plusieurs mois.

Or, le projet de loi S-4 ne semble pas exiger le consentement du délinquant pour qu’une audience aussi importante ait lieu par visioconférence, plutôt qu’en personne.

Je donne cet exemple pour souligner une notion importante du projet de loi, à laquelle j’adhère et à laquelle adhèrent aussi les avocats de la défense que j’ai consultés avant d’écrire ce discours. Il s’agit de la mesure de sauvegarde proposée dans le projet de loi S-4 qui exige le consentement de l’accusé et du poursuivant pour que les audiences importantes de la procédure criminelle se fassent par vidéo ou audioconférence.

(1820)

Grâce à cette mesure, les avocats des parties sont en mesure d’exiger que ces audiences aient lieu en personne s’ils estiment que cela pourrait nuire à la bonne conduite de leur dossier, à l’équité des procédures ou aux droits constitutionnels de l’accusé.

Ainsi, je comprendrais parfaitement qu’un avocat de la défense exige que l’audience de détermination de la peine ait lieu en personne au tribunal, s’il estimait que cela favoriserait l’échange d’information avec son client.

Il faut se rappeler que chaque cause criminelle est unique. Prenons l’exemple de la personne sans abri qui n’aurait ni adresse fixe ni téléphone cellulaire. En pratique, les avocats qui ont des clients dans cette situation peuvent tirer un avantage important lorsque leur client a l’obligation de se présenter à une date donnée au tribunal. La présence de l’accusé à la cour donne alors à son avocat une occasion, qu’il n’aurait pas eue autrement, de lui parler dans un cubicule pour préparer sa cause ou pour fixer un rendez-vous à son bureau.

En revanche, je peux également concevoir qu’un avocat de la défense juge préférable d’exiger que l’audience n’ait pas lieu par vidéoconférence pour faciliter ses échanges avec un client souffrant d’un grave problème de santé mentale ou de graves difficultés à s’exprimer.

Par ces exemples, je veux illustrer que le projet de loi S-4, bien qu’il favorise le recours à la vidéo ou à l’audioconférence, privilégie une souplesse essentielle dans le déroulement des audiences. Certaines audiences gagneront à se tenir en personne, tandis que d’autres gagneront à se dérouler au moyen de la comparution à distance.

Je pense que de nombreux avocats, tant de la Couronne que de la défense, souhaitent que le projet de loi S-4 les aide concrètement à ne plus attendre physiquement au tribunal pendant des heures pour de courtes audiences. Cela peut arriver, par exemple, lorsqu’un avocat veut demander de reporter la date de son procès, réclamer la modification d’une condition de libération provisoire ou présenter un plaidoyer de culpabilité accompagné d’une suggestion commune entre les parties quant à la peine à imposer. Ce genre d’audience peut prendre quelques minutes, mais, en exigeant une présence physique au tribunal, les avocats et les accusés doivent attendre leur tour dans la file d’attente des dossiers inscrits ce jour-là au tribunal. Le client peut également devoir payer les honoraires de son avocat lorsque ce dernier doit attendre au tribunal.

Certains se demandent peut-être si ces questions sont vraiment importantes. Elles le sont en pratique. Les avocats qui ne perdent pas inutilement leur temps au palais de justice peuvent alors profiter de ces moments pour mieux préparer leurs dossiers à leur bureau, prendre plus de temps pour rencontrer leurs clients et même accepter de s’occuper efficacement de plus de dossiers, au profit de notre système de justice, qui est malheureusement engorgé. Surtout, cela peut représenter une économie importante d’honoraires professionnels engagés pour du temps d’attente non productif à la cour.

Si elle permet d’épargner plusieurs heures d’attente au tribunal, on ne peut sous-estimer les avantages, dans la vraie vie, de la comparution à distance plutôt qu’en personne. Un accusé qui jouit de la présomption d’innocence peut ainsi éviter d’avoir à aviser son patron qu’il doit manquer une journée complète de travail pour répondre à une accusation criminelle. Il peut éviter de perdre son emploi dans certains cas. Un accusé qui serait handicapé ou gravement malade serait heureux de ne pas avoir à se déplacer au tribunal, s’il peut témoigner à partir de la maison ou de l’hôpital.

[Traduction]

Cependant, je crains que, dans certains cas, les modifications proposées dans le projet de loi S-4 soient inapplicables sur le plan pratique. Encore une fois, on n’a qu’à songer à l’exemple du recours à la vidéoconférence. En principe, l’emploi de cette technologie éviterait aux défendeurs et aux avocats des régions éloignées de devoir se déplacer sur de longues distances pour se rendre dans les palais de justice. N’oublions pas que ce n’est pas tout le monde qui possède une voiture ou un permis de conduire.

Cependant, dans nombre de collectivités rurales ou autochtones du Grand Nord, l’accès à une connexion Internet haute vitesse peut être instable ou inexistant. Ces collectivités ne bénéficieraient pas de la possibilité d’utiliser la vidéoconférence qu’offrirait le projet de loi S-4.

[Français]

D’ailleurs, le Protecteur du citoyen du Québec, qui joue le rôle d’ombudsman dans les prisons gérées par le gouvernement du Québec, a dénoncé les graves injustices qu’entraînait, pour les personnes accusées, l’absence de connexion Internet donnant accès à la vidéoconférence dans certaines communautés inuites du Nord-du-Québec.

En 2016, le rapport publié par cet organisme, qui était — je le souligne — présidé à l’époque par notre collègue la sénatrice Raymonde Saint-Germain, dit ce qui suit :

Selon les informations recueillies, la majorité des palais de justice des villages, à l’exception de celui de Kuujjuaq, ne sont pas dotés des équipements, de la technologie, de la bande passante ou du personnel qualifié pour procéder à des comparutions par visioconférence de manière efficace. […]

Devant cette situation, le Protecteur du citoyen estime que des efforts supplémentaires doivent être consentis pour accroître l’utilisation de la visioconférence ou de toute autre technologie adaptée, afin que l’ensemble des étapes préalables au procès, incluant l’enquête pour remise en liberté, soient — sauf exception — tenues à distance et sans transfert inutile.

Autrement dit, l’absence de visioconférence a fait en sorte que des détenus du Nord-du-Québec ont dû prendre l’avion et subir un transfert durant plusieurs jours pour comparaître en personne au palais de justice en Abitibi-Témiscamingue, soit à plus de 1 000 kilomètres au sud de leur lieu de résidence. Est-ce que cette grave injustice existe encore dans ces communautés en 2022? Des témoins pourront répondre à cette question lors de l’étude du projet de loi en comité.

En l’absence d’un financement gouvernemental important pour brancher ces communautés de façon stable à la haute vitesse, les promesses du projet de loi S-4 seront creuses. Leurs habitants n’auront pas l’audioconférence, soit le téléphone, comme solution de rechange à la comparution en personne au palais de justice, car le projet de loi S-4 permet, en créant les articles 715.231 à 715.233 du Code criminel, qu’un procès se tienne par vidéoconférence, mais pas par audioconférence. Sans connexion Internet suffisamment rapide, ces articles de loi ne pourront pas être mis en œuvre dans ces communautés.

Voici une autre question que l’on peut se poser par rapport au projet de loi : est-ce que le fait de tenir virtuellement des audiences en droit criminel réduit vraiment les délais judiciaires? Avant la COVID-19, certains juges étaient réfractaires à l’idée d’entendre des demandes de remise de peine ou des plaidoyers de culpabilité par vidéoconférence. Ces juges disaient aux avocats que c’était plus compliqué pour le tribunal et que les temps d’attente pour se connecter ou pour régler des problèmes techniques retardaient tous les autres dossiers des accusés et des avocats qui attendaient leur tour à la cour.

Il est vrai que chaque minute compte dans les salles de cour, étant donné le volume très important de dossiers qu’il faut traiter dans une journée.

Cela dit, depuis la COVID-19, il faut bien constater que le système de justice a été forcé d’améliorer ses pratiques et, je dirais même, son ouverture en ce qui a trait aux comparutions à distance.

[Traduction]

Un comité sénatorial doit entendre des témoins experts qui pourront expliquer si l’utilisation actuelle des vidéoconférences et des audioconférences dans les différentes régions du Canada permet en général de tenir des audiences en matière criminelle sans occasionner de retards judiciaires. Il convient de noter que, en droit pénal, les pratiques judiciaires varient considérablement d’une région à l’autre. Elles varient parce que l’administration du système de justice pénale relève de la compétence des provinces et aussi parce que les juges ont l’indépendance nécessaire pour adopter différentes règles de pratique selon les différentes régions.

[Français]

L’usage de la technologie permet-il efficacement, dans toutes les régions du Canada, de recourir aux services d’un interprète, d’assurer les échanges confidentiels entre l’avocat et son client, ou encore de produire facilement des éléments de preuve documentaires pendant un procès, lorsque la personne qui les produit n’est pas au tribunal?

Comment s’assurer que la personne qui comparaît au tribunal par audioconférence est bien l’accusé? Comment s’assurer que l’accusé ne se fait pas souffler des réponses derrière son écran ou ne lit pas un texte lorsqu’il témoigne par visioconférence? Est-il arrivé en pratique qu’un accusé qui a omis de comparaître à distance, parce qu’il a un problème technique ou un problème de connexion sans que le juge le sache, s’est vu délivrer un mandat d’arrestation contre lui pour défaut de comparaître?

Les sénateurs ont besoin de ces informations pour évaluer si, en pratique, les mesures contenues dans le projet de loi S-4 permettront véritablement d’atteindre son objectif, qui est d’améliorer, de clarifier et d’harmoniser, partout au pays, le recours à la vidéo et à l’audioconférence en matière criminelle, tout en préservant l’équité des procédures et l’efficacité de l’administration de la justice.

(1830)

[Traduction]

J’appuie l’objectif du projet de loi S-4, mais je ne serais pas surpris si les témoins au comité sénatorial recommandaient des amendements techniques visant à l’affiner dans le but de mieux répondre aux problèmes observés en pratique.

[Français]

Il y a un autre élément à surveiller pour faire suite à l’étude du projet de loi : nous devons également nous demander si le fait de favoriser le recours à la vidéo ou à l’audioconférence ne risque pas de limiter en pratique l’accès du public aux procès et aux audiences publiques en droit criminel. Le caractère public des procès est reconnu aux alinéas 2b) et 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Toutefois, dans son rapport publié en février 2021, l’Association du Barreau canadien a exprimé une crainte en indiquant ce qui suit :

L’émergence des procédures en ligne peut avoir pour conséquence d’entraver l’accès du grand public et des médias aux audiences.

C’est une crainte qui sous-tend un principe très important. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada en 1996 dans l’arrêt Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général) :

Le principe de la publicité des débats en justice est inextricablement lié aux droits garantis à l’al. 2b). Grâce à ce principe, le public a accès à l’information concernant les tribunaux, ce qui lui permet ensuite de discuter des pratiques des tribunaux et des procédures qui s’y déroulent, et d’émettre des opinions et des critiques à cet égard.

[Traduction]

Je vais conclure en parlant brièvement d’une autre mesure importante proposée dans le projet de loi, c’est-à-dire l’assouplissement des règles pour l’obtention d’un télémandat. À ceux qui se demandent ce qu’est un télémandat, il s’agit d’une procédure qui permet à un policier de demander un mandat d’arrêt ou de perquisition sans avoir à aller au palais de justice pour demander un mandat en comparaissant devant un juge.

[Français]

Actuellement, le Code criminel impose une condition pour obtenir un télémandat. Le policier doit démontrer qu’il serait peu commode de se présenter en personne devant un juge pour lui demander de lui délivrer un mandat.

Certains peuvent croire que l’élimination de cette exigence pourrait diminuer la protection d’une personne contre les perquisitions et les saisies abusives, qui est un droit protégé par l’article 8 de la Charte. Des professeurs de droit pourront certainement renseigner le comité sénatorial à ce sujet. Pour ma part, je crois, à première vue, que l’élimination de cette exigence augmenterait plutôt que de diminuer la protection à la vie privée des Canadiens.

La procédure visant à obtenir un télémandat exige du policier qu’il prouve au juge que des renseignements recueillis pendant l’enquête soutiennent qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et qu’un mandat permettrait de recueillir des éléments de preuve en lien avec cette infraction. Ce critère rigoureux est le même pour obtenir un mandat lorsque la demande est présentée par le policier dans le bureau du juge plutôt que par voie électronique.

Dans ce contexte, j’estime que le projet de loi S-4 pourrait avoir comme effet positif de réduire les perquisitions sans mandat, car les policiers pourraient réclamer plus facilement des télémandats. L’avantage sera alors qu’il y aura plus de dossiers pour lesquels les juges devront évaluer si les policiers ont des motifs suffisants, sans lesquels une perquisition ne peut être autorisée.

L’Association des avocats de la défense de Montréal — Laval — Longueuil (AADM) semble du même avis. Ses représentants m’ont écrit qu’ils estiment que le projet de loi S-4 présente « une mise en balance adéquate des impératifs de protection de vie privée et la simplification des demandes » de mandats par voie électronique, dans la mesure où le projet de loi S-4 maintient les critères rigoureux dans l’obtention des mandats.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à appuyer ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture et à le renvoyer au comité sénatorial pour qu’il puisse l’étudier et faire les recommandations appropriées au Sénat.

[Traduction]

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je voudrais exprimer ma reconnaissance au sénateur Dalphond, le parrain de ce projet de loi, pour la façon dont il a clairement exposé ses principales dispositions et pour avoir insisté pour que ce projet de loi soit renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles afin d’y être étudié plus en profondeur.

Le sénateur Dalphond a clairement exposé les principales dispositions du projet de loi et a indiqué qu’étant donné que ce projet de loi n’est pas une mesure financière et qu’il a été présenté en premier au Sénat, nous sommes libres d’y apporter des amendements au besoin. Nous n’aurions pas cette liberté si ce projet de loi avait d’abord été présenté à l’autre endroit. Je suis d’avis qu’il est judicieux de présenter des projets de loi du gouvernement au Sénat pour un gouvernement qui dit vouloir de judicieux conseils et des critiques constructives de la part du Sénat sur ses textes législatifs, mais qui nous donne souvent trop peu de temps pour réaliser cette importante mission. Il est profitable pour tous les Canadiens que les textes législatifs soient étudiés dans une ambiance moins partisane que celle qui règne à l’autre endroit.

Je voulais parler de ce projet de loi car — comme le dit le sénateur Dalphond — ce texte vise à rendre le système judiciaire plus efficace grâce aux technologies existantes. Nul autre endroit au pays n’est peut-être plus touché par les grandes difficultés inhérentes à l’éloignement, au climat extrême et au transport aérien que les 25 collectivités isolées du Nunavut qui ne sont pas reliées au réseau routier, dans le plus grand territoire du Canada.

Dans sa première version, le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes à cause de la COVID‑19, en partie du moins. L’objectif était de minimiser le plus possible les contacts entre les personnes dans le système de justice. La Cour de justice du Nunavut, par la force des choses, a toujours été à l’avant-garde des essais pour optimiser la technologie afin de faciliter les comparutions à distance en raison de l’immense étendue du territoire et des coûts faramineux associés aux déplacements d’une région éloignée à l’autre, lesquelles sont réparties sur trois fuseaux horaires dans une superficie qui correspond au cinquième du territoire du Canada.

La Cour de justice du Nunavut est en fait une cour de circuit. La cour se déplace à toutes les communautés du Nunavut, plusieurs fois par année, afin d’offrir aux Nunavummiuts un accès véritable à la justice à proximité de leur lieu de résidence. Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, depuis longtemps, des gens se déplacent pour apporter la justice dans les communautés, à commencer par les légendaires juges Sissons et Morrow, qui s’y rendaient en avion. En tant qu’avocat de l’aide juridique, j’ai eu le privilège de voyager en compagnie du juge Morrow. Cette tradition est encore respectée de nos jours, notamment pour les juges, les avocats, les procureurs et les greffiers de la cour qui se déplacent courageusement dans des conditions météorologiques difficiles dans de petits avions pour apporter la justice dans les diverses communautés.

Certains observateurs du système de justice du Nunavut craignent que la capacité des technologies de faciliter les comparutions à distance puisse avoir comme conséquence imprévue de diminuer la confiance du public dans l’administration de la justice au Nunavut si le public considère que la cour est seulement une institution d’Iqaluit ou du Sud. Il est essentiel que les avocats soient sur le terrain pour rencontrer leurs clients ayant des affaires en instance devant le tribunal et nouer des relations avec eux.

Au Nunavut, où des confinements stricts et des restrictions rigoureuses sur les déplacements entre localités ont été imposés par les autorités de santé publique, la COVID a révélé à quel point les technologies peuvent aider les tribunaux à poursuivre leurs activités quand des comparutions en personne sont impossibles, ce qui a été vraiment important durant la pandémie. De plus, accroître les moyens de comparaître devant les tribunaux sans engager des frais de déplacement élevés, comme le permet ce projet de loi, comporte des avantages évidents.

Cependant, une enquête préliminaire menée auprès de personnes travaillant dans le système de justice pénale au Nunavut laisse entendre que, malgré l’efficacité des mécanismes prévus dans le projet de loi, il faut les appuyer avec circonspection. On m’a fait comprendre que, même si ces technologies sont vraiment bonnes — ou pourraient l’être —, elles ne devraient pas remplacer les comparutions en personne quand ces dernières sont possibles. Dans le cas de telles comparutions, il faut garantir le caractère adéquat des mécanismes de sauvegarde mis en place pour l’utilisation des technologies. Comme le sénateur Dalphond l’a signalé, les procès et les enquêtes préliminaires auront seulement lieu si l’accusé y consent, et cette même exigence s’appliquera aux audiences de détermination de la peine ou aux audiences de plaidoiries ayant lieu par téléconférence.

Même si le projet de loi S‑4 précise clairement qu’il faut obtenir le consentement des deux parties pour la tenue d’audiences à distance, il peut être difficile d’obtenir le consentement véritable et éclairé des personnes sous garde, ou de n’importe qui d’autre d’ailleurs, à cause des barrières linguistiques et culturelles qui existent au sein de la population à grande majorité inuite. Je signale que bon nombre d’avocats de la Couronne et de la défense viennent du Sud du Canada, qu’ils ne sont pas des Inuits et qu’ils ne parlent pas la langue inuktitute.

(1840)

Ces difficultés de communication ne peuvent pas être résolues simplement lors de rencontres en personne entre avocats, clients et témoins. L’ajustement aux réalités linguistiques et culturelles demande d’importants investissements dans les services de traducteurs, d’interprètes et de travailleurs auprès des tribunaux.

Les interprètes et les travailleurs auprès des tribunaux sont les piliers du système judiciaire du Nunavut depuis le début. Il est encourageant de voir le nombre croissant de jeunes Inuits qui entrent dans la profession juridique au Nunavut, mais le milieu a besoin de nombreux autres professionnels.

Une préoccupation a été clairement exprimée au sujet de ce projet de loi. On craint que, sans les mesures de protection appropriées, les technologies transforment le système judiciaire du Nunavut en tribunaux satellites dont les avocats pratiqueraient à distance principalement à partir du Sud du Canada. Cette transformation pourrait nuire à l’accès à la justice en privant les clients vulnérables d’une interaction en personne avec leur avocat.

Un autre aspect important à prendre en compte est la disponibilité limitée des technologies de communication au Nunavut. Un avocat qui pratique depuis longtemps dans le Nord m’a écrit ce qui suit :

Nous sommes d’avis que le Parlement devrait y penser à deux fois avant d’adopter des lois qui prévoient l’utilisation de technologies dont ne disposent pas, de façon réaliste, tous les territoires visés par la nouvelle loi.

Chers collègues, ce n’est pas la première fois que vous m’entendez parler du problème de la fiabilité incertaine de la connectivité au Nunavut, et ce n’est certainement pas la dernière. Par exemple, en fin de semaine dernière, le magasin local où je me suis arrêté pour mettre de l’essence n’acceptait que les paiements en espèces parce que les systèmes de débit et de crédit qui dépendent d’Internet ne fonctionnaient pas ou étaient terriblement lents.

Le manque de fiabilité d’Internet au Nunavut n’est qu’une partie du problème. Les praticiens du droit expérimentés au Nunavut font remarquer que le territoire n’a pas une expertise suffisamment pointue pour gérer les problèmes techniques qui surviennent, que les technologies n’y sont pas déployées de manière uniforme et que, en général, on constate une nonchalance à l’égard de l’incidence des défaillances technologiques sur les droits des citoyens et l’équité des procès.

Un de ces praticiens a déclaré :

La nouvelle formulation de l’article 650 crée un véritable risque que des gens acceptent d’être physiquement absents pour des parties importantes de leur procès, soit parce qu’ils sont désintéressés et indifférents à l’égard du procès, soit parce qu’ils croient que cela accélérera le processus. Le procès serait alors peut-être plus rapide, mais pas nécessairement équitable.

Ce lien fait ressortir une fois de plus l’importance de la langue et des sensibilités culturelles. Il convient de souligner que, malgré deux incarnations fructueuses du programme de droit d’Akitsiraq, qui a produit deux cohortes de diplômés, la plupart étant Inuits, il y a peu d’Inuits parmi les avocats de la défense. En fait, à l’heure actuelle, il n’y en a aucun.

On dit que certains ayant tenté d’assumer ces fonctions ont trouvé l’expérience trop évocatrice. Ces jeunes avocats ont probablement tous vécu les traumatismes à la source des causes qui aboutissent devant les tribunaux ou ont été témoins de tels traumatismes.

En terminant, j’aimerais remercier le centre d’aide juridique Maliiganik Tukisiiniakvik et les avocats de la défense du Barreau du Nunavut de leurs conseils préliminaires à l’égard de ce projet de loi, qui est si pertinent pour le Nunavut. J’espère que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles cherchera à obtenir leur rétroaction et leurs conseils dans le cadre de son étude du projet de loi S-4.

J’appuie le renvoi du projet de loi à ce comité afin qu’il l’étudie.

Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, au nom du sénateur Dalphond, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur la Présidente intérimaire informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 31 mars 2022

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que le très honorable Richard Wagner, juge en chef de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du gouverneur général, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 31 mars 2022 à 18 h 22.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

Le chef du cabinet auprès du secrétaire du gouverneur général,

Ryan McAdam

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 31 mars 2022 :

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022 (projet de loi C-15, chapitre 3, 2022)

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023 (projet de loi C-16, chapitre 4, 2022)

[Traduction]

L’aide médicale à mourir

La constitution d’un comité mixte spécial—Message des Communes—Adoption de la motion

Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes :

Le mercredi 30 mars 2022

EXTRAIT,—

Que,

a)conformément au paragraphe 5(1) de la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes soit constitué pour faire l’examen des dispositions du Code criminel concernant l’aide médicale à mourir et de l’application de celles-ci, notamment des questions portant sur les mineurs matures, les demandes anticipées, la maladie mentale, la situation des soins palliatifs au Canada et la protection des Canadiens handicapés;

b)conformément au paragraphe 5(2) de la même loi, le Comité soit formé de cinq sénateurs et de 10 députés, dont cinq députés qui proviennent du parti ministériel, trois députés de l’opposition officielle et deux députés des autres partis de l’opposition qui ne sont pas l’opposition officielle, avec deux coprésidents, le coprésident agissant au nom de la Chambre représentant le parti ministériel et le coprésident agissant au nom du Sénat étant choisi par le Sénat;

c)outre les coprésidents, le Comité élise trois vice-présidents agissant au nom de la Chambre, dont le premier vice-président soit un député du Parti conservateur du Canada, le deuxième vice-président soit un député du Bloc québécois et le troisième vice-président soit un député du Nouveau Parti démocratique;

d)conformément au paragraphe 5(3) de la même loi, le quorum du Comité soit fixé à huit membres lorsqu’il y a prise d’un vote, d’une résolution ou d’une décision, à la condition que les deux Chambres et un député du parti ministériel, un député de l’opposition et un membre du Sénat soient représentés, et les coprésidents soient autorisés à tenir réunion, à entendre des témoignages et à autoriser leur impression, à la condition que six membres du Comité soient présents et que les deux Chambres et un député du parti ministériel, un député de l’opposition et un membre du Sénat soient représentés;

e)les membres de la Chambre des communes soient nommés par le whip de leur parti respectif par dépôt, auprès du greffier de la Chambre, de la liste des membres qui siégeront au Comité au plus tard cinq jours de séance après l’adoption de la présente motion;

f)les changements apportés à la représentation de la Chambre des communes au sein du Comité entrent en vigueur dès le dépôt de l’avis du whip auprès du greffier de la Chambre;

g)les membres de la Chambre des communes puissent se faire remplacer au besoin et que les avis de substitution, de la manière prévue à l’article 114(2) du Règlement, puissent être remis au greffier du Comité par courriel;

h)jusqu’au jeudi 23 juin 2022, le cas échéant en ce qui concerne un comité mixte spécial, les dispositions du paragraphe r) de l’ordre adopté par la Chambre le jeudi 25 novembre 2021 s’appliquent également au Comité;

i)le Comité ait le pouvoir de :

(i)siéger durant les séances de la Chambre et au cours des périodes d’ajournement,

(ii)faire rapport de temps à autre, de convoquer des témoins, de demander le dépôt de documents et de dossiers, et de faire imprimer des documents et des témoignages dont le Comité peut ordonner l’impression,

(iii)retenir les services de spécialistes et du personnel professionnel, technique et de soutien, notamment de conseillers juridiques,

(iv)mettre sur pied, en se servant de ses propres membres, tous les sous-comités qu’il jugera utiles, et de déléguer à ces sous-comités tous ses pouvoirs, sauf celui de faire rapport au Sénat et à la Chambre des communes,

(v)autoriser la diffusion vidéo et audio d’une partie ou de la totalité de ses délibérations et que les délibérations publiques soient rendues disponibles au public via les sites Web du Parlement du Canada;

j)conformément au paragraphe 5(5) de la même loi, le Comité présente au Parlement son rapport final faisant état notamment de tout changement recommandé au plus tard le jeudi 23 juin 2022;

k)conformément au paragraphe 5(6) de la même loi, le Comité cesse d’exister lorsque son rapport final est déposé dans les deux Chambres;

qu’un message soit envoyé au Sénat le priant de se joindre à la Chambre pour les fins susmentionnées et de choisir, s’il le juge opportun, des sénateurs pour le représenter audit Comité mixte spécial.

ATTESTÉ

Le greffier de la Chambre des communes

Charles Robert

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que :

a)conformément au paragraphe 5(1) de la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), L.C. 2021, ch. 2, un comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes soit constitué afin d’étudier les dispositions du Code criminel concernant l’aide médicale à mourir et leur application, notamment des questions portant sur les mineurs matures, les demandes anticipées, la maladie mentale, la situation des soins palliatifs au Canada et la protection des Canadiens handicapés;

b)conformément au paragraphe 5(2) de la loi, le comité soit formé de cinq sénateurs, dont un sénateur de l’opposition, deux sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, un sénateur du Groupe progressiste du Sénat, un sénateur du Groupe des sénateurs canadiens, et de dix députés, avec deux présidents, le président agissant au nom du Sénat étant de l’opposition et le président agissant au nom de la Chambre étant du parti ministériel;

c)outre les présidents, le comité ait un vice-président agissant au nom du Sénat étant du Groupe des sénateurs indépendants et trois vice-présidents agissant au nom de la Chambre;

d)les cinq sénateurs qui seront membres du comité soient nommés au moyen d’un avis signé par leur leader ou facilitateur respectif, ou leurs délégués respectifs, et remis au greffier du Sénat au plus tard à 17 heures le jour suivant l’adoption de cette motion, faute de quoi, le leader ou facilitateur, et, dans le cas du Groupe des sénateurs indépendants, le facilitateur adjoint s’il y a lieu, de tout parti ou groupe identifié au paragraphe b) qui n’a pas remis le nom d’un sénateur au greffier du Sénat, sera réputé être nommé au comité, les noms des sénateurs nommés à titre de membres étant consignés aux Journaux du Sénat;

e)conformément au paragraphe 5(3) de la loi, le quorum du comité soit fixé à huit membres lorsqu’il y a prise d’un vote, d’une résolution ou d’une décision, à la condition que les deux chambres soient représentées, qu’un membre du Sénat, un député du parti ministériel et un député de l’opposition soient présents, et que les présidents soient autorisés à tenir des réunions, à entendre des témoignages et à autoriser leur publication, à la condition que les deux chambres soient représentées et que six membres du comité soient présents et qu’un membre du Sénat, un député du parti ministériel et un député de l’opposition soient présents;

f)pour plus de certitude, les modifications apportées à la représentation du Sénat au sein du comité soient apportées conformément à l’article 12-5 du Règlement du Sénat;

g)jusqu’au jeudi 23 juin 2022 :

(i)le cas échéant, les dispositions des paragraphes a), b) et c) de l’ordre adopté par le Sénat le 10 février 2022, concernant la participation des sénateurs aux réunions hybrides des comités mixtes permanents, s’appliquent aux sénateurs de ce comité;

(ii)les sénateurs, les députés, les fonctionnaires des ministères et les fonctionnaires parlementaires qui comparaissent en tant que témoins devant le comité puissent le faire en personne, ainsi que tout témoin qui est invité à comparaître devant le comité;

h)le comité ait le pouvoir de :

(i)se réunir durant les séances et au cours des périodes d’ajournement du Sénat;

(ii)faire rapport de temps à autre, de convoquer des témoins, de demander le dépôt de documents et de dossiers, et de faire publier des documents et des témoignages tel qu’ordonné par le comité;

(iii)retenir les services de spécialistes et du personnel professionnel, technique et de soutien, notamment de conseillers juridiques;

(iv)autoriser la diffusion vidéo et audio d’une partie ou de la totalité de ses délibérations publiques et de les rendre disponibles au public sur les sites Web du Parlement du Canada;

i)un rapport du comité puisse être déposé auprès du greffier du Sénat à tout moment pendant une période d’ajournement du Sénat, et que tout rapport ainsi déposé puisse être déposé électroniquement, le rapport étant alors réputé avoir été présenté ou déposé au Sénat;

j)conformément au paragraphe 5(5) de la loi, le comité présente au Parlement son rapport final faisant état notamment de tout changement recommandé au plus tard le jeudi 23 juin 2022;

k)conformément au paragraphe 5(6) de la loi, le comité cesse d’exister lorsque son rapport final est déposé dans les deux chambres;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1850)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 5 avril 2022, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier le Cadre fédéral de prévention du suicide—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénateur Boehm,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dès qu’il sera formé, le cas échéant, soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, le Cadre fédéral de prévention du suicide, y compris :

a)à déterminer si le cadre a permis de faire diminuer les taux de suicide de façon importante, fondamentale et durable depuis son adoption;

b)à examiner les taux de suicide chez la population canadienne et des groupes particuliers au Canada comme les Autochtones, les personnes racialisées et les jeunes;

c)à faire rapport sur la somme des subventions fédérales accordées aux initiatives et aux programmes de prévention du suicide de 2000 à 2020, et à déterminer quels critères fondés sur des données probantes en matière de prévention du suicide ont orienté les choix;

d)à déterminer, pour chaque initiative ou programme mentionné au paragraphe c), s’il y a eu une baisse importante, fondamentale, durable et démontrable des taux de suicide chez la ou les populations ciblées;

e)à formuler des recommandations pour que le Cadre fédéral de prévention du suicide du Canada et les subventions fédérales destinées aux activités de prévention du suicide soient fondés sur les meilleures données probantes disponibles concernant les causes de la baisse des taux de suicide;

Que le comité soumette au Sénat le rapport final sur son étude au plus tard le 16 décembre 2022.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion du sénateur Kutcher, la motion no 14, concernant la poursuite de l’étude du Cadre fédéral de prévention du suicide.

Bien que je salue l’intention derrière cette motion, j’ai des réserves. Le suicide est un sujet très important, mais l’idée de tenir encore une autre étude m’inquiète. Les gens que je représente au Nunavut, qui vivent avec les répercussions du suicide tous les jours, ont besoin de gestes concrets, pas d’autres études. On ne compte plus les stratégies qui ont été mises en place : le Cadre fédéral de prévention du suicide, la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits, le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations, Changer les orientations, changer des vies : Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada, et j’en passe. Bon nombre de ces cadres, stratégies et études ont été conçus par des non-Inuits du Sud.

Les gens que je représente au Nunavut ont besoin d’un financement fédéral souple et pluriannuel et d’une approche pangouvernementale. J’aimerais en savoir plus sur ce dont ils ont besoin exactement afin que nous sachions sur quoi insister auprès du gouvernement. Cela enlèverait le caractère subjectif de ce qui est comptabilisé ou non comme étant un progrès. Il faut plutôt demander si le financement ou les programmes que les gens réclament ont été fournis.

Je tiens à remercier le Sénat de me permettre de m’adresser aux gens que je représente dans leur langue maternelle, même si ce ne sera pas parfait. Je vais maintenant m’exprimer en inuktitut. Une interprète est présente. Je remercie le Sénat d’avoir fait les arrangements nécessaires.

[Note de la rédaction : Le sénateur Patterson s’exprime en inuktitut — la traduction suit.]

Je vais parler de ce qui se passe au Nunavut. Nous ne voulons pas d’autres études. Nous voulons nos connaissances. Le suicide nous a enlevé nos êtres chers et d’autres personnes que nous connaissons. Cela se produit depuis longtemps. Beaucoup de gens au Nunavut ont été touchés par le suicide. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles certaines personnes se suicident. Comme tous les gens du Nunavut, je suis profondément affecté lorsque quelqu’un s’enlève la vie.

On vient parfois me voir pour me demander d’aider à prévenir d’autres suicides. On ne sait pas exactement ce qui pousse au suicide. Les raisons peuvent être multiples. Le traumatisme en fait partie, tout comme les pensionnats, les réinstallations forcées, les massacres de chiens, la tuberculose et d’autres choses comme la maladie mentale et l’interdiction des peaux de phoques par des organisations comme Greenpeace. Tous ces éléments ont grandement chamboulé la vie des Inuits. Ce ne sont que quelques exemples. Le manque de logements et les autres graves lacunes sur le plan de la qualité de vie que nous endurons au quotidien comptent aussi parmi les facteurs.

Comme la cause première de la plupart des suicides chez les Inuits est le traumatisme, les programmes les plus susceptibles d’aider à surmonter la perte, la colère et les méfaits causés aux Inuits sont ceux qui sont dirigés par des Inuits.

(1900)

Les Inuits devraient participer à l’administration des programmes et à la mise en œuvre des programmes axés sur leurs connaissances et les connaissances inuites, car ce sont eux qui connaissent le mieux leur territoire et leur environnement.

Les habitants du Nord de longue date savent quels devraient être ces programmes, car nous avons entendu des décennies de discussions et lu de nombreuses études qui disent toutes la même chose. Les Nunavummiut ont besoin de programmes qui les aident à acquérir des compétences culturelles et à retourner sur la terre. Ils ont besoin de soutien pour continuer à apprendre des compétences culturelles essentielles comme la couture, la préparation des peaux de phoque et la chasse. Ils ont besoin d’apprendre la fabrication et l’entretien de l’équipement de chasse.

Ils doivent apprendre des compétences culturelles, une grande partie de leur culture et des compétences de chasse. Ce sont les compétences qui assurent et qui ont assuré la subsistance des Inuits, car ce sont des compétences de survie. Bien que cela puisse sembler sans rapport avec la prévention du suicide, il est important de savoir que toutes ces compétences sont ennoblissantes et édifiantes. Un lien plus profond avec sa culture donne de la force et de la stabilité. Les métiers et les passe-temps donnent un but, contrairement aux personnes qui cherchent à combler le vide par la drogue et l’alcool.

[Traduction]

De plus, en raison du haut taux de chômage et des logements surpeuplés, les gens survivent au lieu de vivre. Si nous arrivions à régler ces problèmes, les gens auraient l’espace nécessaire pour se concentrer sur leur rétablissement et leur bien-être. Les programmes doivent être offerts en inuktitut pour que les participants puissent parler à cœur ouvert, au lieu d’essayer d’expliquer des émotions et des idées complexes en dépit d’une barrière culturelle et linguistique.

Il est primordial de former les Inuits afin que ce soit eux qui offrent les programmes. Quand une personne est au bout du rouleau, elle a besoin de soutien, d’être accompagnée et d’être guidée tout au long du processus de rétablissement. Quand il y a absence de lien, cela peut être très dérangeant. Il faut que les ressources soient présentes dans les communautés et disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il est essentiel de reconnaître que nos aînés sont les gardiens du savoir et qu’ils savent ce que les membres de la communauté vivent. Nos 25 communautés ont des gens qui peuvent faire ce travail et offrir ce soutien.

Je terminerai mon allocution en Inuktitut avec les propos d’un aîné.

[Note de la rédaction : Le sénateur Patterson s’exprime en inuktitut — l’interprétation suit.]

Un aîné m’a dit que nous devons recommencer à miser sur nos perspectives culturelles pour aider à empêcher d’autres suicides. Nous devons prendre appui sur ce que nous connaissons en tant qu’Inuits, réapprendre à nous tenir debout.

[Traduction]

Ainsi, lorsque nous demandons à notre Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie d’étudier un sujet aussi important que la prévention d’un problème aussi dévastateur que le suicide, je pense que nous devons garder à l’esprit que l’examen des programmes et des initiatives doit tenir compte du point de vue des gens du Nord canadien et qu’il pourrait s’étendre à d’autres programmes et initiatives que les gens du Sud pourraient ne pas considérer comme des mesures connexes, mais que les Inuits considéreraient certainement comme faisant partie intégrante de la lutte contre l’épidémie de suicide à laquelle nous sommes confrontés dans le Nord.

Je terminerai en signalant que ce que le sénateur Kutcher a proposé est une étude approfondie et fondée sur les faits et les connaissances théoriques à l’égard de l’approche fédérale en matière de prévention du suicide, ainsi qu’un examen des programmes mis en œuvre sur une période de 20 ans. C’est du moins ma façon de voir les choses. Cependant, si on suit la proposition à la lettre, cette étude prendra beaucoup de temps à un comité qui, comme tous les autres, ne se réunit actuellement qu’une fois par semaine et sera probablement submergé par des études de projets de loi dans un avenir prévisible. Je mets le Sénat en garde contre l’idée de consacrer énormément de temps à l’étude d’un problème auquel les gens réclament une solution immédiate.

Au Nunavut, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre d’autres recommandations. Chaque année qui passe sans qu’on intervienne apporte son lot de vies perdues et de souffrances. Qujannamiik. Taima.

(Sur la motion du sénateur Brazeau, le débat est ajourné.)

(À 19 h 8, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 31 mars 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 5 avril 2022, à 14 heures.)

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